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L'article provient de TVA Sports

Repêchage: l'une des pires bévues du CH a 40 ans

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Photo portrait de Jean-François Chaumont

Jean-François Chaumont

2020-06-06T11:55:13Z
2023-10-12T23:40:48.209Z
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Denis Savard a marqué son premier but dans la LNH le 11 octobre 1980 sur la glace du Forum de Montréal. Il avait déjoué Denis Herron dans un gain de 5 à 4 des Blackhawks de Chicago contre l’équipe de son enfance, le Canadien.

À son deuxième match seulement dans la LNH, Savard venait déjà hanter le CH. 

«Je revois la scène dans ma tête. C’était au vieux Forum de Montréal. Pour moi, c’est un souvenir émotif. C’est la seule année où mon père a eu la chance de me voir jouer. Et il était là pour mon premier [but]. J’ai marqué mon premier à Montréal, dans la ville où j’ai grandi et contre l’équipe de mes idoles.»

«Je n’oublierai jamais. J’avais récupéré la rondelle à notre propre ligne bleue. Larry Robinson me pourchassait, je venais de le contourner et de le battre de vitesse. J’avais choisi de partir du côté droit et il y avait Serge Savard comme autre défenseur. J’avais pris un tir frappé devant Serge. Sans enlever le crédit à Denis Herron, je n’aurais jamais marqué aujourd’hui. Un gardien de 2020 aurait fait cet arrêt la main nue! Ce n’était pas le meilleur tir, mais j’étais sur la glace contre deux futurs défenseurs du Temple de la renommée.»

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Savard raconte cette scène d’il y a 40 ans avec une précision impeccable. Les images sont immortalisées dans son cerveau, même si l’homme de 59 ans aime dire que «ça fait longtemps en maudit».

Un pressentiment 

Quatre mois plus tôt, soit le 12 juin 1980, le repêchage de la LNH se tenait au mythique Forum. Pour la première fois depuis la sélection de Guy Lafleur en 1971, le CH détenait le tout premier choix. Il n’y avait toutefois pas eu de magie avec la sélection de Doug Wickenheiser.

Wickenheiser, un centre de 6 pi et 1 po, avait connu une saison de 170 points avec les Pats de Regina. Après le choix du défenseur Dave Babych avec les Jets de Winnipeg, Savard avait entendu son nom au troisième rang avec les Blackhawks.

«Je restais à Verdun, alors j’avais eu un court trajet à effectuer pour me rendre au Forum, s’est remémoré Savard. Quand j’avais rencontré les Hawks deux ou trois jours avant le repêchage, j’avais vraiment eu un bon sentiment. Mon père [Arthur] m’accompagnait pour les rencontres. À notre sortie de l’entrevue avec les Hawks, mon père m’avait prévenu: “C’est à Chicago que tu vas te ramasser”.»

Pour un premier choix au total, il y a rarement un grand suspense. Depuis des mois, on sait qu’Alexis Lafrenière sera le premier de classe à l’encan de 2020. Mais en 1980, Savard rappelle que c’était une autre histoire.

Une équipe en transition 

«Le matin du repêchage, les cartes n’étaient pas encore tombées. Je ne savais pas où j’étais pour sortir. J’ignorais les intentions du Canadien. J’avais analysé le repêchage avec mon père selon les besoins des équipes.»

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«À Montréal, j’aurais eu la chance de jouer à la maison et pour l’équipe de mon enfance. Je regardais toujours le Canadien quand j’étais un petit garçon. Mais si je ne représentais pas le choix du Canadien, je me disais que j’étais pour partir à Winnipeg ou Chicago. Les Jets avaient toutefois dit qu’ils recherchaient un défenseur, alors que les Hawks m’aimaient beaucoup. Je savais aussi que les Hawks étaient une équipe en transition et que j’étais pour obtenir un gros rôle rapidement avec eux.»

Dans la LHJMQ, Savard avait fait la pluie et le beau temps avec le Junior de Montréal. Il sortait d’une saison de 181 points (63 buts, 118 passes) en 72 matchs. On le décrivait comme un magicien avec la rondelle, mais il n’était pas le plus costaud.

140 ou 145 livres...

«Le jour du repêchage, je devais peser environ 140 ou 145 livres, réplique-t-il en riant. Mon cousin, Jean, qui avait été repêché en 1977 par les Blackhawks, avait un peu le même style que moi et il avait trouvé ça difficile dans une division très physique. Je pensais que les Hawks aimeraient peut-être mieux un joueur plus gros.»

«C’était la surprise jusqu’au moment où ton nom sort. Je m’en souviendrai toujours. Au premier rang, j’avais entendu le nom de Wick, comme premier choix avec le Canadien de Montréal. J’avais ressenti un pincement, mais ce n’était pas la fin du monde.»

«Je ne blâme pas le Canadien pour le choix de Wick. Ils m’ont vu jouer pratiquement tous les jours. J’étais dans la cour du CH à Verdun. Ils ont remarqué mes forces, mais aussi mes défauts. Quand tu regardes trop souvent le même joueur, tu finis par t’arrêter plus aux défauts qu’aux forces. J’aime dire que le Canadien m’avait vu jouer trop souvent !»

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Encore aujourd’hui, les recruteurs de la LNH disent qu’il y a un danger à voir un jeune espoir trop souvent.

Six mots d'anglais 

À 19 ans, Denis Savard partait de son Verdun natal pour s’installer à Chicago. À son arrivée en Illinois, le premier choc se trouvait bien loin d’une patinoire.

«Avant mon premier camp, je me retrouvais seul à l’hôtel et j’écoutais les Cubs à la télévision pour apprendre l’anglais. À mes premiers jours à Chicago, je commandais toujours les mêmes choses au restaurant. Le matin, je mangeais l’autre côté de la rue de mon hôtel. Je disais trois mots que je connaissais : eggs, toasts et bacon. Et le soir, c’était encore trois mots : filet mignon, french fries et Coke ! C’était mon menu pour mes trois ou quatre premiers jours à Chicago. Je m’en souviendrai toujours.»

Malgré la barrière de la langue, Savard a rapidement fait sa place avec les Blackhawks.

75, 119, 121 points 

«J’ai compté sur des coéquipiers formidables, ils avaient à cœur ma réussite. Je pense à Keith Brown, Bob Murray ou Doug Wilson. J’ai fini par apprendre l’anglais et je suis devenu un bon joueur dans la LNH.»

Un bon joueur. Le mot est faible. Une saison recrue de 75 points. Une deuxième année de 119 points et une troisième de 121 points. Savard aura marqué l’histoire des Blackhawks de Chicago.

Le jour du repêchage en 1980, Savard avait offert une déclaration forte de sens.

«Je prouverai que je suis meilleur que Wickenheiser», pouvait-on lire sous la plume de Marc Lachapelle dans «Le Journal».

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«J’ai probablement dit ça, réplique Savard en riant au téléphone. Je voulais prouver que j’étais pour devenir meilleur que Wick. J’étais un jeune homme confiant, je n’avais peur de rien.»

«Je me suis retrouvé à un endroit où les Hawks me donnaient des chances de produire. Dès mes débuts dans la LNH, je jouais dans toutes les situations.»

Sans rancune 

Quarante ans après ce repêchage, Savard reste en paix avec le choix du Canadien.

«On a fait deux chemins différents, avec deux organisations différentes. Wick était aussi un très bon joueur. Il n’avait pas été repêché au premier rang par hasard. Il était gros, il était talentueux, mais il n’a jamais profité d’un rôle de top gun.»

«On n’aura jamais la réponse, mais j’aurais peut-être connu le même sort que Wick si le Canadien m’avait repêché au premier rang en 1980. Je crois réellement que c’était mon destin de sortir avec les Hawks. J’ai connu une formidable carrière à Chicago et je suis revenu à Montréal pour gagner la coupe Stanley en 1993. Je n’y changerais rien. J’ai fini ma carrière de joueur avec les Hawks et aujourd’hui j’habite encore dans la région de Chicago.»

Un regret 

De ses jours avec les Hawks, Savard garde un seul regret.

«Nous n’avons jamais gagné la coupe Stanley. Nous avions le talent pour y arriver. Mais il y avait un gros problème et c’était les Oilers d’Edmonton. Ils avaient une équipe magique, les Oilers. Ils n’avaient pas juste Wayne [Gretzky].»

Au repêchage de 1980, les Oilers avaient fait le plein de bons joueurs: Paul Coffey (6e), Jari Kurri (69e) et Andy Moog (132e).

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