Réforme de la santé: une opération risquée
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![Photo portrait de Antoine Robitaille](/_next/image?url=https%3A%2F%2Fm1.quebecormedia.com%2Femp%2Femp%2FAntoine_Robitaille_404e0ae7d21-73b6-4d20-b859-f341e593b38d_ORIGINAL.jpg&w=3840&q=75)
Antoine Robitaille
La vraie réforme dans notre système de santé serait peut-être d’en finir avec les réformes.
C’est ce que plusieurs se disaient, après le controversé rebrassage de structures opéré par le ministre Gaétan Barrette de 2014 à 2018.
Les employés de l’énorme système de santé le répètent : lorsqu’on bouleverse les structures, il faut compter plusieurs mois, et dans certains cas des années, avant que certains retrouvent leurs marques, aient une idée claire de leurs rôles et responsabilités, des lignes hiérarchiques.
Bonnes intentions
Et les réformes n’ont pas manqué depuis celle de Marc-Yvan Côté, en 1990, il y a maintenant 33 ans. Ces grandes redéfinitions sont toujours empreintes de bonnes intentions (comme l’enfer, qui en est pavé).
Pour Côté, en 1990, il s’agissait de « replacer le citoyen au centre du réseau ». Le « citoyen » et non le patient, soulignons-le. La création des Régies régionales visait à rendre la gouverne du Réseau plus démocratique, en lien avec le « milieu ». Les Régies devenaient les « véritables maîtres d’œuvre du développement et de l’organisation des services de santé et des services sociaux sur leur territoire ». L’objectif était la décentralisation.
- Écoutez la chronique d'Alain Laforest, correspondant parlementaire à TVA Nouvelles au micro d' Antoine Robitaille, disponible en balado sur QUB radio :
On voulait changer les structures définies 20 ans plus tôt pour faire face à des phénomènes grandissants : « Le vieillissement de la population ressort comme l’une des tendances qui aura le plus d’impact sur la demande de services », pouvait-on déjà lire dans le texte présentant la réforme. Mais aussi, « la transformation radicale de la famille », « le SIDA, la violence, l’itinérance et les conflits familiaux », l’accélération du « développement technologique ».
Agence
Moins de 10 ans plus tard, après les compressions du « déficit zéro », le gouvernement Bouchard lançait la commission Clair. Là aussi, on nageait dans les bonnes intentions. Pour mieux servir la population, il fallait dépolitiser. Il est vrai que la santé l’avait été fortement et que cela forçait le ministre et son ministère à s’adonner à de la microgestion. À répondre à l’Assemblée nationale à des cas particuliers.
La notion d’« agence » correspondait parfaitement aux impératifs de l’air du temps. Notamment une promesse de neutralité, à l’instar des mots à double fond de l’époque : la « gestion », la « gouvernance ». Comme si les affaires humaines pouvaient être purement mécaniques.
Des agences furent effectivement créées, à l’ère Charest, par le ministre Philippe Couillard. Pas une seule, mais plusieurs, sur une base régionale. En mai 2007, le critique adéquiste en matière de Santé, un certain Éric Caire, se demandait si les 100 millions que les Agences coûtaient annuellement étaient « bien investis », amélioreraient vraiment « la qualité des soins ».
- Écoutez Gaétan Barrette au micro de Richard Martineau sur QUB radio :
Couillard répondit que oui. Il les avait créées ! Mais c’est lui qui, quelques années plus tard, comme premier ministre, acceptera que Gaétan Barrette les abolisse. Et les remplace par quelques CIUSSS et CISSS.
Aujourd’hui, le gouvernement de la CAQ revient à la logique du rapport Clair et la création d’une grande agence unique. Les intentions semblent excellentes : contraintes pour les spécialistes, carte d’hôpital unique, employeur unique, maintien de l’ancienneté des infirmières, etc. (On verra le détail demain.)
L’opération est risquée, le « patient » n’en est pas à sa première. Souhaitons simplement qu’il en sorte vivant.