Agence Santé Québec: Dubé impose le bâillon pour adopter sa réforme

Plaidant l’urgence d’améliorer le service aux patients, le ministre Christian Dubé fera adopter sa vaste réforme du réseau de la santé sous bâillon. Mais avec quelque 650 articles encore à l’étude, Québec solidaire estime qu’il s’agit d’un projet de loi bâclé dont les lacunes seront découvertes trop tard.  

Le ministre de la Santé était de mauvais poil, au moment de se présenter devant la presse parlementaire, vendredi. 

«Je suis un peu tanné de voir ce qui se passe dans notre réseau, des gens qui attendent à l’urgence, des gens qui meurent à l’urgence, des gens qui ne sont pas capables d’avoir un rendez-vous avec leur médecin, des listes d’attente. Je suis tanné de ça», a déclaré Christian Dubé. 

«À chaque jour que l’on perd, on a des dangers dans nos urgences», a-t-il ajouté un peu plus tard. 

Après 238 heures d’étude en commission parlementaire, le gouvernement Legault a donc décidé d’imposer le bâillon au projet de loi 15. Les élus devront siéger en soirée, et peut-être même cette nuit ou demain, afin de procéder à son adoption en accéléré. 

Avec cette énième réforme du réseau de la santé, Québec souhaite créer une nouvelle agence, Santé Québec, qui deviendra l’employeur unique du réseau et prendra en charge les opérations quotidiennes.

Au cours de son bilan de fin de session, le premier ministre François Legault a d’ailleurs lié les réformes en santé et en éducation aux négociations en cours avec les employés du secteur public. Dans tous les cas, il s’agit d’obtenir plus de souplesse des syndicats et de rendre les gestionnaires plus imputables. 

«En ce moment, l’état des réseaux est, dans certains cas, difficile parce qu’il manque de flexibilité», a-t-il affirmé. 

Inquiétudes 

Mais cette adoption à toute vapeur inquiète les partis d’opposition, puisque quelque 650 articles n’ont toujours pas été étudiés, sur les 1 200 que contient le projet de loi. L’équipe de M. Dubé estime que 80 articles restants concernent du contenu, le reste étant de la concordance avec les autres lois. 

Selon les oppositions, ce sont plutôt 200 articles de contenu qui demeurent à l’étude, dont plusieurs modifient les services préhospitaliers. 

«Il a déposé un projet de loi qui est tout croche, qui est gargantuesque, qu’on est obligés de réparer au marteau pis au rabot tous les jours», a pesté le député de Québec solidaire, Vincent Marissal, en référence aux centaines d’amendements déposés par le ministre lui-même depuis le début des travaux. 

«Le premier ministre s’apprête à commettre la pire erreur de son mandat», a lancé le chef intérimaire du Parti libéral, Marc Tanguay. 

Son collègue, André Fortin, a d'ailleurs rappelé que le ministre Dubé reconnaissait la semaine dernière qu'il ne comprenait pas la portée d'un amendement concernant les hôpitaux anglophones. 

Adoptés sans étude

Mais le leader parlementaire du gouvernement assure que les Québécois peuvent faire confiance aux juristes de l’État, qui ont rédigé les éléments toujours à l’étude. «Ce sont des gens compétents, des gens professionnels», assure Simon Jolin-Barrette. 

Le critique péquiste Joël Arseneau fait pourtant valoir que le projet de loi a été grandement modifié depuis son dépôt en mars dernier. «Encore hier, à 16 h 40, on a reçu de nouveaux amendements», a-t-il souligné.