Réduction des GES: 1,3 G$ pour verdir les pollueurs
Le plan de réduction des gaz à effet de serre du gouvernement aidera le secteur industriel
Nicolas Lachance
Québec rejette une surtaxe pour l’achat de véhicules polluants dans ses nouvelles mesures de réduction de GES. Avec 51 % des moyens déjà identifiés pour atteindre son objectif, il doublera plutôt l’aide financière aux grandes usines pour améliorer son bilan.
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Les sommes octroyées au secteur industriel passent de 768 M$ à 1,3 G$ dans la nouvelle version du plan de réduction des GES du gouvernement, qui sera dévoilée aujourd’hui. «Pour les très grands émetteurs, c’est un 300 M$ de plus», précise en entrevue le ministre de l’Environnement, Benoit Charette.
Il n’y aura toutefois pas de nouvelle taxe pour l’achat de gros véhicules énergivores.
«Une fausse bonne idée», plaide le ministre Charette, soutenant que les propriétaires de ces véhicules paient déjà leur contribution à la pompe, en raison de la taxe sur l’essence.
Et il persiste et signe sur la baisse de 1000 $ du crédit d’impôt pour l’achat d’un véhicule électrique, annoncée lors du budget Girard. Selon lui, cette baisse ne réduit pas la demande ni ne constitue un frein à la transition, notamment en raison de la diminution des prix de vente des véhicules électriques.
Avec l’argent, Québec mise surtout sur la bonification de mesures visant le secteur industriel. En doublant pratiquement la somme pour permettre des modes de production plus verts, le ministère prévoit que ces mesures réduiront les GES industriels de 5,6 mégatonnes (Mt). La diminution était établie à 5,1 Mt dans le précédent plan.
Cibles identifiées
La cible grimpe moins rapidement que l’argent injecté parce que le ministre dit faire preuve de prudence dans ses estimations. «J’aime mieux donner l’heure juste», dit-il, vantant une approche rigoureuse.
Selon lui, il est difficile de quantifier les effets immédiats. «L’année prochaine ou dans deux ans, avec l’effet de cette mesure-là, on pourra peut-être vous dire qu’on a été trop conservateur dans l’évaluation des mégatonnes estimées», indique-t-il.
Avec une meilleure surveillance des sommes distribuées du Fonds vert, la diminution des allocations gratuites sur le marché du carbone et la bonification de programmes pour les entreprises, Québec croit qu’il améliorera ce bilan.
Le ministère de l’Environnement indique pouvoir réduire les émissions de 15,9 Mt et atteindre 51 % de son objectif. «On va nous dire, 51 %, c’est encore trop peu, mais on avance», explique M. Charette, ajoutant que contrairement au gouvernement fédéral, qui comptabilise «des souhaits», il présente «des moyens» et des sommes pour atteindre sa cible.
Le gouvernement de la CAQ vise une baisse des émissions de 37,5 % par rapport à 1990 d’ici 2030, soit une réduction de 30 Mt. En novembe 2020, le gouvernement avait identifié 42 % des mesures pour atteindre cette cible, c’est-à-dire 12,4 mégatonnes.
L’aluminium et l’hydrogène verts
Le gouvernement veut aussi «jouer de prudence» avec ses projections de réduction de GES concernant l’hydrogène vert et l’aluminium vert. «Le potentiel est difficile à évaluer», mentionne Benoit Charette.
Selon le fédéral, en 2030, l’aluminium vert représentera 20 % du marché. Pour l’instant, Québec, qui forme 80 % du marché canadien, l’évalue à seulement 5 %, mais souhaite voir ce pourcentage grimper. Ces technologies pourraient, si elles fonctionnaient, aider le Québec à atteindre ses cibles.
– Avec la collaboration d’Annabelle Blais
« La critique, on est très prêts à l’assumer. Mais concrètement, l’image que certains veulent nous donner ne colle tout simplement pas [...] C’est la façon de comptabiliser les GES qui est prudente, mais les moyens retenus sont plus qu’ambitieux. »
– Benoit Charette, ministre de l’Environnement
Le nouveau plan du ministre en bref
- Québec a identifié 15,9 mégatonnes (Mt) de réduction, soit 51 % de sa cible.
- Après avoir stabilisé les émissions, Québec prévoit un début de réduction des GES au bilan en 2025.
En 2019, le secteur industriel québécois a émis 24,8 Mt de GES, soit 29,4 % des émissions totales du Québec. Ainsi Québec veut :
- Hausse de 75 % des sommes accordées aux mesures visant le secteur industriel, ce qui représente 1,3 G$
- Bonification de 348 M$ du programme ÉcoPerformance, passant de 579 M$ à 927 M$ sur 5 ans
- 100 M$ sur 5 ans pour aider à payer l’acquisition de nouvelles technologies permettant de réduire les GES
- 75 M$ pour soutenir l’achat d’équipement réduisant l’utilisation de biocarburants
- Réduction des allocations gratuites aux grandes entreprises de 2,7 % par année dès 2024