Publicité
L'article provient de Le Journal de Québec
Monde

Reagan et le complot gai

Le 40e président des États-Unis, Ronald Reagan, en 1987
Le 40e président des États-Unis, Ronald Reagan, en 1987 Photo d'archives, AFP
Partager
Photo portrait de Luc Laliberté

Luc Laliberté

30 mai 2022
Partager

Chaque jour j’observe et commente l’actualité politique aux États-Unis, mais, déformation professionnelle, je le fais presque toujours en regardant par-dessus mon épaule. Comme je me plais à le répéter à mes étudiants, j’ai étudié et enseigné en histoire parce que je suis un maniaque de l’actualité.

De plus, l’histoire n’est pas statique. Non seulement analyse-t-on régulièrement les faits en proposant de nouvelles hypothèses, mais il arrive que de nouveaux faits apportent un éclairage différent sur l’état de nos connaissances.

Vendredi dernier, le POLITICO Magazine divulguait des passages d’un nouveau livre de James Kirchick, intitulé Secret City: The Hidden History of Gay Washington. Kirchnick, journaliste et chroniqueur conservateur, s’intéresse régulièrement à la thématique de l’homosexualité et des droits de la communauté LGBTQ.

Le «crime» homosexuel

Les extraits partagés par POLITICO permettent de confirmer des rumeurs qui, sans être forcément connues du grand public, ont circulé à Washington depuis une quarantaine d’années. En 1980, c’était hier il me semble, un des pires «crimes» que pouvait commettre un politicien était celui d’afficher son homosexualité.

L’ancien gouverneur de la Louisiane, le sulfureux Edwin Edwards, déclarait d’ailleurs en 1983: "The only way I can lose this election is if I’m caught in bed with either a dead girl or a live boy." Il ne pouvait s’incliner que si on le surprenait au lit avec une femme assassinée ou un jeune homme vivant. La pire option étant la seconde.

Publicité

Lors des primaires républicaines de 1980, le Parti républicain était profondément divisé entre son aile plus progressiste et son aile conservatrice. Le candidat vedette de cette seconde faction était Ronald Reagan.

  • Écoutez l'édito de Luc Laliberté à l'émission de Geneviève Pettersen diffusée chaque jour en direct 13 h via QUB radio :

Reagan contrôlé par les gais

Bien avant qu’on ne choisisse Reagan pour affronter Carter, certains de ses opposants républicains, tout comme des membres de sa propre équipe, craignaient l’emprise qu’aurait sur lui un «cercle d’homosexuels», un groupe infâme dont le candidat, lui-même bisexuel, n’aurait été que le candidat mandchou.

À quel point la crainte d’une influence d’un groupe gai était-elle prise au sérieux en 1980? Elle expliquerait que Ronald Reagan ait retenu George H.W. Bush comme colistier plutôt que l’ancien footballeur et sénateur Jack Kemp en raison de sa fluidité présumée, mais jamais démontrée.

Celui qui triomphe en 1980 a également écarté un de ses hommes de confiance de la Maison-Blanche. Très influent dans l’entourage de Reagan, Pete Hannaford, secrètement gai, fut sacrifié pour, disait-on, sauver le parti et le pays.

Avec le recul, on ne peut qu’imaginer une campagne présidentielle en 1980 marquée par un scandale lié à l’homosexualité. Certes, on ne peut réécrire l’histoire, mais on peut penser que le conservateur Ronald Reagan aurait été sérieusement embêté. On oublie parfois que Carter s’est accroché très longtemps dans les sondages avant que l’éventuel gagnant ne le largue.

Quarante ans, c’était hier. Aujourd’hui, Pete Buttigieg affiche son homosexualité, il est marié, il a adopté deux enfants et il agit comme secrétaire aux Transports dans l’administration Biden.

Publicité
Publicité