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Qui sont les soldats russes qui commettent des crimes de guerre en Ukraine?

Vadim Chichimarine
Vadim Chichimarine AFP
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Photo portrait de Gabriel  Ouimet

Gabriel Ouimet

2022-05-24T18:55:52Z
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Jeune, pauvre, mal informé et terrorisé par ses supérieurs: le profil du premier soldat russe condamné pour crime de guerre en Ukraine permet de brosser le portrait d’une partie des forces déployées par Moscou et de mieux comprendre le contexte dans lequel certains civils ukrainiens sont pris pour cibles. 

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Âgé de 21 ans, Vadim Chichimarine est devenu lundi le premier soldat à être condamné à la prison à vie pour crime de guerre depuis le début de l’offensive russe en Ukraine. Les faits qui lui sont reprochés, et qu’il a avoués, remontent au 28 février, quatre jours seulement après le début de l’invasion.

Vadim Chichimarine lors de son procès
Vadim Chichimarine lors de son procès AFP

Après avoir échappé à la mort lors d’une embuscade, Chichimarine et quatre autres soldats ont volé une voiture et ont pris la fuite en direction de la Russie. En traversant un petit village de campagne, ils ont aperçu Oleksandr Chelipov, un civil ukrainien non armé qui parlait au téléphone en poussant son vélo. Craignant d’être dénoncé, un soldat a ordonné à Chichimarine d’éliminer le témoin, faisant de l’homme de 62 ans la première et seule victime du village de 2000 habitants. 

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Bien que l’armée russe soit variée, le profil du jeune homme et son histoire sont «tout à fait emblématiques» d’une partie des soldats déployés en Ukraine, affirme Aude Merlin, professeure de science politique à l’Université libre de Bruxelles (ULB), spécialiste de la Russie et des combattants des conflits armés postsoviétiques. On vous explique pourquoi. 

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«Soutenir financièrement» sa mère     

D’abord, l’aîné d'une famille de cinq enfants est originaire d’un petit village de la région d’Irkoutsk, en Sibérie. Le jeune soldat affirme s’être rendu en Ukraine pour «soutenir financièrement» sa mère. Une réalité répandue au sein des forces russes, explique l’experte. 

«Beaucoup de jeunes qui vont en Ukraine viennent de territoires ruraux, de zones défavorisées dans lesquelles le taux de chômage est important et où il n’y a pas de perspectives professionnelles pour eux. L’armée est donc une très bonne alternative», affirme-t-elle.

Des soldats russes
Des soldats russes AFP

En manque d’effectifs, l’armée russe offre actuellement des primes qui peuvent atteindre jusqu’à 5200$ par mois dans certaines régions éloignées, comme la Tchétchénie, rapporte le Moscow Times. Cette somme représente jusqu’à quatre fois le salaire mensuel moyen des habitants de cette région. 

Les compensations offertes aux familles de soldats tués au combat, qui représentent des sommes «très, très importantes», en convaincraient aussi plusieurs de s’enrôler, selon Aude Merlin. En début de conflit, Vladimir Poutine avait promis à ces familles des montants allant jusqu'à cinq millions de roubles russes, soit plus de 100 000$ canadiens à l'heure actuelle.

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«Pas prêts psychologiquement»     

Ensuite, l’experte indique que beaucoup de ces soldats, ainsi que leur famille, n’ont aucune idée de ce qui se passe réellement en Ukraine. 

«La mère du jeune condamné a affirmé qu’elle ne savait même pas que l’Ukraine avait été envahie, puisqu’elle s’était coupée des médias. C’est le genre de témoignage qui revient souvent», mentionne-t-elle. 

Chichimarine a lui aussi indiqué qu’il ne «savait rien de l’Ukraine» lors de son procès. Il a même affirmé qu’on lui avait mentionné qu’il partait pour une mission de trois jours, après quoi il devait «rentrer tranquillement à la maison». 

«Beaucoup de ces jeunes ne savent pas dans quoi ils s’embarquent et ne sont absolument pas prêts psychologiquement pour ce qui se passe en Ukraine. C’est un trait de la propagande qui est typique de l’armée russe, qui a été documenté dans les guerres de Tchétchénie. Même après le déploiement de ces jeunes, il y a plusieurs témoignages qui laissent penser qu’ils ne savent même pas où ils sont», détaille Aude Merlin.

Humiliés et intimidés     

Pour expliquer ce qui l’a poussé à abattre un civil non armé, Chichimarine a indiqué qu’il ne faisait que répondre aux ordres qui lui avaient été donnés. Il a dit qu’il avait été intimidé et violenté par ses supérieurs et qu’il se sentait ainsi obligé de tuer le civil, comme il lui avait été demandé. 

Vadim Chichimarine
Vadim Chichimarine AFP

«L’intimidation que subissent les jeunes soldats aux mains des officiers est un phénomène qui a fait l’objet de plusieurs travaux depuis les guerres de Tchétchénie. On parle de coups, d’abus de pouvoir et de violence de toutes sortes. Il y a quelques années encore, le ministère de la Défense russe reconnaissait d’ailleurs que dans ce contexte, plusieurs centaines de soldats par année mouraient hors des zones de combats, pendant leur service militaire», indique Aude Merlin.  

Cette intimidation, qui s’ajoute à la situation financière précaire de plusieurs jeunes soldats et à un manque de préparation, peut expliquer en partie pourquoi certains d’entre eux peuvent finir par s'en prendre à des civils ukrainiens, affirme la professeure. 

«Rien n’excuse leurs crimes, mais je crois que l’exécution de ces violences est multifactorielle et très complexe», conclut-elle.  

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