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Le régiment Azov: qui sont les néonazis ukrainiens dont parle Vladimir Poutine?

Des soldats du régiment d’Azov lors d’un événement à Kyïv, en mars 2020
Des soldats du régiment d’Azov lors d’un événement à Kyïv, en mars 2020 AFP
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Photo portrait de Gabriel  Ouimet

Gabriel Ouimet

2022-03-09T22:14:10Z
2022-04-11T15:14:39Z
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Quand Vladimir Poutine affirme que l’invasion de l’Ukraine a pour objectif de «dénazifier et démilitariser le pays», il pointe souvent du doigt un groupe d’extrême droite: le régiment Azov. Mais qui est ce groupe, que le Canada aurait contribué à former? Opère-t-il vraiment un génocide contre les russophones d’Ukraine au nom du gouvernement? On fait le point.  

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Comme dans bien d’autres pays du monde, dont les États-Unis, la France, la Grèce et l’Allemagne, des groupes néonazis sont actifs en Ukraine. Et par un concours de circonstances, le plus connu de ces groupes, le régiment Azov, a intégré la garde nationale (l’armée) du pays en 2014 et est depuis financé par le gouvernement ukrainien. 

Le Canada, qui a participé à la formation de soldats ukrainiens depuis 2014, aurait même payé pour entraîner des membres du régiment Azov, selon Radio-Canada

«Quand la guerre a éclaté dans le Donbass en 2014, l’armée ukrainienne était très faible et absolument pas préparée à une guerre», explique le titulaire de la Chaire d’études ukrainiennes de l’Université d’Ottawa, Dominique Arel. 

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«Donc quand la rébellion s’est organisée, les autorités ont été obligées de faire appel à des volontaires pour défendre la souveraineté de l’Ukraine face aux forces prorusses. Parmi ces bataillons de volontaires, quelques-uns étaient affiliés à l’extrême droite, dont le bataillon Azov.»

Des combattants du régiment d’Azov, en janvier 2015
Des combattants du régiment d’Azov, en janvier 2015 AFP

 Originalement de Kharkiv, le groupe s’est particulièrement distingué en défendant Marioupol. Cette ville, qui croule actuellement sous les bombes russes, est bordée par la mer d’Azov, d’où le régiment tire son nom. 

Les faits d’armes du groupe ont largement été documentés sur les réseaux sociaux, contribuant à faire connaître Azov dans le pays et à l’international. 

Un groupe d’extrême droite          

Mais au-delà de ses succès sur les champs de bataille, ce qu’on retient du groupe, c’est surtout que l’extrême droite fait partie de son ADN. 

«Une simple recherche sur Google permet de s’apercevoir qu’ils ont l’air d’une bande de néonazis», souligne Dominique Arel.

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Les combattants d’Azov arborent effectivement les emblèmes nazis, comme la croix gammée et les insignes SS, sur leur uniforme. Le symbole principal du groupe, formé des lettres I et N sur un fond jaune, pour «Idée Nationale», ressemble au tristement célèbre symbole Wolfsangel utilisé par les néonazis. 

Azov est d'ailleurs né du mariage entre le groupe ultranationaliste Patriot of Ukraine et le groupe néonazi Social National Assembly (SNA), deux groupes notoirement xénophobes.

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Des membres du régiment d’Azov lors d’une manifestation en mars 2016
Des membres du régiment d’Azov lors d’une manifestation en mars 2016 AFP

Ces groupes sont aussi racistes et homophobes dans leurs actions: en plus de se battre au front, les membres d’Azov ont créé une milice de rue, le Corps Azov, reconnu pour s’en prendre aux groupes marginalisés, poursuit le professeur. 

«Ils attaquent les groupes marginalisés comme les immigrés roms et les membres de la communauté LGBTQ2+. Ils font un tas de choses qu’on associe à l’extrême droite.»

Des recrues du régiment d’Azov en 2015
Des recrues du régiment d’Azov en 2015 AFP

Génocide contre les russophones?          

Vladimir Poutine aurait-il raison, donc, d’accuser le gouvernement ukrainien et l’armée d’être infestés de néonazis qui ambitionnent de mener un génocide contre les russophones du pays?

«Absolument pas! C’est un mensonge monstrueux», insiste Dominique Arel, qui rappelle du même coup que le président actuel de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky, est un russophone d’origine juive. 

Le président russe Vladimir Poutine
Le président russe Vladimir Poutine Photo AFP

«Dans sa représentation fantasmagorique de l’Ukraine, tous les Ukrainiens qui résistent politiquement et militairement à la Russie sont des nationalistes fascistes. Donc, quand il parle de dénazifier l’Ukraine, il parle de renverser le gouvernement et d’éliminer toute la classe politique ukrainienne qui, depuis 30 ans et particulièrement dans les huit dernières années, résiste à la Russie. Ça n’a absolument rien à voir avec des groupes d’extrême droite comme Azov», poursuit le professeur.

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Comme les combattants d’Azov ont participé, en 2014 et en 2015, aux combats qui ont coûté la vie «à près de 2000 civils» dans les régions prorusses de l’est de l’Ukraine, le président russe se sert de l’image du groupe pour convaincre son peuple qu’un génocide est en cours contre cette population. 

Avec «environ 2000 combattants», Azov reste pourtant marginal au sein de l’armée ukrainienne, qui compte aujourd’hui plus de 200 000 soldats, rappelle Dominique Arel. 

Échec politique           

Si de nombreux Ukrainiens vouent un certain respect à Azov, c’est parce que le groupe a défendu leur patrie avec succès dans le passé, et non pour ses idées d’extrême droite, mentionne Dominique Arel. 

La preuve: le parti politique créé par le groupe, le Corps National, a mordu la poussière lors des élections de 2019. Les divers partis nationalistes d’extrême droite, qui ont dû se rassembler pour espérer une percée, n’ont même pas amassé 2% des votes. 

«Ça a foiré pas à peu près, ce qui fait que contrairement à d’autres pays d’Europe, l’extrême droite n’est à peu près pas représentée au parlement ukrainien», conclut le professeur. 

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