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Qui sont ces jeunes qui s’engagent au Parti conservateur du Québec?

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Photo portrait de Mathieu Carbasse

Mathieu Carbasse

2022-02-17T19:59:18Z
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Le parti d’Éric Duhaime continue de gagner du terrain dans les intentions de vote. Qui sont ces jeunes militants qui grossissent les rangs du parti le plus à droite sur l’échiquier politique québécois? Quelles sont leurs motivations? Pourquoi maintenant? Autant de questions que nous leur avons posées lors d’une rencontre où il est question de ras-le-bol pandémique, de liberté individuelle et des sandwichs d’Anne Casabonne. 

Le rendez-vous est donné dans un immeuble moderne au cœur du Vieux-Longueuil. À l’entrée du bâtiment, rien n’indique que le Parti conservateur du Québec (PCQ) y a élu domicile. 

C’est pourtant au deuxième étage de l’édifice que le parti a établi ses quartiers le temps de la campagne dans la circonscription de Marie-Victorin, dans des locaux prêtés par un chef d’entreprise proche d’Éric Duhaime. 

Sur place, quatre jeunes militants, Nicolas, Virginie, Simon et Louka, ont rejoint Raffael Cavalière, le directeur exécutif du parti, qui a organisé la rencontre. Parmi eux, Virginie et Simon demandent à ne pas être identifiés par leur nom de famille et refusent d’être pris en photo.  

Dans le coin-cuisine de cette grande aire ouverte lumineuse, Anne Casabonne prépare des dizaines de sandwichs en prévision de sa tournée du lendemain. «C’est pour les bénévoles qui vont faire le porte-à-porte avec moi», dit-elle.  

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Contre l’urgence sanitaire  

La pandémie, le passeport vaccinal et l’urgence sanitaire sont des mots qui reviennent inlassablement dans la bouche des jeunes recrues du PCQ quand on les questionne sur les raisons de leur récent engagement politique. Pour eux, la crise sanitaire a eu l’effet d’un révélateur. 

C’est le cas notamment pour Simon, 23 ans, étudiant en comptabilité et finance. Il a rejoint le Parti conservateur le 31 décembre 2021, soit le lendemain de la conférence de presse de François Legault annonçant le reconfinement du Québec. Écœuré par les mesures sanitaires qu’il juge de plus en plus injustes, il a décidé ce jour-là de franchir le pas. 

«Avant avril 2021, avant qu’on ait assez de vaccins pour les personnes à risque, je trouvais que les mesures étaient justifiées, il fallait se protéger. J’ai porté mon masque quand il fallait, j’ai eu mes doses de vaccin», explique Simon, qui confie par ailleurs être immunosupprimé et à jour dans ses vaccins.  

«Il n’y a que trois personnes en bas de 20 ans qui sont mortes de la COVID au Québec [quatre selon l’INSPQ, NDLR]. Pour les moins de 20 ans, les mesures sanitaires ont été pires que la pandémie !» 

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Pour Virginie, 27 ans, l’urgence sanitaire contrôle tellement «tous les aspects de nos vies depuis deux ans» que tous les autres enjeux lui paraissent secondaires. C’est ce qui l’a motivée à adhérer au Parti conservateur à l’automne 2020, «quand Éric s’est lancé».  

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«C'était la première fois de ma vie que je faisais un don à un parti politique», confie-t-elle. «Je ne m’intéressais pas à la politique avant mais là, la pandémie a fait en sorte que les mesures qui ont été prises ont impacté directement nos vies personnelles.» 

Pour Virginie comme pour les jeunes que nous avons rencontrés, le fardeau que représentent les mesures sanitaires est tel qu’il a occupé tout l'espace lors de notre discussion, bien plus que les questions liées à la crise climatique ou à d'autres enjeux sociaux. 

Éric Duhaime en chef providentiel 

Les jeunes conservateurs s’entendent pour dire que la CAQ au pouvoir n’a pas su organiser efficacement le système de santé pour faire face à la pandémie ou au variant Omicron. Ils veulent donc militer aujourd’hui au sein d’une formation politique capable, selon eux, de réduire la bureaucratie et d'améliorer le système de santé, en faisant notamment appel au privé. 

« Je trouve qu’un parti qui pourrait alléger le gouvernement ça peut donner un peu plus d’agilité. Même si la CAQ nous fait sortir de la pandémie dans trois mois, qu’est-ce qui nous dit que dans trois ans, il ne va pas y en avoir une autre?» avance Simon. 

« Le Parti libéral? C’est eux qui ont mis ce système de santé en place. La CAQ? C’est eux qui gèrent aujourd’hui. Et Québec solidaire va juste mettre plus d’argent... Il faut essayer quelque chose d’autre », poursuit-il.  

Même son de cloche pour Virginie pour qui le PCQ représente la seule alternative crédible à ses yeux.  

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«Si Éric Duhaime n’était pas là, je ne saurais pas pour qui voter, je ne voterais pas, tout simplement. Parce que dans l’opposition, ils ont tous la même pensée», affirme-t-elle.  

«Il n’y a personne pour représenter les gens qui pensent que les mesures sanitaires sont trop intenses. Le Parti conservateur est le seul parti qui unit des vaccinés et des non-vaccinés. Je pense aussi qu’Éric Duhaime peut réunir les Québécois à travers ses idées», affirme Virginie. 

Pour Nicolas, 25 ans et doublement vacciné, le PCQ est surtout «le seul parti qui va mettre fin à l’état d’urgence sanitaire une bonne fois pour toutes, abolir le passeport vaccinal et réformer le système de santé». 

La carte de membre de Nicolas
La carte de membre de Nicolas

À la différence de Maxime Bernier, Éric Duhaime séduit aussi la jeune génération pour sa faculté à offrir un visage «respectable» au parti le plus à droite de l'échiquier politique québécois.  

Étudiant au secondaire, Louka, 16 ans, voit en Éric Duhaime un leader plus fréquentable, moins «cow-boy» que Maxime Bernier.  

«Il évite de se mettre dans le trouble. Maxime Bernier, il est non vacciné, il est rebelle. Éric Duhaime, il respecte les règles. Il parle bien, il fait attention à ce qu’il dit. C’est un de ses points forts, il essaie de ne pas se mettre dans la merde.» 

Pas contre la vaccination 

Tandis que leur parti est souvent montré du doigt en raison de positions pas toujours très claires vis-à-vis de la vaccination, les jeunes conservateurs à qui on a parlé s’en défendent : ils n’ont rien contre la vaccination... à condition qu’ils ne soient pas obligés de relever leur manche.  

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«À la base, un vaccin c’est fait pour protéger la personne qui le prend*. Si j’estime que mon système immunitaire est assez fort pour combattre le virus, pourquoi on m’oblige à l’avoir pour aller dans un restaurant? Ça devrait être un choix», explique Virginie, avant de raconter l’histoire de sa plus jeune sœur de 21 ans, privée d’accès à des universités américaines simplement parce qu’elle refuse, comme elle, de se faire vacciner.  

C’est le moment choisi par Anne Casabonne pour délaisser un temps ses sandwichs et s'inviter dans la conversation. 

«Excusez-moi, j’interviens, mais ça me met en maudit des situations comme celle-là. Les gens disent que c’est un choix, mais pour moi ce n’est pas un choix. Tu prends le vaccin sinon tu ne viens pas à l’université, ce n’est plus un choix.» 

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Anne Casabonne en profite au passage pour rappeler la position du parti quant au passeport vaccinal. «On veut s’en débarrasser au plus mausus. Ça nous empêche de tout, ça nous empêche de travailler, ça nous empêche d’aller au restaurant, ça nous empêche d’aller au gym. Tout est devenu un privilège. Tout est maintenant moral, tout est un devoir du bon ou du mauvais citoyen. Ce n’est pas ça la démocratie.» 

Plutôt que de se voir imposer un passeport vaccinal, certains jeunes conservateurs se disent même enclins à payer pour être totalement libres de leurs faits et gestes. Simon se dit prêt « à retourner tout l’argent qu’[il a] eu de la PCU pour qu’on [lui] crisse la paix!», déclenchant les rires de ses camarades. 

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Le PCQ grossit ses rangs 

Si les jeunes conservateurs se montrent enthousiastes à parler de leur engagement au sein du parti d’Éric Duhaime, c’est aussi parce que le ras-le-bol pandémique, incarné par le mouvement des camionneurs, a fait dernièrement affluer un grand nombre de mécontents vers le parti.  

Selon son directeur exécutif, Raffael Cavalière, le PCQ compterait aujourd’hui plus de 50 000 adhérents, ce qui en ferait le plus gros parti du Québec en nombre de membres.  

«En 2021, on a ramassé plus d’argent que les autres partis, peut-être même plus que tous les partis ensemble», explique-t-il, comparant la montée du PCQ à celle du Parti québécois à la fin des années 1970, «mais en quatre fois moins de temps».  

«C’est le plus gros mouvement politique de l’histoire du Québec», s’enthousiasme-t-il. 

Pour remplir ses coffres, le PCQ peut compter sur le grand nombre de cartes de membre vendues dans la dernière année, chaque adhésion rapportant au parti 15$ (adhésion pour un an) ou 25$ (adhésion pour 2 ans). Cette source de financement le placerait devant les autres partis, ces derniers possèdant un membership moins important. 

Il peut aussi compter sur les dons de particuliers. Après vérification dans le répertoire des donateurs d’Élections Québec, il apparaît que le Parti conservateur du Québec a recueilli l’an dernier moins de dons que les autres partis représentés à l’Assemblée nationale.  

En 2021, la CAQ a ainsi amassé 778 065 $ (9314 donateurs), le Parti québécois, 494 955 $ (7056), Québec solidaire, 332 032 $ (4697) et le Parti libéral, 305 036 $ (3795)... alors que le Parti conservateur amassait de son côté 300 752 $, pour un total de 6995 donateurs. 

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Un sentiment d’exclusion 

Malgré ce nouvel engouement pour le PCQ, il est difficile encore aujourd’hui pour ses membres les plus jeunes de trouver réellement leur place et d’assumer totalement leurs convictions, notamment ceux qui sont encore aux études.  

Louka, par exemple, confie qu’il n'a d’autre choix que de se tenir à la marge de la majorité des étudiants de son école secondaire, trop respectueux, selon lui, des mesures sanitaires. 

«J’ai vraiment l’impression que 95 % de mon école est pro-mesures sanitaires, pro-passeport vaccinal, pro-masque, pro-toute... sauf quelques personnes. Moi, je ne me sens pas à ma place», explique-t-il en dénonçant le zèle de certains de ses camarades. 

Ça ne date pas de la pandémie; les universités sont vraiment de gauche depuis de nombreuses années, avance Simon, presque résigné. 

Ont-ils pour autant peur d’être montrés du doigt? Peur d’être diabolisés? 

Virginie répond par l’affirmative. Et elle ne cache pas son agacement. «Dans le milieu scolaire, je me sens vraiment comme si j’étais une mauvaise personne. Heureusement, toute ma famille est membre du parti, ça m’aide, je ne me sens pas toute seule», dit-elle. 

Selon elle, le gouvernement est en train de mettre une étiquette dans le dos des gens. D'ailleurs, quand elle est avec ses camarades de classe, elle préfère taire son statut vaccinal. «Je ne dis rien sur mon statut vaccinal, car les gens prennent pour acquis que tu es vaccinée ! Ils ne te posent même pas la question...» 

De son côté, Nicolas, qui vient de terminer un DEP en soutien informatique et qui travaille désormais dans une petite entreprise, regrette que ses collègues soient «pro-libéral et anti-conservateurs». «Je me retrouve toujours à devoir débattre avec eux. Les gens ont peur de Maxime Bernier ou d’Éric Duhaime, ils se disent "ils vont laisser entrer le virus".» 

*Selon le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, il est recommandé de se faire vacciner pour se protéger et éviter les risques et complications liés aux maladies, mais aussi pour protéger les personnes de l'entourage et empêcher la réapparition des maladies infectieuses évitables par la vaccination.

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