Voyage des influenceurs: découvrez qui est l'organisateur James Williams Awad
Sylvain Larocque | Journal de Montréal
Six ans avant d’organiser le fameux vol en folie vers Cancún, James William Awad a été mis à l’amende pour avoir exercé illégalement l’activité de courtier en valeurs mobilières. Il est aujourd’hui à la tête d’une entreprise au modèle d’affaires inusité.
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Selon l’Autorité des marchés financiers (AMF), M. Awad a recueilli au moins 10 000 $ auprès de sept amis et connaissances pour faire des placements en Bourse, à la fin de 2012 et au début de 2013. Il avait alors 19 ans. À la fin de 2015, il a écopé d’une amende de 2000 $.
Son entreprise de l’époque, KJRVS, demandait aux investisseurs, appelés « membres », de voter sur des transactions d’achat et de vente de titres. Celles-ci étaient effectuées pour le groupe par l’entremise du compte de courtage personnel de M. Awad.
Nouveau nom
En 2017, le jeune homme, qui s’appelait alors Kevin Awad, a demandé au Directeur de l’état civil de changer de nom pour James William, modification qui est entrée en vigueur en 2019.
Entre-temps, en 2018, M. Awad a fondé TripleOne, une firme montréalaise constituée juridiquement au Delaware. Sur son site web, TripleOne se présente comme la « première entreprise décentralisée du monde ».
Selon un document explicatif disponible en ligne, les « utilisateurs » de TripleOne peuvent suggérer à l’entreprise de nouveaux projets et « voter » sur ceux proposés par d’autres. « Les utilisateurs sont récompensés pour leur activité à la fin de chaque mois », y lit-on.
Écoutez le résumé du journaliste Olivier Bourque sur QUB radio:
« Hack » payant
Pour mousser TripleOne, des articles ont été publiés sur divers sites web plus ou moins connus, agrémentés de photos de James Awad.
On y raconte qu’à l’âge de 14 ans, M. Awad a reçu un mandat de programmation pour une banque mexicaine en faisant croire qu’il avait 28 ans, ce qui lui aurait permis de payer l’hypothèque de la maison de ses parents pendant un an. Et qu’à 15 ans, grâce à un « hack » (piratage), il a réussi à « générer » des pièces de monnaie virtuelles en jouant en ligne, ce qui lui aurait rapporté « beaucoup d’argent ». Sa banque aurait alors fermé son compte.
James William Awad contrôle également Prime Corporation International, qui serait active dans les services informatiques et l’immobilier, et le restaurant Crusty Crust de Dollard-des-Ormeaux. Prime Corporation a été constituée au Québec en 2017, puis au Panama en 2019.
M. Awad n’a pas répondu aux demandes d’information du Journal, mercredi.
-En collaboration avec Olivier Bourque, Julien McEvoy, Francis Pilon, Philippe Langlois et Pascal Dugas-Bourdon
Un petit empire immobilier
Awad a acheté 11 propriétés au Québec depuis 2018 pour un total de 17,3 millions $. Outre cette somme importante, deux autres détails frappent l’imagination : il a payé comptant chaque propriété et il les a toutes achetées par l’entremise de ses multiples sociétés à numéro enregistrées au Québec et au Delaware. Et il a accéléré la cadence en 2021 : 7 des 11 immeubles ont été achetés au cours des 12 derniers mois. À Bois-des-Filion, dans les Basses-Laurentides, Awad possède six maisons dans la même rue. On y trouve entre autres le château qu’on voit ici en mortaise, payé 1,65 million $ en septembre 2019. Les autres propriétés sont situées dans l’île de Montréal et à Laval. Fait inusité, c’est parfois Kevin, parfois James qui a représenté les entreprises qui ont acheté les immeubles.
-Julien McEvoy et Philippe Langlois
James William ou Kevin Awad ?
Lorsque Le Journal a demandé à James William Awad s’il avait changé de nom, le principal intéressé a nié en bloc. « Kevin ? Non. Les gens mapele [sic] senior. Senior ou James William Awad », a-t-il écrit en guise de réponse sur l’application Messenger. Pourtant, Awad a bel et bien fait une demande officielle de changement de nom en 2017, puis en a soumis une autre en 2019 au Directeur de l’état civil. Dans les archives, il est écrit que le nom de Kevin Awad a bel et bien été changé pour James William Awad.
-Olivier Bourque, avec la participation de Francis Pilon
Il a été sanctionné par l’AMF
À même pas 20 ans, Awad se lance dans le domaine de l’investissement, mais sans avoir l’expérience ni la formation de courtier, ce qui attire l’attention du gendarme financier du Québec---. « Kevin Awad a vraiment sauté dans le vide », est-il écrit dans les documents de cour consultés par Le Journal. Après une enquête amorcée en 2013, l’Autorité des marchés financiers (AMF) décide de mettre en garde les consommateurs contre les activités d’Awad et de sa société KJRVS. On lui reproche d’avoir approché des investisseurs sans être inscrit comme courtier à l’AMF. Le tribunal administratif des marchés financiers lui interdit « toutes opérations sur des valeurs », lui ordonne la fermeture de ses sites internet et lui impose une amende de 2000 $. Contactée par Le Journal, l’AMF souligne que la pénalité a été payée et que le dossier a été fermé en 2016. La société KJRVS a été radiée en 2018.
-Olivier Bourque
Des liens avec un ex-joueur de l’Impact
Anthony Jackson-Hamel, qui a joué sept saisons avec le CF Montréal, est un « agent exécutif » de TripleOne, la principale entreprise de James William Awad. Selon sa page LinkedIn, il le serait depuis près de 3 ans. Ce qui est moins clair, c’est en quoi cela consiste. Jackson-Hamel, qui n’a pas répondu à nos appels mercredi, est aussi vice-président d’une autre entreprise d’Awad, Les Placements Wun Wun Wun. L’ex-athlète professionnel de 28 ans n’a pas joué en MLS depuis plus d’un an. Souvent ennuyé par des blessures au cours de sa carrière, l’attaquant n’a toujours pas annoncé sa retraite. Mais ses nouveaux projets sont clairs : il fera dans la musique. Anthony Jackson--Hamel est devenu Tony Lee sur les réseaux sociaux, où on peut le voir aux commandes de platines dans différents endroits. Le nouveau DJ affichait récemment sa présence comme artiste dans une boîte de nuit de Tulum, au Mexique, où il se trouve toujours... comme Awad.
–Julien McEvoy et Philippe Langlois