Qui est Evguéni Prigojine, le chef du groupe Wagner qui serait mort en Russie?
Gabriel Ouimet
Le patron du groupe paramilitaire russe Wagner, qui a joué rôle important depuis le début de la guerre en Ukraine, serait mort dans un écrasement d'avion en Russie. Voici tout ce qu'il faut savoir sur cet ancien prisonnier devenu oligarque après s’être recyclé en vendeur de hot-dogs.
Un dirigeant de l'ombre
Dans les premiers mois de l’invasion russe de l’Ukraine, l’implication sur le champ de bataille du groupe Wagner, surnommée «l’armée fantôme» de Vladimir Poutine, n’était qu’une rumeur. Les experts le décrivaient comme une entreprise paramilitaire secrète affiliée à Moscou, accusée de viols et de meurtres de civils dans de nombreux pays africains et en Syrie.
Evguéni Prigojine, l’homme suspecté d’être à l’origine du groupe et réputé proche du président russe, était tout aussi énigmatique. Mais il est tranquillement sorti de l’ombre dans les derniers mois, confirmant son statut au sein de Wagner.
En septembre dernier, l’homme de 61 ans est apparu dans une vidéo alors qu’il s’adressait à des détenus d’une prison russe pour les convaincre de rejoindre ses mercenaires pour aller combattre en Ukraine.
Puis, en novembre, il a solidifié sa réputation de commandant le plus cruel de tous ceux ayant mené l’invasion russe. Dans une vidéo, il a été vu en train d’applaudir le meurtre sadique, à coup de massue, d’un déserteur de Wagner récemment libéré par les forces ukrainiennes. «Une mort de chien pour un chien», a-t-il commenté.
Régulièrement présent au front, Evguéni Prigojine est aussi l’un des seuls dirigeants russes à pouvoir critiquer ouvertement l’armée. Au début du mois de janvier, quand les troupes de Wagner ont consolidé le premier gain territorial de Moscou depuis la fin de l’été à Soledar, il a publié une vidéo dans laquelle il a indiqué que le groupe de mercenaires est «probablement l’armée la plus expérimentée au monde».
Les services de renseignement occidentaux estiment qu’ils sont aujourd’hui 50 000 à répondre aux ordres de celui que l’on appelle «le chef de Poutine».
Mais comment un homme ayant passé 10 ans en prison avant de bâtir sa fortune dans l’industrie de la saucisse a-t-il pu devenir le bras droit de Vladimir Poutine?
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Prisonnier, vendeur de hot-dogs, oligarque
Tout comme Vladimir Poutine, Evguéni Prigojine est né à Leningrad, maintenant Saint-Pétersbourg. Condamné à 13 ans de prison pour des vols et crimes divers au début des années 80, il est finalement libéré en 1990. C’est alors que commence sa fulgurante ascension.
À l’époque, l’Union soviétique est au bord de l’effondrement. Le capitalisme commence à se pointer le bout du nez et les opportunités d’affaires sont nombreuses pour ceux ayant du flair, même pour les anciens détenus.
Prigojine s’ouvre un stand de hot-dogs, puis une épicerie, avant de faire le saut dans la restauration gastronomique. Un de ses restaurants, le New Island, devient le repère de l’élite de Saint-Pétersbourg et de Vladimir Poutine, qui y amène les dirigeants internationaux.
Jamais bien loin de la table du président, Prigojine obtient au fil des ans de nombreux et lucratifs contrats de restauration de la part des autorités, comme celui des écoles de Saint-Pétersbourg et de Moscou, en plus d’obtenir celui de nourrir l’armée russe.
Il devient alors un homme riche, puissant, et redouté. Sa fortune, comme celles de nombreux oligarques russes, soulève plusieurs questions.
Mercenariat, usine à trolls et ingérence politique
S’il est réputé avoir fondé le groupe Wagner en 2014, lorsque la Russie menait son opération d’annexion de la Crimée, Evguéni Prigojine a réellement commencé à attirer l’attention à l’échelle internationale quand les États-Unis l’ont accusé d’avoir interféré dans les élections de 2016 à l’aide d’une entreprise qualifiée «d’usine à trolls».
L’Union européenne et le Royaume-Uni l’accusent également de manipuler l’opinion publique dans différents pays, notamment en Afrique, où la Russie tente d’étendre son influence.
Le russe n’a d’ailleurs jamais nié les faits. En novembre dernier, il a reconnu avoir nui au processus électoral américain. Il a également promis que ses entreprises allaient continuer de le faire «avec soin, précision, de manière chirurgicale et à notre manière».