Qui est Alex Jones? Pour tout savoir sur le roi déchu des conspirationnistes américains
Julien Corona
** Avertissement: certains propos retranscrits dans cet article peuvent choquer. **
L’ère post-Trump aurait pu être celle du retour vers la gloire d’Alex Jones. En réalité, elle commence de plus en plus à ressembler à celle de la fin pour le pape de la conspiration aux États-Unis. Raison de plus pour revenir sur son parcours.
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Condamné à payer la modeste somme de 965 millions de dollars en dommages et intérêts à plusieurs familles de victimes de la tuerie de Sandy Hook en 2012, pour avoir faussement affirmé qu’il s’agissait d’acteurs qui avaient inventé cette tragédie, Alex Jones avait pourtant devant lui un boulevard pour redevenir ce gourou de la nouvelle droite américaine.
Alex Jones crie "YEAH" et "WOOO" en serrant le poing, "Get those numbers up" pendant que les familles de Sandy Hook qui ont perdu un enfant pleurent en écoutant la lecture du verdict condamnant Jones à payer 965 millions de dollars de dommages et intérêts. pic.twitter.com/rTSibYjp1P
— Philippe Berry (@ptiberry) October 12, 2022
Cette stature lui a assuré une influence à tout le moins remarquable et surtout a posé les bases du monde QAnon dans lequel nous sommes désormais. Revenons donc sur son parcours.
Qui est Alex Jones?
Raconter Alex Jones, c’est avant tout intégrer l’avant et l’après 2016 et l’élection de Trump à la présidence américaine.
Le 2 décembre 2015, Donald Trump, alors candidat à la primaire républicaine, déclare à l’émission en ligne de M. Jones qu’il ne le laissera jamais tomber. Ensuite, dans les heures suivant son élection à la présidence, en novembre 2016, face à Hillary Clinton, Jones déclare que «l’objectif de ma vie, de ma carrière, est enfin accompli».
«Je vais continuer. Mais maintenant que je le réalise, juste pour vous dire, j’ai gagné», s’exclame-t-il.
Alex Jones est un commentateur radio conservateur américain basé à Austin, au Texas. Il est l'animateur du Alex Jones Show et dirige le site InfoWars.com, un site reconnu par de nombreux acteurs, dont le site de vérification Politifact.com, comme carburant aux théories de la conspiration et aux fausses nouvelles.
Élève de Rush Limbaugh
Né en 1974 et ayant gravi les marches d’un style de commentaires conservateurs rendu célèbre aux États-Unis par Rush Limbaugh, aujourd’hui décédé, Jones a toujours été connu pour avoir été fortement influencé par la tuerie de Waco, en Oklahoma, qu’il analyse comme «la confirmation du progrès inexorable de forces invisibles et maléfiques» (pour rappel, cette tuerie est liée par le gouvernement fédéral des États-Unis au siège de la secte davidienne).
Il commence sa carrière à la radio en 1996, à Austin, avec l’émission The Final Edition pour ensuite créer le Alex Jones Show, de manière concurrente à son service, qui devient en 1999 le site internet InfoWars.
L’influence du 11 septembre 2001
C’est alors qu’arrive le 11 septembre 2001. Il prend alors du galon en se faisant l’un des plus forts promoteurs de la théorie selon laquelle cet attentat est une machination soit de l’administration Bush pour promouvoir le «Nouvel ordre mondial», soit d'Israël.
Sept 12, 2001. Alex Jones blames Israel for 9/11. pic.twitter.com/58JFtldgM6
— Ron Filipkowski 🇺🇦 (@RonFilipkowski) September 11, 2022
À partir de là, l’écosystème InfoWars accélère sa croissance, dopé aux théories conspirationnistes et à l’explosion d’internet et des contenus vidéos présents gratuitement en ligne.
Des théories de plus en plus absurdes
Selon l’Anti-Defamation League (ADL), Jones a été le promoteur de nombreuses théories toutes plus ou moins abracadabrantes, comme la fausseté sur la tuerie de Sandy Hook, bien évidemment, Hillary Clinton qui serait un démon, les boîtes de jus de fruits qui feraient en sorte que les enfants deviennent gais, l’utilisation d'une bombe gaie par l’armée américaine, George Soros qui serait un gobelin, Justin Bieber qui serait un instrument des sataniques pour vampiriser la conscience des jeunes, etc.
Néanmoins, s’il est l’instigateur et le diffuseur de ces théories farfelues, il les utilise aussi pour inciter son armée de fidèles à s’attaquer à ses ennemis.
Dans le contexte de la théorie du complot du Pizzagate, un partisan de Jones, à la suite d’une discussion à son émission, a souhaité prendre d’assaut, lourdement armé, la pizzeria où se déroulerait le complot.
Alex Jones #Legend #pizzagate pic.twitter.com/6zSpfh7QYi
— OutTheMatrix (@FreshOutThe90s) July 18, 2020
Pour rappel, le Pizzagate est une théorie du complot selon laquelle les élites démocrates, comme les Clinton ou les Obama, et les élites financières américaines, comme George Soros ou Bill Gates, se réunissent au sous-sol d’une pizzeria dans la région de Washington DC pour sacrifier des enfants après les avoir violés et les avoir vidés de leur sang afin de l’utiliser comme élixir de jeunesse éternelle.
Intimidation et bannissement
Cet exemple en est un parmi tant d’autres où Jones a aussi été le moteur de stratégies d’intimidation par ses partisans pour lutter contre ses ennemis alors qu'il déclarait victoire à la suite de l’élection de Donald Trump.
Banni depuis 2018 de nombreuses plateformes comme YouTube, Twitter ou Spotify, lourdement condamné pour ses mensonges sur Sandy Hook, ses déboires judiciaires ne sont pas finis.
Today, we permanently suspended @realalexjones and @infowars from Twitter and Periscope. We took this action based on new reports of Tweets and videos posted yesterday that violate our abusive behavior policy, in addition to the accounts’ past violations. https://t.co/gckzUAV8GL
— Twitter Safety (@TwitterSafety) September 6, 2018
Il est ainsi toujours attaqué en diffamation par l’une des personnes ayant capturé sur vidéo le meurtre d’un manifestant de gauche par un néonazi lors des événements de Charlottetown en 2017. Il avait accusé cette dernière, Brennan Gilmore, d’être un agent de «l’État profond».
Facts are stubborn things. https://t.co/iKBL2tUVFC
— Brennan Gilmore (@brennanmgilmore) May 16, 2022
L’attentat du Capitole
Il est aussi convoqué à comparaître devant la commission d’enquête parlementaire sur l’assaut du Capitole du 6 janvier pour parler de sa participation à la planification des événements.
Le soir précédant l’assaut, il était présent sur une scène adjacente avec des membres des Proud Boys et des Oath Keepers, milices suprémacistes blanches, et criait ne pas savoir «comment tout cela va se terminer, mais s’ils veulent se battre, ils feraient mieux de croire qu’ils en ont un».
Toujours admiré... malgré tout
Malgré cela, il reste quand même défendu dans les médias par des personnalités comme Tucker Carlson, animateur vedette de Fox News, qui le qualifie de meilleur journaliste que de nombreux journalistes dans les médias traditionnels. Et des politiques comme Marjorie Taylor Greene continuent de lui rendre visite, ce qui lui apporte plus de visionnements et de trafic, et donc des revenus publicitaires.
There’s a straight line between Alex Jones’s program and Tucker Carlson’s program pic.twitter.com/Tv50mdztT1
— Media Matters (@mmfa) October 12, 2022
Pendant ce temps, sa présence en ligne se poursuit: ses mèmes, ses nouveaux produits et guides en tout genre et ses plateformes de dons lui assurent un flot de revenus continu qui lui permettra peut-être de payer les nombreux dédommagements qu’il devra effectuer.