Quel est le plus écolo: un concombre local emballé, ou un concombre qui a voyagé?
Camille Dauphinais-Pelletier
Vous êtes-vous déjà retrouvé à l’épicerie à hésiter entre un concombre cultivé au Canada, mais emballé dans une pellicule plastique, et un concombre sans emballage, mais cultivé au Mexique? Si oui, sachez que vous n’êtes pas seuls à vous soucier de l’impact environnemental de vos fruits et légumes, tout en ayant de la misère à démêler ce qu’il faut faire. Voici une marche à suivre pour vous aider à choisir.
D'abord, mettons quelque chose au clair. Le secteur de l'alimentation est celui dans lequel ça peut être le plus étourdissant de tenter de faire des choix écolo, puisqu'il y a plein de microdécisions à prendre. On mange trois fois par jour et on achète des dizaines d'items à l'épicerie chaque semaine − ça en fait, de la potentielle fatigue analytique!
C'est pour ça que dans le cadre de la rédaction de notre guide Vivre avec une seule planète, nous avons consacré un chapitre entier à l'alimentation. Mais surtout, nous avons structuré celui-ci à l'aide de quatre grands principes, à suivre dans l'ordre*.
1. Le meilleur geste à poser est de réduire le plus possible son gaspillage alimentaire. L'empreinte écologique de ces aliments a été générée pour rien, comme elle n'a servi à nourrir personne. C'est complètement de la perte, et il faut l'éliminer dans la mesure du possible (en plus, ça fera plaisir à votre porte-monnaie, parce que gaspiller, ça peut finir par coûter cher).
2. Le deuxième geste à poser est de choisir des sources de protéines qui ont un impact environnemental moins lourd. Les sources de protéines végétales (lentilles, céréales, soya) sont systématiquement moins lourdes sur l'environnenent, mais même parmi les différents produits animaliers, on peut faire toute une différence en remplaçant, par exemple, son boeuf haché par du porc haché. Le tableau dans cet article est utile pour faire des comparaisons.
Si vous suivez bien, jusqu'ici, le fait d'acheter un concombre (que l'on compte manger) respecte ces deux principes. Vous pouvez donc vous enlever un peu de pression − ce n'est pas au rayon des fruits et légumes que le gros de l'impact environnemental de notre alimentation est généré.
Mais quand même, il faut choisir l'un des deux concombres. Voyons donc quels sont les deux prochains principes.
3. Choisir un fruit ou un légume local lorsque celui-ci est en saison. Pour deux aliments dont l'empreinte de base est comparable (par exemple, deux concombres qui ont poussé dans des champs), il va de soi que le transport génère plus de gaz à effet de serre (GES) si l'aliment vient de loin. Ça sera donc une bonne idée de choisir le concombre local. Mais attention, la mention «en saison» est importante. Comme au Québec, il fait froid et que la plupart des serres sont chauffées au gaz en hiver, durant la saison froide, un légume importé aura en général une empreinte écologique moins élevée qu'un légume qui a poussé en serre ici.
On peut quand même choisir de soutenir les producteurs locaux l'hiver, bien sûr, surtout si on souhaite qu'ils réussissent à rester en affaires le reste de l'année, mais il s'agit d'une donnée intéressante à connaître et qui permet de comprendre leur réalité.
D'ailleurs, si on veut continuer à manger local l'hiver, l'idéal est d'avoir recours principalement à des fruits et légumes qui ont poussé sans chauffage, mais qui se conservent bien durant la saison froide (choux, pommes de terre, patates douces, courges, carottes, etc.), ou de congeler, déshydrater ou de mettre en conserve des fruits et légumes lorsqu'ils sont en saison.
Vous ne voulez pas vous creuser la tête pour savoir ce qui est en saison? Avoir recours à un panier de producteur (souvent appelé «panier bio») vous enlève toute cette charge mentale. Il faut toutefois être prêt à cuisiner de nouveaux légumes, et ne pas avoir peur d'improviser, car sinon on pourrait se retrouver à générer du gaspillage. Oui, il y en a même l'hiver − ils contiennent souvent des légumes qui se gardent bien pendant plusieurs mois, et parfois de produits transformés comme des conserves.
4. Choisir un aliment qui n'est pas suremballé. Cet aspect vient en dernier, ce qui peut être surprenant, étant donné que les épiceries de type «zéro déchet» sont souvent une des premières images qui nous viennent en tête quand on pense à l'alimentation écoresponsable. Cependant, les emballages (et le fait d'en disposer) ne comptent que pour 5,6% de l'impact écologique de l'alimentation des Québécois et Québécoises. Et il ne faut pas oublier que leur objectif de base est... d'éviter les pertes, et donc le gaspillage alimentaire.
La lutte au suremballage peut se faire davantage là où l'emballage est utilisé pour des raisons «pratiques», comme des yogourts, des compotes ou des craquelins déjà portionnés. C'est l'appétit des consommateurs pour ce type de produits qui pousse les entreprises à les mettre en marché, pas une logique de préservation des aliments.
La réponse finale? En regardant uniquement l'impact écologique, lors de la belle saison, le concombre québécois gagne. En hiver, c'est le concombre mexicain. Mais la chose principale à retenir, c'est que si vous gaspillez le moins possible et que vous mangez moins de protéines à très haut impact (le top 3 étant la viande rouge, l'agneau et les crevettes d'élevage), vous avez déjà fait une bonne partie du travail.
*Merci à Catherine Houssard du Centre international de référence sur l'analyse du cycle de vie et de la transition durable (CIRAIG), qui nous a aidé à hiérarchiser les différents gestes mentionnés dans cet article et dans le livre. Les données utilisées dans cet article proviennent d'une analyse du CIRAIG ainsi que d'Our World in Data.