Travail du sexe: la fin du couvre-feu ne réglera (presque) rien
Daphnée Hacker-B.
Malgré la levée du couvre-feu, prévue pour ce lundi, les travailleuses du sexe vont continuer de subir une dangereuse précarité. Il est plus urgent que jamais de décriminaliser ce corps de métier, insistent des militantes.
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«On est à bout de souffle, on est nombreuses à ne plus réussir à joindre les deux bouts», laisse tomber Salma, une escorte indépendante qui a récemment rejoint le Comité autonome du travail du sexe (CATS).
Si le couvre-feu compliquait ce travail qui a souvent lieu la nuit, c’est loin d’être la seule consigne gouvernementale nuisant aux travailleuses. La fermeture des bars, des lieux culturels et des maisons de chambres diminue aussi les possibilités d’entrer en contact de façon sécuritaire avec les clients, explique Salma.
Adore, aussi escorte indépendante, ajoute que plusieurs travailleuses, voyant leurs revenus chuter, ont de moins en moins «le luxe» de choisir les profils des clients ou d’imposer des tarifs et des ententes de services convenables. «On va accepter de rencontrer des clients dans des conditions qu'on n’aurait pas acceptées avant.»
Selon les deux militantes, la pandémie exacerbe un enjeu profond: la loi fédérale C-36 qui encadre l’industrie du sexe et criminalise les clients, basée sur l’idée de «tuer la demande». «Ce contexte fait en sorte qu'ils sont très craintifs de s’identifier. On ne peut donc pas facilement se transférer des informations entre travailleuses pour savoir qui est un client de confiance ou non», illustre Adore.
L’urgence de décriminaliser
La décriminalisation de la prostitution, comme en Nouvelle-Zélande, permettrait aux personnes offrant ces services d’avoir accès aux droits et aux normes du travail.
«On pourrait agir dans des milieux de travail encadrés par la Santé publique et, aussi, si on doit se retirer, avoir accès à de l’aide financière», souligne Adore.
Le travail du sexe ne disparaîtra pas, insiste Salma. Il faut plutôt s’assurer qu’il se déroule dans de bonnes conditions, plutôt que de chercher par tous les moyens à l’éradiquer.
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Faire un autre métier?
«Quand on me dit: “Change de métier”, je trouve ça insultant», dit Salma. Selon elle, un nombre important de travailleuses sont consentantes et désirent faire ce métier. «Oui, il y a des femmes qui sont des victimes, mais il y en a aussi qui le font par choix. Pis y’a personne qui a à nous dire ce qu’on a le droit de faire ou de ne pas faire.»
Le travail du sexe exclusivement en ligne n’est pas non plus une option pour toutes, renchérit Adore. «Quand on entend des gens qui font 100 000$ par mois, faut savoir que c’est une minorité. La plupart des gens ne font pas ça et ils ne font même pas un revenu [suffisant] pour en vivre», dit-elle.
Salma souhaite que les décideurs politiques se rappellent que les travailleuses du sexe sont avant tout des humains. «Nous avons droit au respect et à la dignité, tout simplement.»
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