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L'article provient de Le Journal de Montréal
Opinions

Gros projets d’infrastructures sur la glace même si l'année électorale s'en vient: la CAQ a-t-elle peur d'une décote des agences de crédit?

Différents projets de transport ont été retirés du Plan québécois des infrastructures (PQI) ou ont été reportés aux calendes grecques

Photo Agence QMI, Guy Martel
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Photo portrait de Rémi Nadeau

Rémi Nadeau

2025-04-05T04:00:00Z
2025-04-05T04:10:00Z
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Le gouvernement Legault a beau être aux prises avec un déficit historique de 14 milliards $, la mise au rancart soudaine de plusieurs gros projets d’infrastructures, à l’approche de l’année électorale, suscite l’étonnement général. Que s’est-il passé? La crainte d’une décote est-elle la raison de ce coup de barre?

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L’hôpital Maisonneuve-Rosemont devient le symbole gênant de la décrépitude de nos infrastructures.

L’illustration de l’échec du système, malgré un des fardeaux fiscal les plus élevés.

Les écureuils circulent dans le milieu de soins et il y a des dégâts d’eau à l’urgence.

Même si le ministre Christian Dubé avait promis le début des travaux de réfection à l’été 2024, il s’est fait imposer un coup de frein par son gouvernement.

Il n’y a plus aucun échéancier.

Différents projets de transport ont été retirés du Plan québécois des infrastructures (PQI) ou ont été reportés aux calendes grecques.

Ce coup de tronçonneuse commence à faire penser à une version plus modeste d'Elon Musk.

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Parce que ce n’est pas fini.

Il y aura des choix à faire aussi en éducation, en santé.

Le régime sec place tous les députés caquistes dans l’embarras devant leurs électeurs, puisque les projets ont fait l’objet d’engagements.

Pistes d’explication

Le poids de la dette va augmenter au Québec au cours des prochaines années.

Le ratio dette/PIB passera à 42% en 2028 selon les plus récentes prévisions des Finances.

C’est 4% de plus que l’an dernier, alors que le Québec figurait déjà parmi les plus endettés au Canada.

Il y a quelques jours, la Colombie-Britannique a subi une autre baisse de sa cote de crédit, la quatrième en quatre ans.

La firme Standard and Poors signale justement «l’accumulation relativement rapide de la dette» jusqu’en 2028.

Ce n’est probablement pas un hasard si le patron des Finances, Eric Girard, y a fait allusion dans les corridors du parlement jeudi.

«Nous avons le deuxième plus gros plan d'infrastructure au Canada en proportion du PIB. Or les agences de notation ont sanctionné la Colombie-Britannique pour leur déficit qui excède deux pour cent du PIB et la taille de leur programme d'infrastructures», a-t-il dit.

Ménage après les promesses

À peine quelques heures plus tard, la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, a été encore plus explicite, au FM 93.

«On ne peut pas avoir un PQI à 300 milliards, on va se faire décoter par toutes les agences de crédit et le Québec ne sera plus capable d’emprunter».

Visiblement, si la CAQ maintenait tous les projets pour lesquels elle s’est engagée, le PQI pèserait trop lourd dans la balance.

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Il est déjà en hausse de 7% à 164 milliards $ sur dix ans.

Sans compter l'impact des nombreuses dépenses des dernières années, des généreuses hausses de salaire à la baisse d'impôt, en passant par les investissements nécessaires liés à la pandémie. 

Une décote coûterait cher et rendrait bien plus difficile le financement des services.

Par exemple, si un abaissement de cote entrainait une hausse d'un demi point sur le taux d'intérêt de prochains emprunts, ça pourrait signifier un poids additionnel de plus ou moins 250 millions$ la première année, avec un effet cumulatif pouvant atteindre près d'un milliard$ sur cinq ans.

Dans la situation actuelle, avec de plus maigres hausses de dépenses en santé (2% l’an prochain), il faut déjà s’attendre aux pénibles effets d'une certaine austérité.

Imaginez si ça devait empirer...

QUE S’EST-IL PASSÉ?

Recul pour Maisonneuve-Rosemont

Le premier indice du régime minceur imposé a été donné par le ministre de la Santé, Christian Dubé, la semaine dernière. Il a dû avouer que, malgré ses promesses, il ne pouvait plus fixer un échéancier pour le début des travaux de modernisation de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont. Même si le HMR est en piteux état, Dubé n’a pas d’argent disponible, parce qu’il doit d’abord achever les travaux en cours dans d’autres établissements, dont les coûts sont plus élevés que prévu.

Des projets de transport... mis sur la glace

En découvrant que les voies réservées de 844 millions $ pour la couronne nord de Québec étaient abandonnées, Le Journal a révélé la pointe de l’iceberg. Le ministère des Transports a admis lundi que des projets majeurs étaient carrément retirés du Programme québécois des infrastructures (PQI) ou repoussés, alors que d’autres y figurent sans aucune somme financière allouée au moins d’ici 2030. Les voies réservées passent aussi dans le tordeur à Montréal, tout comme la phase 2 de la tête des ponts à Québec et plusieurs autres.

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Les élus gardés dans l’ignorance

«Si on avait été le 1er avril hier, quand j’ai vu ça, j’aurais dit que c’était un poisson d’avril.» C’est la ministre des Affaires municipales et députée de Chicoutimi, Andrée Laforest, qui a ainsi témoigné sa colère et sa stupéfaction mardi, à Radio-Canada. Le prolongement de l’autoroute 170 vers le lac Saint-Jean sera complètement mis sur pause pour au moins cinq ans, et elle l’a appris par la voix de la porte-parole du MTQ dans les médias. «Inacceptable», a-t-elle dit sans retenue.

La confusion totale

Comme le supplice de la goutte, les projets écartés sont dévoilés un à un, particulièrement à Québec. Le ministre Jonatan Julien était incapable de dire si le pont à étagement du boulevard Lebourgneuf passait aussi à la trappe, ce qu’a confirmé le cabinet de Geneviève Guilbault mardi. Mais le lendemain, la ministre a affirmé qu’il s’agissait d’une erreur de communication, tout en maintenant que le projet était en suspens. Encore pire, on apprend jeudi qu’un projet de garage pour autobus électriques est vraiment freiné, même si 94 millions $ ont déjà été dépensés!

Girard et la clé de l’énigme?

Le ministre des Infrastructures, Jonatan Julien, avait semé la thèse des choix difficiles en début de semaine. «Moi, je suis à l’aise dans la gestion des priorités dans ce contexte budgétaire», a-t-il déclaré sans être très convaincant, devant un barrage de questions. Jeudi, son collègue grand argentier a pointé la décote de la Colombie-Britannique par une agence de crédit, notamment en raison de son imposant programme d’infrastructures.

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Exemples de projets de transport retirés du Plan québécois des infrastructures (PQI)

  • Réseaux de voies réservées à Québec et à Montréal
  • Bonification du projet du grand Sud-Ouest de Montréal
  • Bonification du projet structurant de transport collectif à Laval (axe du boulevard Saint‐Martin)
  • Électrification du centre de transport de la STM
  • Phase 2 du réaménagement de la tête des ponts de Québec et Pierre-Laporte
  • Amélioration des accès au port de Montréal (phase 2)

Exemples de projets de transport toujours au PQI, mais sans fonds disponibles

  • Pont entre Tadoussac et Baie-Sainte-Catherine
  • Prolongement de l’autoroute 20 au Bas-St-Laurent
  • Autoroute 13 (Chomedey)
  • Projets structurants de transport collectif (axes du boulevard Taschereau)
  • Prolongement de la ligne jaune du réseau de métro
  • Élargissement de l’autoroute 30 entre Brossard et Boucherville

Les maires se sentent floués

«Nous sommes très déçus par l’abandon du projet de tramway du grand Sud-Ouest. Le gouvernement nous avait pourtant donné sa parole en 2019, lorsqu’il nous avait demandé de trouver une solution pour transférer 800 M$ à la Ville de Québec pour son tramway.» – Valérie Plante, mairesse de Montréal
«À la Ville, on travaille comme des cochons pour faire la guerre à la congestion, pour améliorer la fluidité, et tout d’un coup, pouf! Le pont d’étagement disparaît et c’est pas grave, parce qu’il n’y a plus de voies réservées.» – Bruno Marchand, maire de Québec
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