Projet de loi 15: La réforme Dubé pourrait aggraver la pénurie de médecins, dit la FMOQ
Patrick Bellerose | Bureau parlementaire
La trêve est terminée. La fédération des médecins de famille laisse tomber les gants et dénonce les visées centralisatrices ainsi que les atteintes à l’autonomie professionnelle prévues, selon elle, dans la réforme Dubé.
«Déçu, estomaqué, surpris», les mots manquaient au président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), mardi, pour dénoncer le projet de loi 15.
Avec sa réforme, le ministre Christian Dubé risque de démobiliser et démotiver les médecins de famille, estime le Dr Marc-André Amyot. Les plus âgés, craint-il, pourraient quitter pour la retraite tandis que d’autres seront tentés d’aller travailler dans les provinces voisines.
L’arrivée de Dr Amyot à la tête de la fédération en décembre 2021 avait ouvert une ère de collaboration avec Québec, mais le projet de loi 15 vient de mettre le feu aux poudres. La FMOQ estime que ses membres perdront en autonomie, au profit de décisions imposées depuis Québec.
Directeur médical tout-puissant
Au cœur de ses récriminations, la fédération dénonce l’obligation pour les médecins de famille d’être membres des nouveaux départements territoriaux de médecine familiale (DTMF). Québec pourra ainsi imposer des tâches aux médecins, comme des heures et CHSLD ou en hôpital.
«Ça signifie que le directeur médical va pouvoir décider ce qu’il veut!», lance Dr Amyot en entrevue au sujet du «fonctionnaire» désormais en charge au niveau des actuels CISSS et CIUSSS.
Présentement, ces activités médicales particulières sont imposées seulement durant les 15 premières années de pratique. Désormais, un médecin plus âgé qui travaille uniquement en clinique pourrait se faire imposer à nouveau de telles obligations, selon la lecture de la FMOQ.
- Écoutez la réaction du Dr. Vincent Oliva, président de la FMSQ, dans son entrevue à l’émission de Yasmine Abdelfadel via QUB radio :
«Par exemple, un docteur de 62 ans qui va être obligé de demander des privilèges à l’établissement, ça se peut que le directeur médical lui dise : moi j’ai des CHSLD à couvrir, je vais t’obliger à aller couvrir des CHSLD», poursuit Dr Amyot.
S’ils refusent, les contestataires se verront interdits d’opérer dans le système public : une peine «sévère et sans appel», dénonce la FMOQ.
La mesure n’est pas sans rappeler la prise en charge de la population imposée aux médecins spécialistes qui avait fait grand bruit lors du dépôt du projet de loi 15.
Dans son mémoire, la FMOQ compare cette nouvelle obligation à une «conscription des médecins de famille» et un «dérivé du malheureux projet de loi 20» adopté à l’époque par le ministre Gaétan Barrette.
Perte d’indépendance
Autre atteinte à leur autonomie, les avis de nomination ne passeront plus par le conseil des médecins, dentistes et pharmaciens (CMDP), mais seront plutôt décidés par le PDG de l’établissement (les actuels CISSS et CIUSSS) et son directeur médical.
«Encore ici, on devine une envie excessive et inutile de contrôle», écrit la FMOQ dans son mémoire.
De la même façon, les chefs des départements régionaux de médecine générale (DRMG) ne seront plus élus, mais nommés par les PDG d’établissement. Celui-ci «perd toute sa neutralité, son indépendance», déplore Dr Amyot.
Une décentralisation, dit Dubé
Malgré les nombreuses critiques de centralisation, le ministre de la Santé assure que son projet de loi fait tout le contraire. «Dans le projet de loi 15, une des choses importantes, c’est ce qu’on appelle la subsidiarité. Pis ça, en langage simple, c’est la gestion de proximité et les décisions doivent se prendre localement par les gestionnaires», a expliqué Christian Dubé en matinée.
Le ministre se dit toujours ouvert à modifier son projet de loi en fonction des commentaires entendus en commission parlementaire. Toutefois, une transformation du réseau est nécessaire pour mieux servir les patients, prévient-il.
«Je vais être très ferme. Je ne changerai pas pour changer», dit le ministre.