Publicité
L'article provient de Le Journal de Montréal
Justice et faits divers

Son nom de famille, un match parfait: l’étau s’est refermé sur Marc-André Grenon grâce au projet «patronYme»

Une experte a présenté mardi le projet «patronYme» qui a permis de cibler le nom de famille Grenon comme sujet clé dans la mort de Guylaine Potvin

Partager
Photo portrait de Pierre-Paul Biron

Pierre-Paul Biron

2024-01-30T17:30:27Z
Partager

Si le nom Grenon était dans les dossiers d’enquête de la police depuis le meurtre de Guylaine Potvin, ce sont les avancées de nouvelles techniques de généalogie judiciaire qui ont permis de cibler le patronyme comme «correspondance parfaite» et ainsi refermer l’étau sur Marc-André Grenon.

• À lire aussi: Procès de Marc-André Grenon: arrêté après que 300 autres suspects ont été écartés par ADN

• À lire aussi: Meurtre de Guylaine Potvin: la défense questionne les limites de l'autopsie réalisée en 2000

L’ombre du fameux projet «patronYme» plane sur l’affaire Grenon depuis plusieurs mois, mais c’est mardi matin que l’on a finalement pu faire la lumière sur ce nouveau procédé d’enquête du Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale (LSJML).

La spécialiste en biologie judiciaire Valérie Clermont-Beaudoin a expliqué l’essence du projet au jury chargé du sort de Marc-André Grenon.

Rappelons que le nom de l’homme se trouvait dans le dossier d’enquête depuis plusieurs années, mais que les policiers n’avaient jamais pu faire concorder son ADN avec celle retrouvée sur la scène du meurtre de Guylaine Potvin, tuée dans son appartement le 28 avril 2000.

Photo courtoisie
Photo courtoisie

ADN prélevé sous les ongles

En 2022, une requête atterrit sur le bureau de Mme Clermont-Beaudoin. Un échantillon d’ADN masculin prélevé sous les ongles de Guylaine Potvin, mais toujours inconnu, doit être intégré à la base de données «pYSte».

Publicité

Cette base, construite à partir de données généalogiques disponibles en ligne, notamment par les sites web de généalogie participative, regroupe des noms de famille et les analyses des chromosomes Y qui y sont liés. 

Comme le chromosome Y se passe biologiquement de père en fils et de génération en génération, tout comme le nom de famille se passe généralement, il est possible d’identifier des noms de famille pouvant être liés à un chromosome Y trouvé sur une scène de crime. Une adoption, un don de sperme ou une relation extraconjugale peuvent toutefois briser la lignée.

L’analyse de l’échantillon retrouvée sur la scène du meurtre de Guylaine Potvin était toutefois sans équivoque. Deux noms de famille se classent dans la catégorie «Patronymes d’intérêt prioritaires», soit Grenon et Verduzco.

Le premier compte à 94 points sur une possibilité de 98, mais est qualifié par l’experte de «correspondance parfaite».

«Considérant que des allèles [gènes à analyser] étaient manquants dans le profil du patronyme Grenon dans la base pYste, il n’était pas possible d’avoir 98. Mais 94 points, c’est le pointage maximal pouvant être obtenu avec les informations disponibles», a expliqué la biologiste, précisant qu’en comparaison, le score de Verduzco était de 80,5.

  • Écoutez l'entrevue avec Frank Crispino, directeur du Groupe de recherche en science forensique et professeur à l'Université du Québec à Trois-Rivières à l’émission d’Alexandre Dubé via QUB radio :

Publicité
Filature ensuite

C’est sur la foi de ce constat que les enquêteurs ont ressorti de leur dossier le nom de Marc-André Grenon, qui est alors devenu suspect «d’intérêt plus,plus» avait témoigné la semaine dernière l’enquêteur Christian Royer. 

Tout le travail du projet PatronYme ne permettait pas d’établir l’implication de l’homme dans le meurtre de Guylaine Potvin. Le juge l’a d’ailleurs rappelé en faisant une directive au jury claire à cet effet. 

Il fallait ensuite récupérer l’ADN complet de Marc-André Grenon pour le comparer entièrement avec celui saisi sur la scène de crime. 

C’est ce qu’ont fait les enquêteurs en plaçant Grenon sous filature en août 2022 et en récupérant son ADN sur un verre jeté dans les poubelles d’un cinéma.

Le verre de boisson gazeuse que Marc-André Grenon a jeté aux poubelles dans un cinéma alors qu'il était sous filature policière. C'est ce verre qui a permis aux autorités de prélever son ADN.
Le verre de boisson gazeuse que Marc-André Grenon a jeté aux poubelles dans un cinéma alors qu'il était sous filature policière. C'est ce verre qui a permis aux autorités de prélever son ADN. Photo fournie par le tribunal

Premier test

Le procès Grenon est le premier test du projet PatronYme devant les tribunaux.

En contre-interrogatoire, Valérie Clermont-Beaudoin a été largement questionnée sur les limites du système utilisé jusqu’à maintenant dans cinq dossiers. 

Me Vanessa Pharand a notamment soulevé le faible échantillon de 61 recherches de validation, qui ont donné un taux de réussite de 57%.

Les avocates de Marc-André Grenon, Me Vanessa Pharand et Me Karine Poliquin
Les avocates de Marc-André Grenon, Me Vanessa Pharand et Me Karine Poliquin Photo Agence QMI, Roger Gagnon

«Le taux de succès dépend du nombre de profil dans la base de données et de la présence du profil recherché dans la base», a expliqué l’experte, précisant que 138 000 profils se trouvaient dans la base en 2022 lors de l’analyse ayant identifié Grenon.

Publicité

La défense a également questionné le témoin sur les standards appliqués pour la conservation et l’intégrité des données, remis entièrement entre les mains des compagnies privées qui les collectent. Tout comme la façon dont sont prélevés les échantillons.

«Ces compagnies régissent leurs propres données», a reconnu la biologiste.

Quant à la possibilité que des gens s’inscrivent avec le mauvais nom de famille, faussant les résultats, la biologiste l’a balayée du revers de la main.

«Ces gens le font pour faire leur arbre généalogique, pour retrouver des parents plus ou moins éloignés. Je ne vois pas quelle serait l’intention de donner de fausses informations s’ils veulent réussir à faire leur arbre généalogique», souligne Mme Clermont-Beaudoin.

Les résultats de l’analyse PatronYme

  • 138 000 noms de famille dans la base de données «pYste»
  • 8334 correspondances avec le profil Y de l’ADN prélevé sur la scène du meurtre de Guylaine Potvin, avec des pointages variables
  • 386 résultats avaient un pointage supérieur à 65 points sur 98 possibles
  • 2 résultats avaient un pointage supérieur à 80 points sur 98 possibles
    • Verduzco : Score de 80,5/98
    • Grenon : Score de 94/98

Dans les résultats, le nom Grenon est inscrit en caractère gras: 

«S’il n’y avait pas de correspondance parfaite, il n’y aurait pas de nom en gras.» – Valérie Clermont-Beaudoin, biologiste judiciaire

Vous avez un scoop à nous transmettre?

Vous avez des informations à nous communiquer à propos de cette histoire?

Écrivez-nous à l'adresse ou appelez-nous directement au 1 800-63SCOOP.

Publicité
Publicité