Procès Johnny Depp et Amber Heard: «Décourageant» pour les victimes de violence conjugale
Genevieve Abran
Le procès que Johnny Depp a remporté contre Amber Heard est une source de divertissement et de discussions sur les réseaux sociaux, notamment sur TikTok, où il a été diffusé en direct. Mais pour des victimes de violence conjugale, les moqueries et les insultes peuvent enlever le goût de dénoncer.
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«C’est sûr que ça peut être décourageant [...] pour une personne victime qui regarde ce procès et qui voit comment ça se passe, l’ampleur, les critiques, les menaces qui sont adressées à [Amber Heard]», déplore la coordonnatrice aux communications et aux relations publiques du Centre d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC), Marie-Christine Villeneuve.
La vedette de Pirates des Caraïbes poursuit en diffamation son ex-femme, qui avait publié une lettre ouverte dans le Washington Post en 2018, dans laquelle elle affirmait être «une personnalité publique représentant les violences conjugales», sans nommer Johnny Depp.
L’acteur réclame 50 millions de dollars en dommages et intérêts, jugeant que la publication du texte a détruit sa carrière et sa réputation. Amber Heard, que l’on a pu voir dans Justice League et Aquaman, a répliqué avec une poursuite de 100 millions de dollars. Selon elle, cette plainte «futile» prolonge «les abus et le harcèlement» que lui a fait subir son ex-mari.
Un procès en direct
Depuis le début du mois d’avril, le procès s’est transformé en spectacle sur les réseaux sociaux. Il se tient dans l’État de la Virginie, où les procès peuvent être diffusés en direct sur la chaîne YouTube COURT TV. Partout dans le monde, il était donc possible de suivre tout ce qui se disait dans la salle de cour. Le jury a conclu mercredi après-midi qu'Amber Heard avait diffamé Johnny Depp et qu'elle devra lui payer 15 millions de dollars de dommages et intérêts.
La semaine dernière, les vidéos TikTok avec le mot-clic #IStandWithAmberHeard (#JAppuieAmberHeard) cumulaient 8,2 millions de visionnements, tandis que ceux avec le mot-clic #JusticeForJohnnyDepp (#JusticePourJohnnyDepp) atteignaient les 15 milliards, selon le média américain NPR.
@mculokii HE DOESNT WANNA LOOK AT YOU AMBER #justiceforjohnnydepp #johnnydepp #fyp #foryou ♬ original sound - jas ✨
@cbatogivename Considering the person that allegedly abused and SA you is on the stand…she’s awfully happy… #justiceforjohnnydepp #deppvheard #johnnydepp #fyp ♬ Pacify Her - Melanie Martinez
Les commentaires sont particulièrement sévères à l’égard d’Amber Heard, déplorent des intervenantes en violence conjugale. À la dernière journée d’audition des témoins, elle a soutenu avoir reçu des milliers de menaces de mort depuis le début du procès.
«Je suis harcelée, humiliée, menacée tous les jours, juste parce que je suis dans cette salle d'audience. [...] Des gens se moquent de mon témoignage sur les agressions, des gens veulent me tuer, ils me le disent tous les jours, ils veulent mettre mon bébé dans le micro-ondes et ils me le disent», a dit Amber Heard.
«C'est jamais une épreuve qui est facile à vivre pour une personne présumément victime de se rendre à un procès, de devoir témoigner, soutient Marie-Christine Villeneuve. On peut donc assumer que c’est très difficile de vivre avec les critiques de la population, avec tout le monde qui a sa propre perception et qui juge facilement.»
«Avec les médias sociaux, les gens s’emballent facilement et n’ont pas peur d’écrire des choses sur la sphère publique. C’est sûr que c’est préoccupant et que ça peut décourager certaines personnes victimes de se rendre là où Mme Heard s’est rendue», poursuit-elle.
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Heard, pas une «victime parfaite»
Pour Louise Riendeau, du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, les commentaires du public qui suit le procès sont souvent basés sur «des mythes et des préjugés que l’on entend généralement sur les victimes et les agresseurs».
Le fait qu’Amber Heard ne soit pas une «victime parfaite» contribue au traitement particulièrement difficile qui lui est réservé sur les réseaux sociaux, avance-t-elle.
«On s’attend à ce qu’une victime soit très atteinte par ce qu’elle a vécu. On s’attend à ce qu’une victime collabore parfaitement avec tous les professionnels de la justice, alors que dans la réalité ce n’est pas toujours comme ça», constate Louise Riendeau.
Le fait qu’Amber Heard puisse avoir répliqué aux attaques de Johnny Depp ne lui enlève pas pour autant son statut de victime de violence conjugale, affirme-t-elle.
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Peu de chances que ça arrive au Québec
Il y a peu de chances de voir un procès pour une histoire de violence conjugale se transformer en un tel cirque, insiste Marie-Christine Villeneuve.
D’abord, l’attrait pour le procès de Johnny Depp contre d’Amber Heard réside dans le fait qu’ils sont des célébrités internationales.
Ensuite, au Canada, l’accès aux salles de cour est beaucoup plus restreint et les procès ne sont pas diffusés en ligne. Au Québec, on peut également demander à ce qu’un procès soit tenu à huis clos, c’est-à-dire que le public – et parfois les médias – ne peut y assister pour protéger la victime.
La mise en place d’un tribunal spécialisé au Québec va finalement améliorer le sort des victimes de violence conjugale et accroître leur confiance envers le système judiciaire, croit Louise Riendeau. Un projet pilote en ce sens a été lancé en mars 2022.
– Avec des informations de l'AFP
*** Cet article a été mis à jour après l'annonce du verdict.