Vous vous sentez fatigué et morose? C'est peut-être à cause du printemps pluvieux
Anne-Sophie Poiré
La météo défavorable du mois d’avril étire la saison de la déprime, rapportent plusieurs psychologues. Dans leur bureau, les clients font état d’une fatigue et d’une morosité générales en partie dues au début de printemps froid et pluvieux que connaît le Québec.
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«Je suis 100% victime de cette déprime saisonnière», lance Simon, un producteur de contenu de 34 ans. «J’ai toujours été affecté par la météo, mais cette année, il y a eu des tempêtes de neige, de la pluie, il a fait froid. Le beau temps n’arrive pas. C’est comme un no man’s land entre l’hiver et l’été.»
«Je me sens comme si on était en plein mois de novembre. Mon énergie est à plat», signale, quant à elle, Justine, une éducatrice spécialisée de 26 ans.
La grisaille et le temps froid ont dominé le mois d’avril dans la province.
Par exemple, un peu plus de 114 millimètres (mm) de pluie sont tombés sur Montréal, alors que la moyenne se situe autour de 80 mm, selon les données d’Environnement Canada.
Le beau temps est sociable
Les symptômes de la déprime saisonnière apparaissent généralement en novembre et perdurent jusqu'au mois de mars. Mais pas cette année. Le manque de lumière se fait encore sentir dans les bureaux des psychologues.
«Dans la littérature, on sait que la luminosité est directement liée à l’humeur. Ce que je remarque, ce sont des clients très affectés par le temps gris, froid et pluvieux», fait valoir la psychologue clinicienne Geneviève Beaulieu-Pelletier.
«On voit que les conditions météorologiques actuelles influencent les affects et les émotions», poursuit-elle. «La lassitude qui continue, la déprime qui se prolonge, on n’est plus supposé être là-dedans à ce moment-ci de l’année.»
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Pour François, 31 ans, musicien et développeur web, la fatigue et l’irritabilité qui perdurent sont clairement dues au temps gris.
«J’ai une baisse d’énergie marquée en après-midi», dit-il. «J’ai l’impression que ça vient peut-être de l’appréhension d’une soirée à l’intérieur, du genre “Meh, pas de parc ni de terrasse ni de promenade ce soir”. Comme si les habitudes de soirée d’hiver ne finissent pas de finir.»
Et c’est précisément ce qu’observe la psychologue clinicienne Dania Ramirez, qui mentionne que le retour du beau temps est encore plus significatif au Québec depuis le début de la pandémie.
«Depuis deux ans, il y a moins de cas l’été, on n’a pas besoin de porter le masque à l’extérieur, on peut voir nos amis dans les parcs. Le beau temps est encore plus associé à une forme de liberté», explique la Dre Ramirez.
«Certaines de nos relations sociales sont affectées par le froid et le mauvais temps», ajoute-t-elle. «J’ai vu des clients annuler des fêtes de famille à cause du mauvais temps.»
Saisons et changements climatiques
On sait que les changements climatiques bouleversent déjà les saisons.
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Dans les climats tempérés de l’hémisphère nord — comme celui du Québec —, l’écart de température entre l’hiver et l’été tend à s’accroître, de même que les précipitations au printemps, selon les prévisions d'Ouranos, consortium sur la climatologie régionale et l’adaptation aux changements climatiques.
Le temps anormalement chaud de l’automne ou celui très froid du printemps sont d’autres exemples de perturbations.
«En psychologie, on parle souvent du trouble d’adaptation [caractérisé par la présence de symptômes en réponse à un stress identifiable]», souligne la psychologue Inês Lopes, qui étudie le lien entre l’environnement et la santé mentale depuis 20 ans.
«C’est ce qu’on remarque avec l’écoanxiété et la crise climatique», confirme la spécialiste. «Les gens commencent à prendre conscience que ça affecte leur énergie. Certains peinent à reprendre leur souffle. Ce sont des choses qu’on ne voyait pas avant.»
Mais, il ne faut pas désespérer: une séquence de beau temps s'annonce dès jeudi sur la province. Des températures allant jusqu'à 24 degrés sont même prévues la semaine prochaine.