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L'article provient de TVA Nouvelles
Monde

Près du front de Kherson, des Ukrainiens tentent de regagner leur village

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Agence France-Presse

2022-11-03T10:53:48Z
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Loulia Pogrebna n'essaie même plus de convaincre les villageois qui ont le mal du pays que ce n'est vraiment pas le moment de revenir chez eux sur le front Sud, en Ukraine.

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Cette bénévole pétillante âgée de 32 ans sort des colis de nourriture pour les villageois qui fourmillent alentour. Ils ont cessé d'attendre ailleurs la fin de la guerre et décidé de regagner leur village de Lymany au bord du fleuve.

Le soleil se couche sur la large baie qui les sépare des forces russes venues de la péninsule voisine de Crimée, annexée par Moscou en 2014.

Des soldats ukrainiens cachés dans les forêts avoisinantes chargent des Grad dans des lanceurs de roquettes montés sur des camions. Ces hommes au parler rude préparent le prochain épisode de la bataille pour Kherson.

L'heure des échanges nocturnes de tirs approche et les villageois se précipitent vers leurs caves remplies des livraisons hebdomadaires de riz et de conserves de viande.

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Loulia secoue la tête et tire sur son gilet pare-balles alors que le soleil descend.

Écoutez l'édito de Normand Lester à l'émission de Richard Martineau diffusée chaque jour en direct 9 h 48 via QUB radio : 

«Ce serait bien plus facile si ces gens n'étaient pas là au milieu», glisse-t-elle avec un doux sourire.

«Mais comment peut-on demander de partir à quelqu'un qui a vécu 70 ans quelque part, qui en connaît chaque brin d'herbe?», explique-t-elle. «Surtout quand il n'a nulle part ailleurs où aller».

La contre-offensive ukrainienne dans le Nord et la poussée plus avant dans le Sud a encouragé un nombre croissant d'habitants à revenir chez eux, dans des endroits dangereusement proches du front.

AFP
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Beaucoup reviennent, car ils n'ont pas les moyens de payer des loyers dans des zones épargnées par la guerre. D'autres se sont sentis devenir un poids pour la famille ou les amis chez qui ils étaient accueillis.

La plupart désirent tout simplement prendre soin de leurs maisons abandonnées et de leurs appartements endommagés par les bombardements.

«Ici, c'est devenu bien mieux depuis quelques jours», assure Iekaterinodar Dudik, 27 ans, concierge de l'école, en ponctuant son affirmation d'un hochement de tête résolu.

«La dernière bombe est tombée il y a quoi, cinq jours maintenant? j'ai repris le travail aujourd'hui», poursuit Iekaterinodar. «J'ai balayé des feuilles».

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Quelques centaines seulement des 4000 habitants étaient restés à Lymany quand les Russes ont traversé le village, quelques jours après le début de leur invasion il y a plus de huit mois.

Aujourd'hui, un millier de ceux qui avaient fui sont de retour, selon des responsables locaux.

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«Chaque semaine, je visite quatre villages comme ici», raconte Ioulia. «Il y a des endroits qu'on ne peut atteindre qu'à pied à travers champs».

Non loin de là, les soldats qui chargent des roquettes de la longueur d'une voiture dans les tubes d'un lanceur multiple ne se soucient guère du retour des villageois.

Les combats d'artillerie restent fréquents dans les forêts et les champs tout autour, note le sergent Oleksandr Veretennik, 32 ans, «mais les choses deviennent un peu plus faciles pour nous».

«Je ne pense pas qu'ils soient à court d'armes. Je pense qu'ils sont à court d'hommes. Ils ont l'air d'avoir des soldats de moins en moins qualifiés».

Le Kremlin a envoyé des renforts de partout vers la ville de Kherson, porte d'entrée tant vers la Crimée que vers la mer d'Azov commercialement cruciale.

La région de Kherson touche quasiment les maisons de Lymany.

Les soldats de la 28e brigade brandissent des fusils tueurs de drones et vantent des systèmes de défense aérienne qui rendent un peu plus sûr le ciel au-dessus de Lymany.

«C'est une guerre menée par l'innovation et la technologie», assure un soldat qui se fait surnommer Balkan. «Et nos ingénieurs sont sans pareils».

«Je veux remercier nos alliés, mais la plus grande partie de la technologie que nous utilisons est la nôtre», insiste-t-il.

Le recul des forces russes sur le terrain a forcé le Kremlin à utiliser des assauts aériens impliquant des missiles de croisière et des drones suicide.

Moscou vise surtout les centres énergétiques et autres infrastructures civiles - une campagne qui vise ouvertement à démoraliser les Ukrainiens en les laissant sans lumière ni chauffage pour l'hiver.

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Mais à Lymany il fait déjà sombre et froid. Durant la journée, les habitants sortent des bouteilles de gaz pour faire bouillir du thé ou des pommes de terre.

La nuit, beaucoup choisissent de se regrouper dans un bunker central plutôt que de rester chacun dans sa cave.

Natalia Panashiï, une villageoise de 54 ans, s'emploie à suppléer les services publics dont les bureaux ont été réduits à un tas de décombres.

Elle assure l'ordre dans la queue bruyante que forment les villageois pour récupérer avant la nuit leurs rations de nourriture hebdomadaires.

«Bien sûr que c'est trop tôt pour revenir», dit-elle, «mais je suis contente qu'ils soient là parce qu'à présent je me sens moins seule ici».

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