Publicité
L'article provient de Le Journal de Montréal
Société

Premier bilan d'une contestation

Partager
Photo portrait de Mathieu Bock-Côté

Mathieu Bock-Côté

2022-02-02T10:00:00Z
Partager

La grande convergence des camionneurs et autres citoyens résolument hostiles aux mesures sanitaires s’est finalement déroulée sans trop de casse, à Ottawa.

Certains commentateurs s’imaginaient qu’ils allaient se ruer sur le parlement. Mal joué : la culture politique canadienne n’est pas un double exact de la culture américaine. À force de vouloir voir partout l’ombre de Donald Trump, on finit par projeter nos fantasmes, même négatifs, sur la réalité. 

Cela ne veut pas dire que ce rassemblement n’était pas hautement critiquable et qu’il n’y a pas eu de coupables débordements. 

Écoutez Les idées mènent le monde, une série balado qui cherche a éclairer, à travers le travail des intellectuels, les grands enjeux de sociétés.

Ottawa

Comme prévu, au-delà des milliers de citoyens ordinaires qui voulaient exprimer, en des termes pas toujours élégants, leur ras-le-bol des mesures sanitaires, on a vu des extrémistes chercher à détourner l’événement à leur avantage. Le vrai conspirationnisme s’y trouvait fortement représenté.

Une image a beaucoup circulé : un homme tenait un drapeau nazi. Comment ne pas être horrifié, en effet, devant ce symbole ? Il y avait manifestement de vrais groupuscules de suprémacistes blancs parmi la foule, qui voulaient détourner à leur avantage cette révolte.

Publicité

Mais je l’avoue : je suis persuadé qu’une partie des commentateurs s’est réjouie secrètement de voir dans la foule un symbole aussi abject. 

Car ainsi, il leur était possible d’y associer l’ensemble des manifestants, et de ne plus réfléchir à un soulèvement qui a quand même mobilisé des milliers de citoyens. 

Qu’importe si 99 % des manifestants sont assurément dégoûtés par le nazisme et qu’ils n’ont évidemment pas vu flotter ce funeste emblème. 

Autre sujet.

On a beaucoup reproché aux manifestants leur hostilité aux médias. Et il va de soi qu’on ne saurait d’aucune manière légitimer la violence ou l’intimidation envers les journalistes. Mais cela dit, certains médias devraient aussi se demander pourquoi une partie de la population s’en détourne. Se pourrait-il qu’à traiter une proportion importante de la population de tarés, elle en vienne à se sentir aliénée ?

J’ajoute, et cela me semble essentiel, qu’il faut distinguer entre les manifestants de samedi et le dernier carré d’insurgés, qui goûtent à l’alcool fort des passions politiques et se prennent pour de grands résistants alors qu’ils paralysent une ville et la prennent en otage.

On nous dira : mais que veulent les manifestants ? Ils n’ont pas de chef, se perdent dans des slogans contradictoires, les uns s’opposent aux vaccins, les autres croient voir derrière la pandémie une vaste conspiration mondiale.

Révolte

Ne faisons pas semblant de ne pas comprendre. Au-delà du caractère brouillon, excessif et souvent inquiétant de ce que disait la foule, le message était finalement assez clair : il est temps d’en finir avec les mesures sanitaires. 

Ce désir va au-delà de ceux qui l’expriment brutalement et violemment. 

Alors je le redis : ce mouvement nous a tous surpris, pourtant, il n’est pas surprenant. Il porte au Canada l’écho d’une révolte partout visible en Occident. Mais au Canada, ce pays où il ne se passe jamais rien, on demeure perplexe devant la possibilité même d’un soulèvement populaire. 

Il nous reste à le comprendre, sans complaisance, et sans mépris. 

Publicité
Publicité