Préjugés et hypersexualisation: elle ne voulait pas être lesbienne
Genevieve Abran
«Je ne voulais tellement pas être lesbienne»: Marie Gagné a mis du temps avant d’assumer son orientation sexuelle, notamment à cause des préjugés qui persistent envers sa communauté.
«Ça m’a pris de temps à accepter le titre de lesbienne. Il y a tellement un stigma associé à ce mot-là», raconte la jeune femme, qui utilise aujourd’hui sa page Instagram pour se moquer de certains préjugés.
«Je me rappelle que j’essayais de trouver n’importe quel mot, comme “gaie” ou “queer”, mais lesbienne, on dirait qu’il y a quelque chose de négatif qui est associé à ça», poursuit-elle.
Elle est d'ailleurs loin d’être la seule femme lesbienne à avoir ressenti un tel malaise, assure Julie Antoine, directrice générale du Réseau des lesbiennes du Québec.
«C'est rare que les jeunes lesbiennes vont dire qu’elles sont très fières d’être lesbiennes, soutient-elle. Des fois, on va passer par tout un processus d’acceptation de soi avant de revendiquer le terme “lesbienne”.»
Manque de visibilité à l’écran
En cette Journée de la visibilité lesbienne, elle pointe du doigt le manque de représentation des femmes lesbiennes dans les médias, qui, dit-elle, contribue à perpétuer les préjugés.
«C'est sûr que si Ginette du fin fond de Gaspé n'a jamais vu une lesbienne, c’est normal qu’elle ait des préjugés», remarque Marie Gagné, qui est elle-même originaire de la Gaspésie.
«Je trouve ça poche, justement, que dans la représentation on screen, ça va être la femme butch [qu’on montre]. C’est rare qu’on va voir une femme féminine lesbienne, mais je crois que c’est important d’en mettre, pour dire que ce n’est pas parce que tu t’habilles d’une certaine façon que ça définit ton identité de genre ou ton orientation sexuelle», poursuit-elle.
Bien que du travail reste à faire, la situation s’améliore, insistent Marie Gagné et Julie Antoine. Dans les séries télé, par exemple, il y a davantage de diversité sexuelle et de genre, et la femme lesbienne est de moins en moins stéréotypée, se réjouissent-elles.
«Moi, ça m’a permis de comprendre un peu mieux ma sexualité et que c’était OK d’aimer les femmes, c’était OK d’aimer les hommes, d’aimer juste une personne, et peu importe son genre et son orientation sexuelle», mentionne pour sa part Andréa Spirito, qui est pansexuelle. Une personne pansexuelle peut être attirée par un individu indépendamment de son sexe ou de son genre.
• À lire aussi: Des réponses à 9 questions qu’on se pose tous sur l’asexualité
• À lire aussi: La communauté LGBTQ+ en Ukraine s’inquiète pour ses droits
De nombreux préjugés
Pour Julie Antoine, si les lesbiennes subissent autant de préjugés, c’est à cause de leur orientation sexuelle, mais aussi – et surtout – parce qu’elles sont des femmes.
«On est dans une société hétéronormative et patriarcale, donc l’hypersexualisation des lesbiennes, on en subit les conséquences», mentionne-t-elle.
• À lire aussi: Le déconfinement n’est pas une bonne nouvelle pour tout le monde
Elle regrette d’ailleurs que le monde de la porno se soit, d'une certaine manière, réapproprié la femme lesbienne. Pour satisfaire les fantasmes de nombreux hommes hétérosexuels, la porno présente en effet une image de la femme lesbienne et du sexe entre femmes qui n’a rien à voir avec la réalité et qui perpétue des stéréotypes, déplore-t-elle.
«Ça empêche de voir la réalité d’une relation sexuelle entre deux femmes d’une bonne manière», affirme Andréa Spirito.
«C'est tout récent que, sur Google, taper le mot “lesbienne” ne ramène pas à des sites pornographiques. C’est en 2021 que l’algorithme a été changé. Pourtant, toutes les autres lettres de l’acronyme LGBTQ étaient référées avec des Wikipédia en première page», conclut Julie Antoine.