Poutine croit-il encore pouvoir obtenir toute l’Ukraine?
TVA Nouvelles
Pour une 35e journée consécutive, les bombardements russes en Ukraine se sont poursuivis mercredi malgré l’annonce précédente faite par Moscou d'une réduction de son activité militaire, promesse qui n’a pas été tenue. En parallèle, les négociations entre des représentants des deux pays se sont poursuivies à Istanbul.
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Le fondateur de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques de l'UQAM, Charles-Philippe David, a répondu à vos questions sur le sujet, au TVA Midi.
1- Est-ce que L'OTAN aurait les moyens d'en faire plus pour l'Ukraine?
R: «Ils auraient certainement les moyens de combattre vigoureusement l’armée russe, mais encore faut-il qu’il y ait la justification de le faire. La justification c’est que si la Russie attaque un seul petit morceau de rien du tout de territoire qui appartient aux 30 pays membres de l’OTAN, à ce moment-là, vous avez une sorte de déclaration de guerre contre l’OTAN. Tant et aussi longtemps que les combats ou les dégâts se limitent à l’Ukraine, ce que fait l’OTAN, c’est, pays par pays, de consentir à acheminer des armes, des équipements de défense à l’armée ukrainienne. Cela dit, pour l’instant, ça aide l’armée ukrainienne! Les armes antichar, armes antiaériennes font des dégâts, mais ce n’est pas suffisant pour empêcher ou prévenir les attaques sauvages ou les missiles de croisières envoyées depuis le sol ou la mer contre Marioupol, notamment.»
2- Est-ce que le Canda pourrait participer à la résolution du conflit?
R: «Je vous prédis que si les négociations mènent vers une neutralité qui est garantie par des puissances extérieures, par des membres de la communauté internationale, cette question sera âprement et longuement débattue au Canada et notamment au parlement canadien à la Chambre des communes. Cela voudrait dire à toutes fins utiles que nous souscrivons à un engagement d’apporter la sécurité et la protection à l’Ukraine si celle-ci, encore une fois, se voyait encore en guerre dans les années à venir. Ce n’est pas rien comme promesse, comme engagement. Ce serait une garantie écrite. C’est comme si l’Ukraine était dans l’OTAN. C’est un débat politique qui va rebondir ici.»
3- Que va-t-il arriver avec les milliards de dollars qui sont gelés à l'extérieur de la Russie?
R: «On se fie à l’exemple de l’Iran qui est déjà sanctionné en vertu de l’accord nucléaire qui a été déchiré par Donald Trump il y a plusieurs années. Ça veut dire que les avoirs russes sont gelés à l’étranger, donc que le gouvernement russe et les oligarques ne peuvent pas toucher à cet argent tant et aussi longtemps que les sanctions sont maintenues.»
4- Que demande Poutine depuis le début, qui fait en sorte que le peuple ukrainien est prêt à tout perdre ?
R: «C’est une question qui me tracasse beaucoup. Les conditions qui sont négociées hier devraient satisfaire au minimum Vladimir Poutine, mais ce sont les mêmes sortes de conditions et le même dialogue que Emmanuelle Macron, à 17 reprises, a tenté d’offrir à Poutine. En présence une fois, ou par téléphone avec ses nombreux appels et Poutine n’y a pas donné suite. La question que je me pose, c’est pourquoi détruire un pays si c’est pour finir par accepter ce qu’au départ, Macron a sans doute proposé au président russe, c’est-à-dire la neutralité de l’Ukraine, et une discussion sur le statut des territoires de Crimée et du Donbas. Si c’est pour en arriver là après avoir détruit tout le pays ou presque? Je ne comprends pas du tout la stratégie de Poutine... si ce n’est que Poutine est convaincu qu’il peut obtenir mieux que ces conditions, c’est-à-dire tout le pays!»
5- Peut-on se fier aux engagements de Poutine ?
R: «Non. On, ne peut pas fier aux engagements de Poutine, sauf s’ils sont garantis par la communauté internationale, comme ça il sait que s’il viole l’entente, c’est la communauté internationale qu’il met au défi.»