Pourquoi les réfugiés utilisent-ils le chemin Roxham?
Plus de 97 % des entrées illégales au Canada ont lieu sur cette route près de Saint-Bernard-de-Lacolle

Jules Richer
Situé à cheval sur la frontière de l’État de New York et du Québec, le chemin Roxham voit passer 97 % de tous les demandeurs du statut de réfugié qui entrent illégalement au Canada.
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L’afflux très important de réfugiés à cet endroit est la conséquence – non prévue – d’un accord entre le Canada et les États-Unis. L’Entente sur les tiers pays sûrs a été signée à l’origine pour empêcher les terroristes potentiels d’entrer aux États-Unis par voie terrestre à partir du Canada en se faisant passer pour des réfugiés.
Conclue en 2004 dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001 à la demande des autorités américaines, l’entente vise les demandeurs du statut de réfugié qui se trouvent déjà au Canada ou aux États-Unis et qui voudraient traverser la frontière pour y faire une autre demande de réfugié.
Dans un cas comme dans l’autre, ils se verront refuser l’entrée au pays et devront obligatoirement compléter leur demande là où ils se trouvent.
Négociations
La menace terroriste ayant baissé de plusieurs crans, l’Entente sur les tiers pays sûrs a perdu de son utilité au fil du temps.
Le Canada a entrepris des négociations avec les États-Unis pour annuler l’accord, mais ces négociations n’ont pas eu de succès jusqu’à maintenant.
Mais on peut se demander pourquoi les personnes qui empruntent le chemin Roxham ne pourraient pas plutôt choisir d’arriver au Canada par avion en provenance de leur pays, un mode d’arrivée qui, précisons-le, échappe à l’Entente sur les tiers pays sûrs ?
S’ils viennent de pays comme Haïti, le Congo et de plusieurs pays d’Afrique et d’Amérique latine, ils ne peuvent entrer au Canada par voie aérienne sans obtenir au préalable un visa, qui, dans leur cas, est souvent difficile à avoir.
Facile d’accès
S’ils tiennent absolument au Canada comme destination, il ne leur reste plus qu’à entrer aux États-Unis comme réfugiés par voie terrestre à partir du Mexique, puis à remonter vers le nord jusqu’à la frontière canadienne et à emprunter illégalement le chemin Roxham.
Il leur serait impossible de passer légalement par un poste-frontière terrestre canadien régulier : on les renverrait aux États-Unis à cause de l’Entente sur les tiers pays sûrs.
Le chemin Roxham s’est imposé graduellement comme point d’entrée illégal pour des raisons essentiellement pratiques. Il est facile d’accès et sa traversée ne présente pas de danger.
Il ne faut pas oublier que la traversée de la frontière canado-américaine peut être périlleuse. En janvier dernier, une famille indienne de deux adultes et deux enfants, induite en erreur par des passeurs, est morte de froid en plein champ au Manitoba après avoir franchi illégalement la frontière.
Les avocats en immigration débordés
Les avocats spécialisés en immigration au Québec ne suffisent pas à la tâche tant l’afflux des demandeurs du statut de réfugié est grand.

Avocate en immigration
« [Pour les demandeurs], il est difficile de trouver des avocats », dit Me Jihane Chikhi, en entrevue.
Notons que ceux-ci ont droit à l’aide juridique, qui est, par la suite, remboursée au gouvernement québécois par Ottawa.
Me Chikhi explique que les besoins de cette clientèle peuvent être complexes et que chaque cas est différent.
« J’ai de tout : des mineurs non accompagnés, des familles, des mères seules. J’ai beaucoup d’Haïtiens, de gens d’Amérique latine, d’Africains », dit-elle.
Son collègue Stéphane Handfield, lui, note que la pénurie actuelle d’avocats en immigration peut nuire, dès le départ, aux demandeurs de statut, peu familiers avec la bureaucratie canadienne, qui doivent remplir des formulaires sur internet pour ouvrir leur dossier.
« Une personne sans avocat aura beaucoup de difficulté à le faire », souligne-t-il.
Des changements récents du portail internet du ministère de l’Immigration ont compliqué l’accès aux formulaires.
« C’est la catastrophe ce système !, déplore-t-il. Je me pose la question : est-ce que c’est une façon pour décourager les demandeurs de statut ? »
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