Publicité
L'article provient de 24 heures
Transports

Pourquoi le troisième lien est-il autant contesté?

Partager
Photo portrait de Élizabeth Ménard

Élizabeth Ménard

2022-04-14T18:47:03Z
Partager

On entend nos politiciens se chicaner sur le troisième lien – ce tunnel qui reliera les villes de Québec et Lévis – depuis tellement longtemps qu’on en oublie presque pourquoi. Les raisons invoquées par ses détracteurs sont principalement environnementales ou en lien avec la crise climatique. Alors que le gouvernement Legault annonçait aujourd’hui une nouvelle configuration à deux tubes et moins coûteuse, voici ce qu’il faut savoir pour comprendre pourquoi ce projet est autant contesté.

• À lire aussi: Y'a-t-il une guerre à l'automobile au Québec?

Il ne réduira pas le trafic  

Le gouvernement de la CAQ, qui tient mordicus à son tunnel, justifie l’utilité de son mégaprojet de 7 milliards $ en invoquant la congestion routière entre Québec et Lévis.  

D’ici 2036, 36 800 déplacements interrives additionnels viendront empirer le trafic, soutient-on, dans Le Journal.  

Le hic, c’est que de nombreuses études ont démontré, depuis aussi loin que les années 60, que l’augmentation de la capacité routière a pour effet d’augmenter le trafic, soulignent les détracteurs. 

«Toutes les études le démontrent : ajouter de nouvelles routes ou autoroutes, ça attire inévitablement de nouvelles voitures et ça ne règle jamais à long terme la congestion automobile. Si le gouvernement veut atteindre ses objectifs en matière de mobilité durable, il ne peut tout simplement pas aller de l’avant avec un troisième lien », conclut le directeur de Vivre en Ville, Christian Savard, dans un communiqué de la coalition Non au troisième lien! 

Publicité

Une étude réalisée en 2020 par Transportation for America met notamment en lumière le cas de la ville de Jackson au Mississipi. Entre 1993 et 2017, son réseau autoroutier a connu une expansion de plus de 60%, sa population a augmenté de 9% et le trafic a explosé de 317%. 

Les nouvelles routes engendrent une demande supplémentaire égale et parfois même supérieure à la capacité en 5 à 10 ans, selon une autre étude réalisée en 2011 par l’Université de Pennsylvanie. 

Un risque important d’étalement urbain  

Du côté de Lévis, le tunnel sortira en zone agricole. De nombreux détracteurs du projet craignent que des promoteurs immobiliers et des municipalités procèdent à du dézonage pour construire des habitations sur ces terres. 

«En créant un tunnel sous le fleuve, on va nécessairement rapprocher les terres agricoles de Bellechasse ou de d'autres secteurs, de Québec. Ça pourrait être facile de voir là, pour des municipalités et des promoteurs, une façon de développer des terrains agricoles en résidences et de dire aux gens: vous êtes maintenant à 10-15 minutes de Québec», avait souligné le maire de Québec, Bruno Marchand, dans une entrevue au 24 heures le mois dernier. 

• À lire aussi: «C’est fini le niaisage. La Terre ne peut pas attendre», lance le maire de Québec, Bruno Marchand

Publicité

«L'étalement urbain est l'une des choses qui contribue le plus à nous nuire pour l'atteinte de nos objectifs de réduction des gaz à effet de serre. Plus les gens habitent loin, moins ils ont de moyens de transport intéressants pour se déplacer. Nécessairement, ils doivent prendre des moyens qui sont moins sobres en carbone et ça a une influence sur la planète», avait-il expliqué. 

Au Québec, les terres agricoles ne représentent que 2% du territoire, selon Équiterre. 

Dans le contexte des changements climatiques, il est d’autant plus important d’utiliser ces terres à bon escient pour assurer notre sécurité alimentaire, soutiennent les experts. 

Peu de place au transport en commun  

La nouvelle configuration, annoncée aujourd’hui, prévoit un tunnel bitube plutôt qu’un seul tube à deux étages. Il n'y aura pas de voie exclusivement dédiée au transport en commun. Mais au moins une voie le sera, à certaines heures de pointe, ce qui est nettement insuffisant pour les opposants au projet. 

«Ce n’est pas avec un tel projet que la région de Québec prendra le nécessaire virage vers la mobilité durable. Soyons rigoureux. Des besoins réels en transport collectif, il y en a partout! Le traitement spécial offert au troisième lien n’a pas lieu d’être. », a déclaré le directeur général de Vivre en Ville et membre de la coalition Non au troisième lien, Christian Savard, par voie de communiqué aujourd’hui. 

Dans un livre publié en septembre dernier, trois chercheurs de l’Université Laval soutenaient que la seule solution acceptable pour le troisième lien serait qu’il soit entièrement dédié au transport collectif.  

«Il serait impensable de structurer tous les déplacements à Québec autour du transport en commun, mais leur plus grande utilisation pourrait faire baisser la pression sur les embouteillages routiers et autoroutiers, et ce sans ajouter de nouvelles structures pour automobiles», écrivent les auteurs Jean Dubé, Jean Mercier et Emiliano Scanu dans l’ouvrage Comment survivre aux controverses sur le transport à Québec ?  

C’est une idée qu’avait également avancée Québec Solidaire. 

Publicité
Publicité