Pour Stéphane Gagnon, la période de Watatatow était la meilleure école
Michèle Lemieux
Natif d’un petit village de Gaspésie, Stéphane Gagnon a détonné dans le paysage en voulant devenir acteur. L’appel étant plus fort que tout, il a tracé son chemin, de Watatatow à la nouvelle série Sorcières, dans laquelle il incarne Luc, un personnage des plus intrigants. Après 30 ans de carrière et de nombreux projets, le comédien se sent plus que jamais à sa place.
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Stéphane, que peux-tu dévoiler au sujet de ton personnage dans Sorcières?
Dans cette série, on découvre les choses au fur et à mesure. C’est ce qui la rend si intéressante. Je peux dire que Luc est quelqu’un de démuni par rapport à ce qui lui est arrivé. Il a fallu qu’il se construise une vie. Il y est arrivé... jusqu’au jour où on retrouve ce bébé dans les bois.
Pour un acteur, s’engager dans un projet de 26 épisodes, est-ce un privilège?
Oui, nous sommes chanceux. Surtout qu’après la pandémie, il y a eu de nombreuses productions, mais en ce moment, on sent un ralentissement. Je me sens privilégié d’avoir la chance de faire partie d’une série. Après L’Échappée, la boîte de production Amalga m’a invité à participer à une autre série annuelle. Je ne pensais pas revivre ça... Parfois, on fait une série et il faut disparaître un peu par la suite.
Depuis le début de ta carrière, tu n’as pas eu l’occasion de disparaître trop souvent, il me semble...
Effectivement, mais j’ai eu de grosses périodes sans travail. Je ne fais pas de pub ni de voix, je ne suis qu’un interprète, ce qui est suffisant pour moi. Je n’ai pas plein de cordes à mon arc. Si je ne joue pas comme acteur, je travaille de mes mains. Pendant la période où j’ai passé deux ans sans travailler, j’ai acheté un immeuble et je l’ai rénové. Il faut s’occuper, sinon on a l’impression de rater quelque chose. J’ai connu deux bonnes périodes sans travail. C’était au tournant de l’an 2000. Quand ma fille est venue au monde, en 2001, j’avais pris une année sabbatique parce que je voulais passer du temps avec elle. Disons que j’ai joué avec le feu... Ma blonde travaillait beaucoup, alors j’ai décidé de rester à la maison. Cette sabbatique s’est étalée sur deux ans. Comme j’étais avec ma fille, c’était quand même un beau moment. Après ça, j’ai passé des auditions, mais il ne se passait rien. C’est à ce moment que j’ai décidé de rénover.
Combien d’années de métier comptes-tu?
J’ai commencé à 24 ans, j’en ai 54. Je compte 30 ans de métier. Je touche du bois, mais, malgré les périodes où j’ai peu travaillé, j’ai été gâté. J’ai participé à de super beaux projets tout au long de ma carrière, et je suis vraiment heureux de les avoir faits.
Avec le temps, composes-tu mieux avec les refus?
Oui. Pendant longtemps, j’ai souffert du syndrome de l’imposteur. Probablement parce que je venais d’un petit village... J’avais toujours l’impression que quelqu’un allait me dire que je n’étais pas vraiment bon, que je n’étais pas à ma place. Ça m’a habité pendant longtemps. Maintenant, quand je ne décroche pas un rôle, je me dis que je ne donnais pas au réalisateur ce qu’il cherchait pour le personnage. J’ai fait mes preuves comme acteur. Si on me donne un rôle, je pense que je peux l’assumer.
Quels ont été les rôles les plus marquants pour toi?
Minuit, le soir à la télé, Motel Hélène au théâtre, à ma sortie de l’école. Récemment, j’ai travaillé avec Sophie Deraspe: Bête noire et Motel Paradis, que de beaux projets! J’ai commencé ma carrière avec l’émission jeunesse Watatatow. J’ai étudié au Conservatoire de musique et d’art dramatique du Québec, où on ne touchait pas à la caméra. Dans Watatatow, je travaillais avec des réalisateurs qui nous traitaient de manière didactique et ç’a été la meilleure école pour moi.
Es-tu originaire de la région de Québec?
Non, je viens de la Gaspésie. Jouer était une passion pour moi. À mes débuts, des collègues (incluant sa conjointe, la comédienne Roxanne Boulianne) et moi avions fondé une compagnie de théâtre. Nous faisions 180 $ à la fin de l’été, mais nous avions un grand plaisir à jouer. Ça a duré six ans. Ça témoigne d’une belle innocence. Les besoins étaient moindres, car il n’y avait pas de charge quelconque. Généralement, être comédien, c’est un chemin qui se trace tranquillement. Devenir connu très rapidement, ce n’est pas le cas de tout le monde. Moi, ce n’est pas mon cas, et j’en suis bien heureux.
Quand on est en Gaspésie et qu’on veut devenir acteur, comment ce choix est-il reçu?
Ça n’a pas été accueilli, en ce sens que c’était un peu abstrait pour tout le monde. Je viens d’un petit village de 1000 habitants. Je suis parti jeune. Après 10 ou 15 ans à pratiquer mon métier, les gens m’avaient vu à la télévision. C’était devenu plus concret. Toutes ces années où j’ai fait du théâtre, on pensait que je crevais de faim, alors que je gagnais ma vie. Quand les gens ne te voient pas à la télévision, ils ont l’impression que tu n’as pas réussi. À partir du moment où tu apparais au petit écran, ils croient que tu y es arrivé, alors que ce n’est pas du tout la réalité. Tu peux avoir une super carrière sans jamais avoir fait de show à la télévision.
Pour de nombreux acteurs, le théâtre représente la grande passion de ce métier.
Oui, et ça me manque de jouer au théâtre. Quand nous avons eu notre deuxième enfant, nous sommes partis vivre en banlieue. J’ai refusé deux ou trois shows de théâtre, et ç’a été terminé, je n’en ai pas refait par la suite. Mon fils est né en 2003 et je n’ai pas rejoué au théâtre depuis.
Finalement, plusieurs décisions dans ta carrière ont été prises en fonction de ta famille?
Oui, car tant qu’à avoir des enfants, aussi bien s’en occuper. Moi, je voulais en profiter. Je suis heureux de l’avoir fait.
À 54 ans, tu as précédé la vague des pères plus présents, plus engagés. C’est vrai qu’à l’époque, c’était peut-être plus rare, mais dans mon milieu, les gens ont une passion pour l’être humain. On dirait que c’est une étape importante.
Aucun de tes enfants ne suit tes traces?
Non! Dieu merci! (rires) Je suis content qu’ils fassent autre chose dans la vie. Mon père était camionneur et il ne voulait pas que je le devienne à mon tour. C’est un métier difficile. Il se levait à 4 h et revenait à 18 h. Il transportait du bois dans des chemins de bois, sans téléphone. Si quelque chose se produisait durant la journée, on ne savait pas trop où il était. C’était tout un métier! Je n’ai jamais pensé à l’exercer. Je l’ai seulement fait pendant quelques étés pour payer mon motocross... (rires) Je suis acteur, et je ne voulais pas que mes enfants soient acteurs. Je leur souhaitais autre chose. Je suis content, car ils s’épanouissent autrement.
Outre ton travail, qu’est-ce qui t’occupe?
Je suis un manuel et aussi un gamer fini: j’aime les jeux électroniques. Puis j’entretiens ma maison. Nous aimons voyager en famille et nous avons la chance que nos enfants nous suivent encore. Mais actuellement, nous voyageons moins parce que la planète brûle...
Sorcières, lundi 20 h, à TVA.
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