Pour «Oppenheimer», Christopher Nolan a reconstruit Los Alamos «en secret»
Agence France-Presse
Une ville construite à la hâte dans les montagnes reculées du Nouveau-Mexique, entièrement dédiée à la recherche nucléaire, et dont l'existence doit rester secrète? C'est non seulement le scénario du film Oppenheimer, mais aussi l'histoire derrière sa réalisation.
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Comme le père de la bombe atomique dont il dresse le portrait, le cinéaste Christopher Nolan a dû créer son Los Alamos, l'endroit où a été conçu l'arme nucléaire, de toutes pièces.
Le projet «a clairement baigné dans le secret», confie à l'AFP David Manzanares, responsable du Ghost Ranch, un site transformé en réplique d'époque de la ville.
Comme tous les autres membres de son équipe, il a dû attendre jusqu'en août dernier, un mois après la sortie en salles du blockbuster, pour pouvoir parler de son travail.
«C'est comme ça que ça se passe sur un tournage de Christopher Nolan», sourit-il.
Pour arriver ici, il faut franchir des barrières surmontées d'un panneau «ZONE INTERDITE». Après quelques kilomètres d'une piste poussiéreuse, on tombe sur plusieurs maisons en bois, bureaux, et postes de sécurité construits pour le film.
Il y a même une chapelle, avec en fond la silhouette violette des montagnes désertiques.
Située à environ une heure de route, la véritable Los Alamos abrite toujours un laboratoire top secret, qui veille à la sécurité et l'entretien de l'armement nucléaire américain. Mais depuis 1945, le village mystère est devenu une ville moderne.
Authenticité
Pour tourner les scènes extérieures, il a donc fallu construire une réplique de la rue. Une exigence typique de Christopher Nolan: le réalisateur britannique insiste toujours pour insuffler le maximum d'authenticité à ses films.
Pour Oppenheimer, au-delà des décors, il s'est limité à des effets spéciaux minimes pour tourner la scène recréant l'essai de la bombe atomique, et a engagé de vrais scientifiques de Los Alamos comme figurants.
En octobre 2021, M. Manzanares a été contacté par un ami régisseur de tournage, qui lui cherchait des sites vierges au Nouveau-Mexique, pour un film se déroulant dans les années 1940.
Un mois plus tard, Christopher Nolan débarquait en personne au Ghost Ranch.
«Il a tout de suite adoré», raconte M. Manzanares.
Son équipe a dû composer avec les exigences du réalisateur, qui avait en fait besoin de deux décors quasiment identiques.
L'un devait rester vide, pour tourner la scène où Robert Oppenheimer, incarné par Cillian Murphy, montre à un général de l'armée américaine l'endroit où il souhaite construire la base du projet Manhattan.
L'autre devait reproduire Los Alamos fidèlement, pour accueillir le reste du tournage dès le lendemain.
Pour que l'illusion opère, M. Manzanares a choisi deux endroits dotés de «mesas» semblables, ces montagnes orangées avec leurs larges sommets plats typiques de l'Ouest américain.
Une fois la production sur place, le secret s'appliquait à «tout le monde, même aux acteurs», explique-t-il. «Ils recevaient des pages, allaient dans leur chambre d'hôtel et lisaient, mais ils ne pouvaient pas sortir avec le scénario.»
Serpents à sonnette
Des mesures classiques pour un film de cette envergure. Photos, rumeurs, fragments d'intrigue... les grosses productions veulent à tout prix éviter les fuites dans la presse avant la sortie au cinéma.
Une fois les scènes de Los Alamos tournées, les «laboratoires» de la fausse ville ont été enlevés, de même que les poteaux téléphoniques, qui auraient pu s'envoler avec le vent.
Mais le film a laissé derrière lui une douzaine de structures en bois, une première pour une production tournée au Ghost Ranch. Pour l'équipe du site, cela impliquait de garder le secret le plus total pendant un an après le tournage.
Avant d'accueillir des westerns et d'autres films, le site sort désormais de son mystère. À partir du mois prochain, il va proposer un Oppenheimer Tour.
Une manière de capitaliser sur les multiples Oscars qui semblent promis le 10 mars au long-métrage de Nolan, nominé dans 13 catégories et ultra-favori pour la statuette du meilleur film.
Après des mois sans personne, l'endroit est en plein toilettage pour ouvrir au public.
«Nous avons trouvé des serpents à sonnette et des veuves noires», raconte la responsable des visites, Julia Haywood. Selon elle, «le site est désormais parfaitement sûr.»
