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Environnement

Pour causer moins d’écoanxiété, l’art est un outil pour parler de l’urgence climatique

Photomontage Julie Verville
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Photo portrait de Anne-Sophie Poiré

Anne-Sophie Poiré

23 décembre 2022
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L’art est un moyen efficace d’aborder la crise climatique en atténuant l’écoanxiété: un nombre grandissant d’artistes, de militants et de scientifiques croient que les œuvres répondent au besoin de diversifier les façons de s'exprimer sur les changements climatiques et peuvent même encourager le public à passer à l’action.

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Un ours polaire de six tonnes, taillé dans la glace par le sculpteur britannique Mark Coreth, est exposé depuis le 4 décembre devant la Maison du développement durable, à Montréal, en marge de la conférence des Nations unies sur la biodiversité (COP15). 

«Ours blanc sur glaces éphémères» de Mark Coreth
«Ours blanc sur glaces éphémères» de Mark Coreth Photo Andrea Lubeck

À la fin du sommet, il ne devrait rester de l’Ours blanc sur glaces éphémères qu’un squelette de bronze. La pluie et les températures anormalement douces de la semaine dernière ont par ailleurs déjà eu raison d’une partie de la sculpture.

L'ours polaire montrait déjà son squelette de bronze à cause de la pluie et les températures anormalement douces.
L'ours polaire montrait déjà son squelette de bronze à cause de la pluie et les températures anormalement douces. Photo Andrea Lubeck

Le message de l’œuvre est clair: on comprend en un coup d’œil que la glace de l’Arctique fond dangereusement, ce qui menace la survie de plusieurs espèces, dont l’ours polaire, devenu l’emblème des conséquences du réchauffement climatique dans le Grand-Nord.

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La hausse des températures due aux émissions de gaz à effet de serre pourrait de fait signer leur quasi-extinction d’ici la fin du siècle, selon une étude publiée en 2020 dans la revue scientifique Nature Climate Change. Au Canada, la Loi sur les espèces en péril le désigne comme «espèce préoccupante». 

Démocratiser la science

L’artiste a été témoin des effets des changements climatiques sur les animaux lors d’un voyage sur l'île de Baffin, au Nunavut, en novembre 2007. Il savait que cette expédition n’était pas accessible à tout le monde. L’Ours blanc sur glaces éphémères, sculpté deux ans plus tard, lui a permis de raconter — et de démocratiser — ce qu’il a observé. 

Et pour expliquer l’impact de l’être humain sur le délicat équilibre de la nature, le public est invité à toucher l’œuvre de 1,8 mètre de haut, soit l’épaisseur moyenne de la glace en voie de disparition de la mer Arctique.

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«Relier les recherches environnementales avec l’art rend plus digestes des éléments parfois complexes de la science, et c’est encore plus vrai si l’œuvre est exposée dans l’espace public», souligne l’écrivaine et professeure au département de mathématiques et de génie industriel de Polytechnique Montréal, Virginie Francoeur. 

Ce n’est pas tout le monde qui va se déplacer dans les musées ou s’attarder à un article scientifique sur les conséquences de la fonte des glaces sur les animaux en l’Arctique, rappelle celle qui étudie depuis longtemps la transversalité des connaissances entre les sciences et les arts. 

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«L’ours polaire de Mark Coreth a le potentiel de toucher un plus large public», assure l’experte. 

L’art, une réponse à l’écoanxiété

On parle souvent de la crise climatique dans un langage «alarmiste». Les unes des médias et les rapports scientifiques tentent d’offrir une information à la hauteur de l’urgence, ce qui est ironiquement une des causes de l’écoanxiété.

Des études suggèrent même que l’utilisation d’un tel vocabulaire inciterait «au déni, à la paralysie ou à l’apathie» plutôt que de motiver le public à agir sur la question des changements climatiques.

On a aussi vu dans les derniers mois plusieurs toiles se faire asperger de liquide par des militants écologistes, à bout de souffle devant l’inaction climatique. «Qu’est-ce qui vaut le plus: l'art ou la vie?» ont demandé les activistes de Just Stop Oil après avoir lancé une canne de soupe de tomate sur Les tournesols de Van Gogh, à la National Gallery de Londres.

Mais quelque part entre les deux, des œuvres ont le potentiel de réconcilier le public avec la question climatique.

C’est le pari qu’a fait la chorégraphe et danseuse Rhodnie Désir avec son nouveau spectacle documentaire présenté la semaine dernière à l’Agora de la danse, MWON'D, qui aborde en lenteur l’accélération des changements climatiques. Pour y arriver, elle a rencontré une panoplie de spécialistes de l’environnement et du climat. 

Le spectacle documentaire «MWON'D», de Rhodnie Désir, aborde en lenteur l’accélération des changements climatiques
Le spectacle documentaire «MWON'D», de Rhodnie Désir, aborde en lenteur l’accélération des changements climatiques Photo Kevin Calixte

«J’aurais pu faire un spectacle qui aurait encore plus traumatisé les gens, mais je crois qu’on a de la difficulté à entendre quand ça crie "urgence" de partout, explique-t-elle. Mon œuvre est l’une des plus lentes que j’ai créées: j’ai voulu décélérer l’urgence climatique pour que l’assistance puisse mieux la voir et l’analyser.» 

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Pour Virginie Francoeur, la collaboration entre artistes et scientifiques est une «excellente manière» de vulgariser le savoir, parfois brutal. «Ça permet aussi aux scientifiques de comprendre comment le public perçoit leurs recherches», ajoute-t-elle. 

Toucher pour mobiliser

La sculpture de Mark Coreth est troublante, mais demeure esthétique. Les yeux ont envie d’y revenir, ce qui est peut-être moins le cas un article où le GIEC prévient qu’il ne nous reste que trois ans pour sauver la planète.

«Se faire raconter des histoires, qu’elles soient visuelles, écrites ou en mouvement, ça touche plus que de se faire lancer des statistiques», croit quant à elle Élise Guerrero, militante environnementale qui s’intéresse au lien entre l’art et l’activisme climatique. 

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«Je ne me sens pas très proche de 80%, mais je suis touchée par une œuvre qui représente un enjeu climatique. Dans les cercles militants que je fréquente, on prend de plus en plus conscience que l’art permet d’engendrer des changements importants dans les comportements, que ce n’est pas juste frivole», poursuit la jeune activiste.

Virginie Francoeur est aussi de cet avis. «Le discours environnemental mise beaucoup sur la logique, les faits, les données, mais il faut aussi aborder cet enjeu avec l’émotion, dit-elle. C’est en stimulant plusieurs sens qu’on observe un changement durable de comportements.» 

«Dans mon enseignement, je remarque une meilleure intégration des concepts lorsque j’utilise l’art, en lisant un poème qui implique une notion du cours», illustre-t-elle.

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