Le pape avait mon numéro de téléphone!


Guy Fournier
Je n’ai pas connu personnellement le pape François, mais il avait mon numéro de téléphone!
Je vous raconte cette folle histoire. En juillet 2015, le pape François voulait rencontrer Mgr Jacques Gaillot. Cet ex-évêque d’Évreux, en France, fut évincé de son évêché en 1995 par le cardinal Jean-Marie Lustiger, qui le trouvait trop rebelle. Décédé il y a deux ans ce mois-ci, Mgr Gaillot, un ami personnel de longue date, devait avoir des dons très particuliers, puisque mon mariage avec Maryse, qu’il a célébré en 1999, tient toujours!
Chaque année, Mgr Gaillot venait profiter de l’été durant quelques jours à notre maison de campagne de Saint-Paul-d’Abbotsford. Je l’emmenais toujours manger à Bromont, un village qu’il adorait. En juillet 2015, nous venions de nous mettre à table à une terrasse lorsqu’il me souffla à l’oreille que le pape François lui avait laissé un message téléphonique. Mgr Gaillot le rappela, laissant un message à son tour, car on ne rejoint pas Sa Sainteté aussi facilement. «Ça ne t’ennuie pas que je lui aie laissé ton nom et ton numéro de téléphone?» me demande-t-il. Je fis signe que non en m’efforçant de ne pas m’esclaffer.
LAURENT GERRA OU TEX LECOR?
J’étais sûr qu’il s’agissait d’une de ces «attrapes téléphoniques» rendues célèbres en France par l’humoriste Laurent Gerra et au Québec par le regretté Tex Lecor. À son retour à Paris, Mgr Gaillot me téléphone, surexcité. Le pape l’avait finalement rejoint, et il avait rendez-vous avec lui le 1er septembre. Ce n’était donc pas une attrape!
Tout de même intimidé, Mgr Gaillot se fit accompagner à Rome par un ami, l’abbé Daniel Duigou, curé de Saint-Merry, à Paris. Je vous raconte tout de suite cette rencontre, qui en dit long sur la bonhomie et la liberté de ce pape qui vient de nous quitter.
Dès le début de l’audience (elle dura plus d’une heure), le pape s’installa à califourchon sur une chaise droite, les deux coudes appuyés sur le dossier, afin de laisser les seuls fauteuils de la pièce à ses invités. À la fin, le pape leur dit qu’il faudrait immortaliser le moment par une photo. Mgr Gaillot et le curé de Saint-Merry sont pris de court. «Vous n’avez pas de téléphone?» demande le pape. Comme ils font signe que non, il sort un iPhone de sa soutane blanche et le tend au curé de Saint-Merry. C’est cette photo que je retrouvai en page 3 du quotidien Le Figaro quelques jours après.
DES PROPOS LITIGIEUX
Je m’empressai de téléphoner à Jacques pour savoir de quoi il avait discuté avec le pape. «Qu’il fallait que l’Église accueille les divorcés et les homosexuels, qu’elle ordonne des femmes, qu’elle se départisse de ses richesses pour secourir les miséreux et les migrants!» me dit-il, assez content de lui.
Quelques semaines plus tard, le pape François, s’adressant aux journalistes, reprit les mêmes sujets, en spécifiant qu’il s’agissait de sujets discutés avec un évêque français. Il ne précisa pas le nom de cet évêque, afin de ne pas indisposer la hiérarchie française. C’est fier comme un paon que Mgr Gaillot m’envoya par internet l’article du Figaro rapportant ces propos, ajoutant que l’Église perdrait à son décès un pape incroyablement ouvert au changement.
Le pape François avait mon numéro de téléphone. Hélas! n’ayant pas le sien, je ne pouvais l’appeler pour lui faire part de mon admiration!