Il y aura plus de nickel dans l’air: pour quelles raisons et à quel prix pour la santé?
Anne-Sophie Poiré
Malgré l’opposition citoyenne et les nombreuses critiques de la communauté scientifique, le gouvernement de la CAQ va de l’avant avec son règlement visant à assouplir la norme sur le nickel dans l’air. À compter du 28 avril, le seuil de tolérance sera cinq fois supérieur à ce qu’il est actuellement au Québec.
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La nouvelle norme de nickel dans l’air passera à 70 nanogrammes par mètre cube (ng/m3) par jour, ainsi qu’à 20 ng/m3 en moyenne par année, a annoncé mardi le ministère de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques par voie de communiqué.
La limite actuelle est de 14 ng/m3 en tout temps.
L’annonce a provoqué une levée de boucliers des partis de l’opposition, qui remettent en question la crédibilité du ministre de l’Environnement, Benoit Charrette.
«On a un ministre de l'Environnement qui hausse les seuils de nickel dans l'air, qui autorise le rejet de résidus miniers dans des lacs, qui dit qu'il n'a pas besoin du BAPE pour le 3e lien, qui croit que le tunnel caquiste va réduire l'étalement urbain», a fait valoir la libérale Isabelle Melançon.
Selon le ministère, cette décision permettra au Québec de s’ajuster aux normes en vigueur ailleurs au Canada, notamment en Ontario, ainsi qu’en Europe.
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Qu’est-ce que le nickel?
Le nickel est un métal blanc argenté très résistant à la corrosion et à diverses températures.
Il entre dans la composition de nombreux alliages servant à fabriquer des centaines de milliers de produits: grille-pain, moteurs d’avion, pièces de monnaie, bijoux ou batteries de voitures électriques.
Au Canada, les deux tiers du nickel consommé sont utilisés pour la fabrication d’acier inoxydable.
Pourquoi augmenter la norme?
Pour le gouvernement Legault, le nickel est «une composante clé pour l’électrification des transports», et pour sa stratégie de développement d’une filière complète de fabrication de batteries pour les véhicules électriques au Québec.
Rappelons qu’en 2035, la vente de voitures neuves à essence sera interdite au pays.
La volonté d’assouplir cette norme est également encouragée par les compagnies minières, comme Glencore, qui possède des installations dans le port de Québec.
Les arguments de la CAQ sont essentiellement économiques, donc.
Quels sont les enjeux?
Depuis plusieurs semaines, le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, plaide que la nouvelle norme est appuyée par des données et des études scientifiques, en plus d'avoir reçu le feu vert de la Santé publique du Québec.
Le comité d’examen a même conclu qu’il était «avantageux et sécuritaire» d’augmenter le taux de particules de nickel dans l’air.
Pourtant, les opposants à cette décision sont nombreux.
Elle a été vivement critiquée par les 18 directions régionales de santé publique du Québec, l’Association québécoise des médecins pour l’environnement (AQME), l’Ordre des chimistes, le maire de Québec Bruno Marchand ainsi que des citoyens de Limoilou et d’ailleurs.
Sept fois plus de particules à Québec
Les citoyens de Québec respirent déjà sept fois plus de particules de nickel qu'ailleurs au pays, selon l’Initiative citoyenne de vigilance du Port de Québec, où s’opère le transbordement du métal.
Le quartier Limoilou est le secteur de la province le plus affecté par la poussière de nickel. La vaste majorité des dépassements de norme y ont été constatés.
Des résidents se disent ainsi très inquiets pour la santé de leurs enfants.
Quelles sont les conséquences sur la santé humaine?
«La norme annuelle proposée de 20 ng/m3 s'inspire de normes existantes [en Europe], mais dans des environnements où la composition de l’air diffère de celle retrouvée dans la Capitale nationale», dénonce l’AQME.
Contrairement à l’Europe, où le sulfate de nickel prédomine, les particules retrouvées dans la région de Québec proviennent plutôt du sulfure de nickel, qui a des effets cancérigènes plus que respiratoires.
Pour cette substance, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande une norme beaucoup plus basse à 3 ng/m3.
Au cours des 15 dernières années, des effets pathologiques ont été rapportés à des concentrations de plus en plus faibles de polluants atmosphériques, toujours selon l’AQME.
Ils peuvent causer le cancer du poumon, des maladies respiratoires comme l’asthme ainsi que des maladies cardiovasculaires. Des études récentes ont également associé la pollution de l’air à la démence chez l’adulte, à des retards cognitifs et à l’autisme chez l’enfant.
− Avec les informations de Nicolas Lachance