Kiev se prépare à «accueillir» les Russes, début des négociations: les derniers développements
AFP
Des délégations russe et ukrainienne ont entamé lundi des pourparlers pour tenter de stopper la guerre en Ukraine, au cinquième jour d’une invasion russe qui a déjà poussé plus de 500 000 Ukrainiens à fuir leur pays. Ce qu'il faut savoir des derniers développements.
Texte mis à jour lundi à 11 h, heure de Montréal.
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Kiev se prépare à «accueillir» les Russes
Sur le bord des routes de Kiev, les panneaux publicitaires font désormais calmement défiler, sous un soleil étincelant, le même message en russe: «Soldats russes, allez vous faire foutre!»
Depuis leurs tranchées et barricades érigées en quelques jours, les habitants de la capitale ukrainienne assuraient lundi être prêts à «donner la leçon» de leur vie à l’ennemi.
Une vieille Lada, deux bennes à ordure, une vieille armoire: dans une autre rue, les habitants ont pris tout ce qui leur tombait sous la main pour ériger des barricades de fortune, espérant freiner la progression des chars russes.
«Nous les accueillerons avec des cocktails Molotov et des balles dans la tête, c’est comme ça que nous les accueillerons», assure sous l’un de ces panneaux Viktor Rudnichenko, employé de banque.
«Les seules fleurs qu’ils recevront de nous seront pour leur tombe», ajoute le trentenaire, sorti pour un ravitaillement, alors que le couvre-feu a été levé lundi matin.
Ce court répit, à la faveur de négociations en cours entre les deux pays à la frontière bélarusse, laisse une fenêtre de tir aux habitants de Kiev, passé le choc des premières offensives sur leur ville, pour organiser leur défense.
La capitale a acquis en seulement quatre jours des réflexes de zone de guerre.
«Cessez le feu immédiat»
Ces premières négociations interviennent alors que les forces de Vladimir Poutine rencontrent une vive résistance de l’armée ukrainienne, et que les sanctions d’une ampleur inédite adoptées par les Occidentaux ébranlent l’économie russe.
Selon la présidence ukrainienne, Kiev va demander lors des discussions, organisées dans une résidence du président bélarusse Alexandre Loukachenko, à la frontière ukraino-bélarusse, «un cessez le feu immédiat et le retrait des troupes (russes) du territoire ukrainien».
Le président Zelensky, qui ne participe pas aux négociations et dont la délégation est conduite par le ministre de la Défense Oleksiï Reznikov, a appelé depuis Kiev les soldats russes à «déposer les armes».
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Il a également demandé à l’UE une intégration «sans délai de l’Ukraine. «Je suis sûr que c’est juste. Je suis sûr que c’est possible», a-t-il lancé.
Le processus d’intégration d’un nouveau pays à l’UE prend habituellement des années. Le président du Conseil européen Charles Michel a souligné qu’il y avait «différentes opinions» sur ce sujet qui nécessite l’unanimité.
«Dénazification» de l'Ukraine
Le président russe Vladimir Poutine a pour sa part déclaré lundi à son homologue français Emmanuel Macron exiger la reconnaissance de la Crimée comme territoire russe, la «dénazification» du gouvernement ukrainien et un «statut neutre» de Kiev, comme préalable à la fin de l’invasion de l’Ukraine.
M. Poutine a demandé «la reconnaissance de la souveraineté russe sur la Crimée, l’aboutissement de la démilitarisation et de la dénazification de l’État ukrainien et la garantie de son statut neutre» en préalable à tout règlement, a déclaré le Kremlin dans un communiqué, après un entretien téléphonique entre les deux chefs d’État.
Emmanuel Macron et Vladimir Poutine ont échangé pendant 1H30. Le président français a demand l’arrêt des frappes contre les civils et la sécurisation des axes routiers en Ukraine, des points sur lesquels le président russe «a confirmé sa volonté de s’engager», a annoncé l’Élysée.
Il a appelé M. Poutine «à la demande» de son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky, avec lequel il s’est entretenu «à plusieurs reprises ces dernières heures», a ajouté la présidence.
Au cours de l’entretien avec son homologue russe, Emmanuel Macron «a réitéré la demande de la communauté internationale de cesser l’offensive russe contre l’Ukraine et réaffirmé la nécessité de mettre en oeuvre un cessez-le-feu immédiat», selon le communiqué de l’Élysée, au cinquième jour de l’offensive déclenchée par l’armée russe.
Au moins 102 civils tués
Le bilan du conflit jusqu’ici reste incertain. L’Ukraine a fait état lundi de 352 personnes tuées, dont 16 enfants, depuis jeudi et de plus de 2000 personnes blessées.
L’ONU a elle indiqué lundi avoir enregistré 102 civils tués, dont 7 enfants, et 304 blessés, mais a averti que les chiffres réels «sont considérablement» plus élevés.
État spécial d'alerte
Si la Russie a reconnu pour la première fois dimanche des pertes humaines, sans les chiffrer, elle a aussi affirmé lundi avoir établi sa «suprématie aérienne» sur toute l’Ukraine.
Vladimir Poutine a lui franchi un nouveau cap dans la menace d’élargir le conflit, affirmant dimanche avoir mis ses forces nucléaires en «état spécial d’alerte», face aux «déclarations belliqueuses de l’OTAN» et aux sanctions «illégitimes» imposées à la Russie.
Les États-Unis ont dénoncé une escalade «inacceptable», le secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenberg fustigeant lui une attitude «irresponsable» de Moscou.
Face aux sanctions, Poutine annonce des mesures drastiques
Vladimir Poutine a fustigé lundi les brutales sanctions infligées par «l’empire du mensonge» occidental en réaction à l’invasion de l’Ukraine et annoncé des mesures drastiques pour soutenir le rouble, en pleine dégringolade.
Les résidents en Russie ne pourront désormais plus transférer de devises à l’étranger, a annoncé le Kremlin dans un décret en fin de journée lundi, après que la monnaie russe avait atteint plus tôt des plus bas historiques face au dollar et à l’euro.
Par ailleurs, les exportateurs russes sont également sommés dès lundi de convertir en roubles 80% de leurs recettes en devises étrangères engrangées depuis le 1er janvier et de continuer de maintenir un ratio de 80% de leurs avoirs monétaires en roubles à l’avenir.
La devise russe s’est effondrée dès le début des cotations lundi avant de regagner un peu de terrain dans l’après-midi. Elle a clos la séance à 94,6 roubles pour un dollar contre 83,5 au précédent taux officiel mercredi.
Pour défendre l’économie et la devise, la Banque centrale de Russie a plus que doublé son taux directeur, de 9,5 à 20% lundi matin. La Bourse de Moscou n’a quant à elle même pas ouvert, face au risque d’effondrement.
Soutien militaire européen inédit
Si les pays européens sont pour la plupart membres de l’Alliance atlantique, qui a annoncé qu’elle n’enverrait pas de troupes en Ukraine, ils ont annoncé dimanche des mesures inédites de soutien militaire à Kiev: déblocage de 450 millions d’euros pour financer des livraisons d’armes et envoi d’avions de combat à Kiev.
Ils ont aussi banni les médias d’État russes RT et Sputnik. Moscou n’a pas annoncé dans l’immédiat de représailles visant les médias occidentaux.
La Maison-Blanche a annoncé que le président Joe Biden s’entretiendrait à nouveau avec ses alliés lundi, dont le Canada, pour «coordonner» une «réponse unie» face à l’attaque russe.
Réfugiés toujours plus nombreux
Le flot de réfugiés fuyant l’Ukraine ne cesse de grossir.
Depuis jeudi, plus de 500 000 réfugiés ont fui vers les pays voisins, a indiqué lundi le Haut-Commissaire de l’ONU pour les réfugiés. L’UE a dit s’attendre à plus de sept millions de personnes déplacées.
Une majorité se rend en Pologne, où une importante communauté ukrainienne était déjà installée avant le conflit. Mais Roumanie, Slovaquie, et Hongrie, pays tous membres de l’OTAN, sont aussi concernés.
Connu pour ses positions anti-migrants, le premier ministre hongrois Viktor Orban a assoupli les restrictions aux demandes d’asile, et les Hongrois ont accouru à la frontière avec l’Ukraine pour proposer bols de goulash, offres d’hébergement et réconfort.
Les 193 membres de l’Assemblée générale des Nations unies devaient se réunir lundi en «session extraordinaire d’urgence» pour se prononcer sur le conflit.