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L'article provient de TVA Nouvelles

Plan d’action du Village: à quand un changement de cap?

Photo courtoisie, André Gagnon
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André Gagnon, Éditeur, Guides GQ

2023-07-01T04:00:00Z
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Alors que plusieurs commerçants du quartier lançaient un cri d’alarme, la mairesse de Montréal présentait jeudi dernier le plan d’action pour le Village de l’arrondissement Ville-Marie.  

Après avoir écouté la mairesse et pris connaissance des recommandations, je dois dire en toute honnêteté que le résultat est très décevant. Quelques mois après que l’ombudsman de la Ville ait reproché aux élus de continuer avec la même approche qu’ils savent inefficace pour faire face à l’itinérance, je me serais attendu à ce qu’on nous propose un changement de cap et non plus de mesures de mitigation. Quelques mois après la mission de l’UMQ en Finlande dirigée par le maire Bruno Marchand, qui lui refuse de voir l’itinérance comme une fatalité, je me serais attendu à ce que la mairesse ait autre chose à nous dire que d’apprendre à vivre avec et de présenter l’itinérance comme normale en raison de la proximité du centre-ville.  

Je dois aussi dire que le portrait de la situation témoigne d’une hypocrisie sociale. Présenter les problématiques sociales lourdes pelletées depuis des décennies dans ce quartier comme les ‘’problématiques sociales du Village’’, c’est présenter la situation comme si elles émanaient du Village, alors qu’elles l’affectent en raison de mesures prises par les administrations municipales successives.  

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Pour avoir vu passer depuis plus d’un quart de siècle comme éditeur tous les projets de revitalisation des micro-quartiers de l’arrondissement et les interventions de la Ville pour faire face aux problématiques sociales de la rue, il est clair dans mon esprit que leur accroissement dans le Village est directement lié au tassement vers l’est de toutes les marges de la rue avec la revitalisation du Faubourg St-Laurent, puis du Quartier des Spectacles.  

Solutions échouées 

Plusieurs chercheurs ont documenté ce processus. La répression policière a été utilisée consciemment par les autorités de l’époque pour « nettoyer » l’ancien Red Light. Je me souviens trop bien des interventions policières à Émilie-Gamelin à la fin des années 1990 pour expulser les jeunes de la rue qu’on refoulait vers le Village. Ils avaient alors élu domicile au parc du métro Beaudry et au Parc Campbell.  

Je me souviens aussi du projet dément de déjudiciarisation de la prostitution de rue proposé par la Ville en 1999-2000 pour débarrasser les autres quartiers du phénomène en la concentrant dans le Centre-Sud. La Ville avait dû reculer face à la levée de boucliers de la population, mais elle est restée sourde à la préoccupation citoyenne de voir peu à peu s’installer dans le quartier une grande concentration de ressources pour les « clientèles de la rue ».  

Ça ne prend pas la tête à Papineau pour comprendre que si on installe autour du Village des ressources pour toutes les clientèles de la rue, y compris 2 sites d’injection supervisée, qu’on prépare une joyeuse tempête. Mais quand on a des grands projets de revitalisation de centaines de millions $, on trouve tout à fait normal de tasser ces gens plus à l’est et on se dit que les gais sont tolérants, marginaux et que le Village, ce n’est pas un quartier pour les familles. Alors ça pose moins de problème d’y tasser ces problématiques. 

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Discrimination systémique 

Notre communauté connait bien ces opérations de « nettoyage » menée par les administrations municipales au fil des décennies. C’est précisément la répression qui a précédé les Jeux Olympiques qui a amené les établissements gais à migrer vers ce qui est aujourd’hui le Village. Quand la mairesse parle des luttes menées par nos communautés, il est certes embarrassant de rappeler que c’est souvent contre l’administration municipale et son service de police qu’elles ont été menées.  

Comme la Ville reconnaît l’existence de discriminations systémiques, qu’elle se questionne sur sa propension à demander à nos communautés de vivre avec ce qui serait intolérable dans d’autres quartiers. Au-delà des déclarations d’amour de nos élus pour le Village, on ne peut que constater qu’il est le dernier pôle de l’arrondissement à attendre un projet de revitalisation. 

Depuis des décennies, autant les organismes communautaires que les chercheurs demandent qu’on ne se contente plus d’ouvrir des refuges ou des centres de jour, d’équipes de travailleurs de rue, mais qu’on offre du logement supervisé à ceux qui souhaitent sortir de la rue. Pour pouvoir intervenir efficacement, il faut stabiliser les personnes et créer les conditions pour un suivi. Ceci passe inévitablement par offrir un toit. L’expérience de la Finlande qu’est allée étudier le maire Marchand cet hiver est à cet égard probant. 

Plus de 60 ans après la Révolution tranquille, il serait plus que temps que nos gouvernements cessent de compter sur la charité chrétienne et des organismes communautaires pour prendre en charge ces problématiques sociales. Il est pathétique qu’on compte encore sur ces ressources qui malgré toute leur bonne volonté sont insuffisantes et surtout pas équipées pour un suivi psychosocial sur des années.  

Plusieurs diront qu’un tel changement de cap prendra des années avant de produire des effets et qu’il faut des résultats à court terme. Cet argument, je l’entends depuis au moins 25 ans. Et d’actions à court terme en mesures de mitigation, voilà où nous sommes rendus. Peut-être en serait-il autrement si nous avions changé de cap il y a 25 ans. 

André Gagnon, Éditeur, Guides GQ

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