Pierre-Paul Alain revient sur sa période sombre
Sabin Desmeules
Cela fait 25 ans qu'il est acteur. Depuis qu'il est revenu d'une période de noirceur, Pierre-Paul Alain enchaîne les personnages intenses, qui viennent davantage nous chercher. Les épreuves ont nourri son métier. Rien que pour ça, il remercie la vie.
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Quand on lui a parlé, il se trouvait à Québec, près des siens, fraîchement revenu d’une semaine passée dans le Sud pour prendre du soleil et du bon temps. «Chaque année, je fais ça avec six chums d’enfance, pour rester proches.» Comme ses amis, sa sœur et son père sont à Québec, il a atterri dans la capitale provinciale et s’y est installé un moment avant de retourner chez lui, sur la rive sud de Montréal. «Je vis là depuis presque deux ans parce que faire des allers-retours constants Québec-Montréal pour le travail, ça ne se pouvait pas.» Il avait toujours vécu à Québec auparavant, même durant le premier chapitre de sa carrière. «Je me disais toujours qu’à un moment donné, j’allais acheter quelque chose à Montréal. Sauf que c’était très dispendieux. Mais là, j’ai eu une opportunité avec ma marraine, qui me loue son condo meublé sur la Rive-Sud.» Il vit seul. Son cœur et sa porte sont cependant entrouverts pour accueillir l’amour. «Pour l’instant, je n’ai personne parce que j’avais besoin de me rebâtir, mais je pourrais tranquillement laisser la place à quelqu’un.»
Il nous a, récemment encore, fait vivre de grandes émotions au petit écran. Cela à travers le personnage de Shawn Godin, un ex-soldat revenu d’une mission en Afghanistan avec un choc post-traumatique, au cœur d’une cause dans Indéfendable. Pierre-Paul est un gars sympathique, souriant. Pourtant, dernièrement, ce sont des rôles sombres qu’il a eu à interpréter. «J’ai traversé quelques années assez difficiles. Mon bagage personnel me permet d’aller dans des côtés sombres, admet-il. Et je fais beaucoup de recherches aussi... Parce qu’on peut “jouer” un personnage et on peut ''l'incarner''. Pour moi, si tu ne crois pas quand tu essaies de jouer ton personnage, personne ne va y croire. Alors j'essaie de puiser dans certaines expériences et de les transformer à travers un personnage.»
DES AMIS L'ONT AIDÉ POUR SON RÔLE
Afin de mieux interpréter Shawn, il s'est entretenu avec des amis qui ont servi dans l'armée et sont allés en mission, l'un en Bosnie, l'autre en Afghanistan. «Celui qui est allé en Bosnie, à son retour, l'armée lui envoyait quelqu'un pour tondre son gazon parce qu'il n'était pas capable de sortir de son sous-sol.»
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AUCUN REGRET
Il sera aussi de la distribution de la quatrième saison d'Alertes, dès le 5 février. Il incarnera le personnage de Pat Lamarre, un chef conspirationniste. «Pat Lamarre est définitivement un personnage assez éclaté et qui n'est peut-être pas très lumineux, même plutôt sombre», nous explique-t-il. En 2023, on l'a vu dans plusieurs séries. Son rôle de méchant garçon dans le film Arsenault & Fils, réalisé par Rafaël Ouellet, l'a ramené vers le métier d'acteur.
L'homme de 35 ans compte 25 ans de carrière. Il a vécu une jeunesse sous l'oeil du public. Dès l'âge de neuf ans, Pierre-Paul a commencé à passer des auditions. Il a obtenu le rôle de Steven dans Bob Gratton: ma vie, my life, à l'âge de 16 ans, et depuis, il a enchaîné les rôles. Il a notamment joué dans la populaire série annuelle Destinées. Vit-il bien avec le fait d'avoir passé ses jeunes années dans la sphère publique ou croit-il avoir commencé trop tôt? «Je ne referais rien de différent. Je ne suis pas quelqu'un qui aime la routine, avoir son histoire écrite de A à Z, savoir où je serai rendu à 65 ans, note le comédien. J'ai une vie qui a eu des hauts très, très hauts... et des bas très, très bas! Mais c'est une vie intense et c'est ce que j'aime, insiste-t-il. Durant la pandémie, j'ai réussi à me trouver un autre travail en production de vaccins chez GSK (une compagnie bio-pharmaceutique) et je me suis valorisé là-dedans pendant deux ans. Je l'ai fait même après avoir tourné Arsenault & FIls. J'étais chef d'équipe. On m'a formé: j'ai fait une formation en sciences, en immunologie, en virologie et en microbiologie. J'ai appris autre chose.» Cela l'a nourri comme acteur et dans la vie. «Est-ce que j'avais prévu que, durant cinq ans, je ne jouerais plus? Bien sûr que non! Mais c'est du passé et maintenant je souhaite juste continuer à obtenir des rôles.»
DUREMENT ÉPROUVÉ
Au cours du premier chapitre de sa vie, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes pour ce comédien de Québec. Mais, à mesure que la vingtaine laissait peu à peu place à la trentaine, il a amorcé une longue traversée de tunnel. Non seulement c'en était fait de Destinées, une aventure qui avait duré sept ans, mais il apprenait que sa soeur était atteinte du cancer. Puis son père a lui aussi été frappé par ce terrible mal. Heureusement, tous deux s'en sont sortis. Cependant, plus tard, on a diagnostiqué à sa maman une maladie dégénérative grave appelée atrophie multisystématisée, un mal de la famille du Parkinson. Quelques mois après cette nouvelle, le papa de Pierre-Paul a reçu un diagnostic d'alzheimer. Il réside actuellement dans un centre de soins. La mère de l'acteur est décédée en février 2019. Par la force des choses, le jeune homme est devenu proche aidant.
«Comme mon père a l'alzheimer, ma soeur et moi sommes encore impliqués. Du fait qu'il est moins conscient de ce qui se passe pour lui et qu'il est heureux dans son présent s'il a tout ce qu'il faut, j'ai moins tendance à me mettre dans ses souliers... C'est plus facile que de voir quelqu'un qui est pris dans son corps et qui est conscient de ce qui se passe. Ça, c'est difficile, parce qu'on se met à sa place et c'est horrible!»
SA MÈRE, SON ANGE
De sa maman, il garde de belles leçons de vie. «La philosophie de ma mère, c'était: ''Vas-y, fonce! Que ce soit bon ou pas, tu vas apprendre de ça. Tu te revireras de bord.'' Ça m'a servi. Je me suis retrouvé sans rien, à vivre dans le sous-sol d'un ami, sans argent, plus de tournages, des parents malades... Je n'avais rien et j'ai réussi à m'en sortir.»
La mère de Pierre-Paul a joué un rôle important dans sa carrière: elle l'a si souvent accompagné à des auditions et à des tournages! «Elle détestait conduire et elle demandait à son frère, Alain Bélanger, qu'elle appelait Ti-Loup, de nous conduire.» Il se souviendra toujours de ces années charnières où il a appris la vie. «On n'était pas d'un milieu riche. Ma mère travaillait pour le gouvernement, mon père vait un petit magasin de chasse et pêche et n'avait pas d'employé, il travaillait sept jours sur sept. Il ne pouvait pas se déplacer avec moi de Québec à Montréal, alors ma mère payait une partie de la journée de mon oncle et il conduisait pour m'amener aux auditions.»
C'est le karaté qui a mené Pierre-Paul au jeu. «À neuf ans, j'étais une des plus jeunes ceintures noires de karaté à Québec, et Radio-Canada avait fait une entrevue en direct avec Bruno Pelletier, qui était aussi ceinture noire, et moi. J'ai fait un kata de karaté en direct.» Ça lui a donné la piqûre de jouer à la télé. «Ma mère, qui ne venait pas de ce milieu-là, a eu confiance en moi. Elle a dit: ''C'est ça qu'il veut faire, c'est ça qu'il aime, je vais l'aider!'' Je lui dois tout. Et ç'a été la moindre des choses, pour moi, de lui donner le temps qu'il fallait et d'être là pour elle à la fin de sa vie.»
Le Pierre-Paul Alain d'aujourd'hui est différent. «Le fait d'avoir eu ce vécu, ces épreuves, ça m'a donné des acquis dont je peux aujourd'hui me servir pour mon travail. Ça m'a apporté une force, une sagesse et une maturité.» Sa maman restera à jamais son ange gardien. «Il y a beaucoup de choses qui se sont placées de façon un peu étrange quand ma mère est partie.»
On peut voir Pierre-Paul Alain dans À cœur battant, à Radio-Canada, les mardis 20 h, et à partir du 5 février, il fera partie de la distribution de la quatrième saison d'Alertes, diffusée à TVA les lundis à 21h.