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Culture

Pierre Lapointe se confie sur les périodes sombres de son enfance

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Nathalie Simard

2023-12-20T12:00:00Z
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C’est avec beaucoup de nervosité, mais aussi d’excitation que j’ai mené ma première entrevue artistique pour le magazine! Qui de mieux pour casser la glace que mon ami Pierre Lapointe? Heureusement, c’est avec générosité qu’il s’est livré à moi, évoquant son parcours, sa famille, mais aussi — parce que la période de l’année l’impose — ses souvenirs de Noël au Lac-Saint-Jean.

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D’abord, Pierre, toi et moi, on a eu une véritable connexion sur le plateau d’En direct de l’univers. Je savais que je venais de cliquer avec une âme particulière. Puis j’ai découvert qu’on partageait aussi un amour pour Noël. À quoi ressemblaient les Noëls de ton enfance?

Mes parents sont natifs du Lac-Saint-Jean. Des Lapointe et des Tremblay: de vrais Bleuets! Dès que l’école finissait le 21 décembre, on montait au Lac et on revenait la veille du retour en classe. On a fait ça jusqu’à mes 12 ans. C’était toujours des gros partys avec plein de cousins. Mes plus beaux souvenirs, ce sont ces soirées qui ne finissaient jamais où l’on jouait dehors, même très tard.

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Photo : / SEBASTIEN SAUVAGE
Photo : / SEBASTIEN SAUVAGE

Quel rapport as-tu avec ta famille?

Quand on y pense, la famille, ce sont des gens qu’on n’a pas choisis, mais en même temps, c’est la première microsociété dans laquelle on évolue. La majorité du temps, on est avec des gens qui ne nous ressemblent pas, mais avec qui on a un lien inébranlable. Ce qu’il y a de beau dans la famille, c’est que, même si parfois elle nous fâche ou nous gêne, on a toujours le goût d’y retourner. C’est notre ancrage.

Avec Chansons hivernales, on plonge vraiment dans ton univers. Ta voix nous touche droit au coeur. Comment réussistu à transpercer nos âmes de la sorte?

Je n’ai pas le coffre d’un musicien et j’ai toujours éprouvé un certain complexe quand venait le temps de faire des spectacles intimistes. Une fois que j’ai réussi à surmonter ma peur de jouer du piano en solo, j’ai travaillé mon interprétation. Que ce soit en changeant le souffle de place ou en le minimisant, j’en suis venu à dépouiller mes chansons au maximum, et je pense que c’est ainsi que j’arrive à toucher les gens.

D’où te vient cet amour pour la musique?

J’ai toujours eu de la musique dans ma tête! Un jour, j’ai ressenti le besoin de sortir ces mélodies, puis j’ai eu une fixation sur le violon. Mes parents m’en ont acheté un, et j’ai suivi des cours. C’était une technique japonaise qui consistait à apprendre avec des chiffres. Comme je suis dyslexique, c’était difficile pour moi d’apprendre à lire la musique. Après, j’ai suivi des cours de piano classique pour le Conservatoire. Ma prof m’avait donné une pièce à apprendre en début d’année et, à l’examen, la directrice du Conservatoire m’a attribué 97 %. Elle était subjuguée! Elle m’a remis une autre partition et m’a demandé de faire une lecture à nu, mais j’étais incapable de la lire. Elle a demandé à ma prof comment elle réussissait à m’enseigner... Et elle a répondu: «Il fait une seule pièce par année, mais elle est parfaite!»

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Tu étais musicien, mais à ta façon!

Exact. Mon cerveau fonctionne autrement. Quand j’ai annoncé que je lâchais la musique pour aller en théâtre, ma prof m’a dit: «Je n’ai jamais eu un étudiant qui était autant musicien que toi. Peu importe la voie que tu prendras, la musique va toujours venir te rechercher par le collet.» J’ai été accepté à l’École de théâtre de Saint-Hyacinthe, et il était clair pour moi que je serais acteur. Mais j’étais beaucoup trop créatif. Comme étudiant, j’essayais plein de choses au-delà de ce qu’on me demandait. C’est à cette époque que j’ai écrit ma première chanson. Les enseignants m’ont entendu chanter et ils m’ont forcé à quitter l’école. Après deux sessions, ils m’ont dit: «Tu peux devenir acteur, mais on t’a entendu chanter et on croit que si tu restes ici, tu vas perdre de précieuses années.» Deux ans plus tard, je signais mon premier contrat avec Audiogram, et ma carrière prenait son envol.

Patrick Seguin / TVA Publication
Patrick Seguin / TVA Publication

Tes chansons sont souvent tristes, mais en spectacle, tu es très drôle. Comment expliques-tu cela?

Je n’ai pas le choix, sinon mon quotidien serait trop lourd. Même dans les moments où je n’allais pas bien, comme pendant mes peines d’amour, c’était la période où, avec mes amis, j’étais le plus drôle. J’ai vite compris en spectacle que quand les gens rient, ils s’ouvrent; je peux prendre ma chanson et la planter direct dans leur coeur. J’ai toujours eu beaucoup d’humour, malgré une grande tristesse qui m’habitait. Celle de vivre avec un secret. Dès mon enfance, je savais que j’étais gai et que ce secret faisait de moi quelqu’un de différent. Le fait d’avoir cette conscience-là si tôt a fait de moi un être très mélancolique. Durant les fêtes, c’était pire. C’est très confrontant d’être dans un monde dans lequel tu ne peux pas tout dire. En même temps, je me suis créé un monde intérieur magnifique qui m’a été très utile pour passer à travers l’enfance.

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Que veux-tu dire?

Je n’étais pas très bon à l’école. J’étais persuadé d’avoir un problème d’apprentissage. Pendant des années, j’ai pensé que j’étais stupide. La musique m’a beaucoup aidé. Quand j’ai eu mon premier piano, j’ai passé des heures à jouer les mêmes notes. Je ne savais pas encore jouer et, pourtant, la résonance du piano me réparait petit à petit. Ç’a été la même chose pour le dessin. Je dessine énormément. 

Te souviens-tu du moment où le vrai Pierre est sorti?

Quand j’ai fait entendre mes chansons à l’École de théâtre, j’ai réalisé que ce n’était pas moi qui n’étais pas brillant. J’avais seulement grandi dans un contexte qui n’avait rien à voir avec la façon dont je suis construit. J’ai décidé que j’abattrais chaque mur qui se dresserait sur mon chemin. Quand j’ai eu 18 ans, ç’a été un moment charnière. J’ai choisi de suivre ma voie. Tranquillement, le regard que j’avais sur moi de l’intérieur et celui de l’extérieur n’ont fait qu’un. 

Avec les textes magnifiques que tu écris, plusieurs doivent être surpris d’apprendre que tu es dyslexique...

Les gens pensent à tort que j’ai une culture littéraire hallucinante. Pourtant, j’ai dû lire deux livres dans ma vie! En revanche, je suis très auditif. J’ai vu beaucoup de théâtre. À 12 ans, j’utilisais mon argent de poche pour aller voir des shows de danse et d’opéra au CNA, à Ottawa. C’est là que j’ai puisé ma culture littéraire et ma poésie. 

Photo : SEBASTIEN SAUVAGE / TVA
Photo : SEBASTIEN SAUVAGE / TVA

Aurais-tu aimé être père?

Je ne sais pas. C’est compliqué pour deux gars d’avoir des enfants. Me connaissant, si j’avais eu des enfants, j’aurais adoré ça. Mais je ne suis pas là-dedans. Je travaille beaucoup, et le fait que je peux bouger très vite et sans contrainte me plaît beaucoup. Ça s’accorde moins bien avec une vie de famille. 

L’album Chansons hivernales est en vente. Pour toutes les dates de spectacle de Noël de l’artiste, visitez pierrelapointe.com. Le disque Mon Noël de Nathalie Simard est en vente.

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