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L'article provient de Le Journal de Montréal
Justice et faits divers

[PHOTOS] Voici 5 crimes et délits inusités aux 17e et 18e siècles

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Photo portrait de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (collaboration spéciale)

Bibliothèque et Archives nationales du Québec (collaboration spéciale)

23 mars
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Si les affaires criminelles anciennes vous intéressent, sachez que BAnQ conserve aux Archives nationales, à Québec, des archives judiciaires qui remontent jusqu’au début du Régime français.

Par exemple, le tribunal de la Prévôté de Québec (1668-1759) s’étend à toutes les affaires de justice, de police, de commerce et de navigation, tant civiles que criminelles. 

Les documents de la Prévôté ainsi que ceux du Conseil souverain (1663-1760) constituent l’une des principales sources pour l’étude de la justice royale à Québec. 

On y découvre parfois des crimes et des délits qui sortent de l’ordinaire.

1) Un dévoilement de buste meurtrier

Copie du cartouche de la carte représentant le port de Québec en 1688 d’après une gravure ancienne de Jean Baptiste Louis Franquelin, 1968. Archives nationales à Québec (E6, S7, SS1, P6820179).
Copie du cartouche de la carte représentant le port de Québec en 1688 d’après une gravure ancienne de Jean Baptiste Louis Franquelin, 1968. Archives nationales à Québec (E6, S7, SS1, P6820179). Photo Neuville Bazin

Le mercredi 6 novembre 1686, l’intendant de la Nouvelle-France, Jean Bochart de Champigny, organise une grande fête sur la place du marché de la basse-ville de Québec pour dévoiler un buste en bronze de Louis XIV qu’il a rapporté de France.

Le monument de Louis XIV sur la place Royale à Québec, vers 1940. Archives nationales à Québec (P600, S6, D1, P456).
Le monument de Louis XIV sur la place Royale à Québec, vers 1940. Archives nationales à Québec (P600, S6, D1, P456). Photo W. B. Edwards

Au cours de cette célébration populaire, Jean Gauthier, dit Larouche, taillandier de son métier, s’empare d’un fusil abandonné par un soldat. L’excitation est à son comble pour Jean, qui se trouve au milieu de la foule en liesse. Voulant sans doute exprimer sa joie d’une façon quelque peu singulière, il prend le fusil, qu’il ne savait pas chargé, et tire un coup.

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La maison François-Hazeur sur la place Royale à Québec, vers 1895. Archives nationales à Québec (P557, S2, D4, P3).
La maison François-Hazeur sur la place Royale à Québec, vers 1895. Archives nationales à Québec (P557, S2, D4, P3). Photographe non identifié

À ce moment, le marchand et bourgeois Henri Petit se tenait proche de la maison de François Hazeur. Soudain, il tombe à la renverse au milieu de la consternation générale. Malheureusement, l’homme se trouvait sur la trajectoire de la balle. Le coup fatal lui fracasse une cheville et le bas de la jambe. On le transporte à l’hôpital où il meurt 13 jours plus tard.

Hôpital de l’Hôtel-Dieu, vers 1870. Archives nationales à Québec (E6, S8, SS6, P139). Reproduction de la gravure de Joseph Dynes.
Hôpital de l’Hôtel-Dieu, vers 1870. Archives nationales à Québec (E6, S8, SS6, P139). Reproduction de la gravure de Joseph Dynes.

Jean Gauthier est accusé de meurtre le 18 décembre 1686 à la Prévôté de Québec. Il est d’abord condamné à être conduit à l’entrée de l’église Notre-Dame pour y faire amende honorable, tête nue, la corde au cou et une torche de cire ardente au poing. Par la suite, il doit se mettre à genoux «pour demander pardon à Dieu, au roi et à la justice pour avoir à tort et sans raison blessé brutalement Henri Petit d’un coup de fusil dont il est mort»[1]. Il doit finalement s’exiler pour ne jamais revenir à Québec.

Jean Gauthier fait appel au Conseil souverain 10 jours plus tard. Il plaide non coupable et obtient gain de cause. Il est condamné à remettre la somme de 306 livres d’intérêts civils à la veuve et aux héritiers du défunt Henri Petit ainsi que 100 livres d’amende au roi. Quant au soldat qui laissa traîner son fusil chargé de plomb, Jean Delguel dit Labrèche, il est condamné à payer la somme de 25 livres d’intérêts civils aux héritiers de la victime.

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[1] 26 février 1687. Archives nationales à Québec, fonds Conseil souverain (TP1, S28, P2494).

Procédures criminelles à la requête de Joseph Petit Bruneau et Simon Jarent contre Jean Gauthier (Gautier), dit Larouche, accusé d’avoir tué Henri Petit, le jour de l’inauguration du buste de Sa Majesté sur la place de la Basse-Ville de Québec, 25 novembre 1686 - 10 décembre 1686. Archives nationales à Québec (TL5, D183).
Procédures criminelles à la requête de Joseph Petit Bruneau et Simon Jarent contre Jean Gauthier (Gautier), dit Larouche, accusé d’avoir tué Henri Petit, le jour de l’inauguration du buste de Sa Majesté sur la place de la Basse-Ville de Québec, 25 novembre 1686 - 10 décembre 1686. Archives nationales à Québec (TL5, D183).

Sentence condamnant Jean Gauthier, dit Larouche, 26 février 1687. Archives nationales à Québec (TP1, S28, P2494).
Sentence condamnant Jean Gauthier, dit Larouche, 26 février 1687. Archives nationales à Québec (TP1, S28, P2494).

2) Deux soldats blasphémateurs et un peu naïfs

Tableau «Le Conseil souverain dans la salle du Conseil législatif», vers 1930. Archives nationales à Québec (P428, S3, SS1, D13, P9-8). Œuvre de Charles Huot.
Tableau «Le Conseil souverain dans la salle du Conseil législatif», vers 1930. Archives nationales à Québec (P428, S3, SS1, D13, P9-8). Œuvre de Charles Huot.

Dans les jugements et délibérations du Conseil souverain conservés aux Archives nationales à Québec, on peut trouver un autre cas plutôt singulier.

Le 9 février 1699, sous la juridiction royale de Trois-Rivières, plusieurs conseillers du Conseil souverain sont réunis sous la présidence de l’intendant pour juger François Jarret, dit Beauregard, et Ignace Marenne, dit Saint-Louis, deux soldats de la compagnie de Degrais.

Les deux soldats sont arrêtés et jetés en prison. Ils sont accusés «de s’être trouvés chargés d’un billet de Magie, et ledit Saint-Louis d’avoir blasphémé le saint nom de Dieu et autres jurements exécrables et d’avoir pareillement gardé un billet pour se rendre dur [1]». Autrement dit, ils ont profané le nom de Dieu et avaient en leur possession une formule magique qui devait les assurer d’éprouver du plaisir dans leurs ébats amoureux.

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Sous le Régime français, le blasphème et la sorcellerie sont considérés comme une atteinte à la religion, donc un délit punissable par la loi. Car le blasphème s’attaque à Dieu et indirectement au roi. «Le nom de Dieu, comme celui du roi, devait être préservé de toute souillure.[2]»

L’enquête révèle aussi la participation d’un autre soldat, Étienne Chipault dit Beaufort, qui a «dicté un billet servant à magie[3]». C’est ce billet qui aurait été trouvé sur Ignace Marenne lors de sa comparution en justice. Beaufort a été réprimandé pour ses mauvaises mœurs et sommé de ne pas recommencer, sinon les conséquences seraient beaucoup plus sévères.

François Jarret, dit Beauregard, et Ignace Marenne, dit Saint-Louis, s’en tirent plutôt bien. La sentence qui est prononcée le 16 mars 1699 les condamne seulement à des peines pécuniaires de cinq et trois livres qui devront être versées comme aumône au bureau des pauvres.

Quant à ce fameux billet magique, il a été brûlé!

Pour plus d’information, on consultera en ligne les archives concernant cette affaire: ici, ici et ici.

[1] 9 février 1699. Archives nationales à Québec, fonds Conseil souverain (TP1, S28, P2555).

[2] André Lachance, Délinquants, juges et bourreaux en Nouvelle-France, Montréal, Les Éditions Libre Expression, 2011, p. 74.

[3] 30 mars 1699. Archives nationales à Québec, fonds Conseil souverain (TP1, S28, P2558).

3) Le charivari de la discorde

Le 31 mars 1728, seulement quatre mois après le décès de son épouse, Joseph-Marie Caron, huissier au Conseil souverain, se remarie avec Marie-Madeleine Levasseur. La rapidité de ce remariage est à l’origine d’un charivari composé d’hommes, de femmes et d’enfants, issus de divers milieux sociaux, qui ont arpenté les rues de Québec pendant la nuit en faisant beaucoup de bruit.

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Quand un veuf ou une veuve ne respecte pas l’année de deuil dans la société française de l’Ancien Régime, surtout chez les membres de l’élite, cela est perçu comme un manque de respect envers la personne disparue. D’où la coutume populaire du charivari. Mais en quoi consiste un charivari? Les habitants se réunissent avec des trompettes, des chaudières et des casseroles pour manifester le plus bruyamment possible devant la maison des nouveaux conjoints. Cela pouvait durer jusqu’au lendemain matin.

Edmond J. Massicotte, Almanach du peuple, 1928, p. 351.
Edmond J. Massicotte, Almanach du peuple, 1928, p. 351.

C’est lors d’un procès qui s’est déroulé au mois de mars 1728 que l’on apprend qu’une bagarre a éclaté en raison du charivari qui s’est produit à la suite du remariage de Joseph-Marie Caron. Les raisons de ce procès sont nébuleuses, mais un désir de vengeance semble habiter Claude Barolet, qui accuse Madeleine Roussel, Geneviève Roussel et Françoise La Bouteille de l’avoir battu à coups de bâton lors d’une querelle.

Cependant, à la suite de l’annonce de la première sentence, Claude Barolet fait appel. Il est finalement condamné, le 4 avril 1729, à trois livres d’amende pour son «fol appel». Le Conseil souverain décharge également les trois femmes des accusations portées contre elles. On pourrait qualifier ce soi-disant crime de tempête dans un verre d’eau.

Pour plus d’information, on consultera en ligne les archives concernant cette affaire: ici, ici et ici.

4) Le crucifix outragé: un cas de sorcellerie

Rue Saint-Paul et Marché Bonsecours, 1884. Archives nationales à Québec (E6, S8, SS1, SSS709, D4331, PG9).
Rue Saint-Paul et Marché Bonsecours, 1884. Archives nationales à Québec (E6, S8, SS1, SSS709, D4331, PG9). Photo Edgar Gariépy

Au matin du 28 juin 1742, Charles Robidoux, un cordonnier demeurant sur la rue Saint-Paul dans le faubourg des Récollets, à Montréal, commence sa journée de travail. En se rendant aux latrines situées dans la cour arrière de sa maison, il s’aperçoit que le meuble où il conserve ses papiers les plus importants ainsi que tout son argent a été forcé. Quelque 300 livres ont été volées! À cette époque, c’est le salaire annuel d’un ouvrier.

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Rue Saint-Paul à Montréal, vers 1930. Archives nationales à Montréal (E6, S8, SS1, SSS650, D3602, PB1).
Rue Saint-Paul à Montréal, vers 1930. Archives nationales à Montréal (E6, S8, SS1, SSS650, D3602, PB1). Photo Edgar Gariépy

La nouvelle se répand rapidement dans le voisinage et vient aux oreilles de François-Charles Havard de Beaufort, soldat de la garnison de Montréal. Dans la région, il est reconnu comme un amuseur public et un sorcier. Charles Robidoux le sollicite pour l’aider à trouver le coupable. Il accepte. Dans la soirée du 28 juin 1742, Havard de Beaufort se rend chez Robidoux. Il organise une séance de catoptromancie: le visage du voleur apparaîtra dans un miroir! Pendant la cérémonie, en présence de plusieurs témoins, Havard de Beaufort enduit le miroir et un crucifix avec un mélange d’huile d’olive et de diverses poudres. Il récite également plusieurs prières en latin en brandissant le crucifix devant les curieux rassemblés. Évidemment, cela ne donne aucun résultat.

Le lendemain, les autorités judiciaires sont informées de l’affaire. Havard de Beaufort est emprisonné, interrogé et condamné. Le 5 octobre 1742, il subit sa sentence, soit faire amende honorable devant l’église Notre-Dame de Montréal en portant un écriteau sur lequel est écrit «Profanateur des choses saintes[1]». Il reçoit également des coups de fouet avant de servir trois ans sur les galères du roi.

Henri-Marie Dubreil De Pontbriand, vers 1870. Archives nationales à Québec (P560, S2, D1, P87124).
Henri-Marie Dubreil De Pontbriand, vers 1870. Archives nationales à Québec (P560, S2, D1, P87124).

Quant au crucifix, il est remis à l’évêque de Québec, Monseigneur Henri-Marie Dubreil de Pontbriand. Il le confie aux Augustines de l’Hôtel-Dieu de Québec, qui le reçoivent le 2 mars 1744. C’est à cette occasion que Monseigneur de Pontbriand institue la fête du crucifix outragé. Le crucifix repose encore aujourd’hui dans l’église des Augustines de l’Hôtel-Dieu-de-Québec.

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Pour plus d’information, les documents du procès contre François-Charles Havard de Beaufort sont entièrement accessibles en ligne ici et ici.

Vue avant du crucifix outragé, 2021.
Vue avant du crucifix outragé, 2021. Photo Catherine Lévesque, Le Monastère des Augustines

[1] 17 septembre 1742. Archives nationales à Québec, fonds Conseil souverain (TP1, S28, P17261).

5) Une plantation du Mai à Baie-Saint-Paul tourne à la tragédie

Aux Archives nationales, à Québec, dans la collection «Documents de tribunaux du Régime anglais», est conservée une enquête du coroner au sujet de la mort de Jean Gagnon, de Baie-Saint-Paul. Voici la trame des événements.

Charles W. Jefferys, «The Picture Gallery of Canadian History», vol. 1, 1942, p. 210.
Charles W. Jefferys, «The Picture Gallery of Canadian History», vol. 1, 1942, p. 210.

Le 1er mai 1766 est un jour particulier pour les habitants de Saint-Pierre et Saint-Paul. C’est dans la joie qu’ils célèbrent le retour du printemps. À cette occasion, les censitaires plantent un très grand sapin pour rendre hommage au seigneur et à sa famille. On retire toutes les branches et l’écorce de cet arbre, sauf à la cime. On le décore avec des rubans colorés, des girouettes, des couronnes, des drapeaux ou des fleurs de papier pour lui donner une apparence joyeuse. Une fois l’arbre en place, des miliciens tirent sur celui-ci avec leur fusil afin de le noircir.

Sur la route, près du manoir Gobeil, plusieurs hommes s’amusent à tirer vers le sol avec leur fusil chargé de poudre. Selon plusieurs témoignages d’hommes présents à ce moment, ces badineries ont entraîné des conséquences tragiques sur la vie de Jean Gagnon.

Le manoir Gobeil à Baie-Saint-Paul, vers 1920. Archives nationales à Québec (P600, S6, D5, P18).
Le manoir Gobeil à Baie-Saint-Paul, vers 1920. Archives nationales à Québec (P600, S6, D5, P18). Photo M. Prévotat

Malheureusement, le jeune homme est la cible d’un coup de fusil perpétré par Aimé Perron, son beau-frère. La blessure qu’il reçoit à la cuisse lui est fatale. En effet, il meurt une demi-heure plus tard, au bout de son sang. Le coroner Isaac Werden conclut à une mort accidentelle par arme à feu. Il précise également, dans son enquête, que le crime a été commis sans malice ni désir de tuer de la part d’Aimé Perron. Cependant, l’histoire ne dit pas s’il a été accusé ou non de meurtre.

Extrait de l’enquête du coroner au sujet de la mort de John (Jean) Gagnon, de Baie-Saint-Paul, 1er mai 1766. Archives nationales à Québec (TL999).
Extrait de l’enquête du coroner au sujet de la mort de John (Jean) Gagnon, de Baie-Saint-Paul, 1er mai 1766. Archives nationales à Québec (TL999).

Un texte de Catherine Lavoie, technicienne en documentation, Bibliothèque et Archives nationales du Québec

  • On consultera la page Facebook de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) en cliquant ici et son site web en se rendant ici.
  • On accédera aux textes produits par la Société historique de Québec en cliquant ici.

SOURCES

  • Brun, J., Le veuvage en Nouvelle-France: genre, dynamique familiale et stratégies de survie dans deux villes coloniales du XVIIIe siècle, Québec et Louisbourg, Montréal, Université de Montréal, thèse de doctorat (histoire), 2000, 316 p.
  • Hardy, R., «Histoire et fin du charivari au Québec: vers la civilisation des mœurs», Histoire Québec, vol. 25, no 1, 2019, p. 33-35.
  • Lachance, A., Délinquants, juges et bourreaux en Nouvelle-France, Montréal, Les Éditions Libre Expression, 2011, 240 p.
  • «Crucifix outragé», Monastère des Augustines, [En ligne].
  • «Crucifix outragé», Répertoire du patrimoine culturel du Québec, [En ligne].
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