Peut-on rester en amour avec un alcoolique?
Amour tabou
Anne-Lovely Etienne
Je ne sais pas si c’est l’annonce du retour de la série Sex and the City ou le fameux statut de mea culpa de l’humoriste Julien Lacroix; j’ai eu le goût comme Carrie Bradshaw de réfléchir sur l’amour, mais sur l’amour tabou. Un sujet dont on ne parle jamais : aimer un toxicomane.
Peut-on rester amoureuse d’un alcoolique?
Cette semaine, j’ai lu comme des milliers de curieux la première publication sur Facebook de Julien Lacroix. Alors que tout le monde doutait de l’authenticité et de la sincérité de ses mots, moi je n’ai pas pu m’empêcher de penser à son amoureuse.
La semaine dernière, j’ai téléphoné à ma bonne connaissance l’animateur et ex-athlète Etienne Boulay pour justement discuter avec lui de sa réhabilitation et de ses quatre ans de sobriété. En raccrochant, là aussi, j’ai eu une pensée pour sa conjointe.
Au moment où j’écris ces lignes (sur mon Mac comme Carrie Bradshaw), je me demande comment les amoureuses du rappeur Koriass, du chef Danny St Pierre, de l’humoriste Maxim Martin, du rockeur Éric Lapointe ou même des joueurs de hockey Mike Ribeiro ou Chris Nilan ont réussi à ouvrir leur cœur à ces hommes, dont les vies ont été chamboulées par des problèmes de consommation. Comment ont-elles fait pour rester malgré vents et marées?
Julien Lacroix et mon ex : même combat
C’est vraiment plus fort que moi de penser à ces femmes, parce qu’en toute franchise, j’ai également été éprise d’un alcoolique à temps plein et cocaïnomane à temps partiel. Durant plus de quatre ans, j’ai appris à danser le tango avec ses démons.
J’ai pleuré.
Pleuré de tristesse à l’attendre plus d’une heure, sous la pluie, devant l’édifice de mon travail parce qu’il était trop saoul pour conduire.
Pleuré de rage, parce que je recevais des appels de son boulot pour me signaler qu’il était absent et qu’on n’avait aucun signe de vie de lui. (FYI, il était toujours fauché.)
Pleuré de fatigue à cause des nombreuses nuits blanches à l’attendre.
Pleuré de honte dans un bar, alors qu’il était trop ivre et qu'il avait demandé au serveur : «Hey toi, es-tu down de faire des pipes pour une cenne?», et ce, devant mes amis estomaqués de son comportement beaucoup trop déplacé.
Et un jour, je n’ai plus eu de larmes.
J’avais attendu. J’avais discuté. J’avais pardonné. J’avais excusé. J’avais crié. J’avais souffert. Et j’ai craqué. Je n’ai plus été capable de l’aimer. Comment font les autres qui décident de rester?
L’amour est patient, mais jusqu’où?
Je suis convaincue que plusieurs femmes ont sensiblement vécu la même chose avec l’être aimé qui combat, comme il le peut, son mal-être.
Elles attendent. Elles discutent. Elles pardonnent. Elles excusent. Elles souffrent. Elles crient. Elles pleurent. Surtout, elles aiment tellement.
Jusqu’où accepte-t-on d’aimer un ivrogne ou un drogué? Faut-il attendre une première thérapie, une deuxième ou simplement faut-il écouter son cœur?
Comment font ces femmes pour éteindre les feux incendiaires que causent l’alcoolisme ou la toxicomanie : infidélité, dépression, scandales, l’incapacité d’être un bon parent, problèmes financiers...
Je me le demande.
À mon humble avis, plusieurs de ces femmes ont le syndrome du cœur de l’héroïne, un cœur trop grand, trop bienveillant, trop tendre. Elles sont des anges qui ont décidé de se négliger pour aimer.
Que ce soit pour la durée d’un an ou d’une vie, je vois en ces femmes de véritables guerrières qui secouent des âmes perdues dans l’espoir de retrouver le chevalier jadis, duquel elles sont tombées amoureuses. Ces guerrières, elles sont plusieurs à partager le fardeau de l’autre en silence.
C’est tout de même paradoxal, car peu importe leur force, elles combattent seules au nom de l’amour, même si parfois l’amour est leur pire ennemi.
C’est une chose de parler de l’ex ou de la copine de Julien Lacroix, mais des femmes comme elles sont nombreuses dans votre cercle.
Ouvrez les yeux et laissez venir à vous des souvenirs d’un oncle toujours ivre mort et de votre tante qui doit rire jaune, ou de votre grand-mère qui excuse le langage incongru et inapproprié de votre grand-père devant les enfants...
Et prenez le temps d’observer l’humiliation qui surclasse l’amour.
Ladies, je vous vois et je pense à vous.