Lavés par des arna-coeurs
Facile de rire des victimes de fraudes amoureuses...


Richard Martineau
Comme moi, vous avez probablement lu l’excellent et émouvant dossier du Journal sur les fraudes amoureuses.
Ces hommes et ces femmes qui croyaient avoir enfin rencontré le grand amour en ligne, mais qui étaient en fait tombés dans les griffes de fraudeurs sans foi ni loi.
«ILS SONT DONC NAÏFS!»
Comme moi, vous avez probablement eu la même réaction en lisant ces histoires tragiques.
«Maudit que les gens sont naïfs! Le bonhomme a 75 ans, ressemble à Symphorien et pense qu’une magnifique rousse de 30 ans qui vit à l’autre bout du monde est tombée sous son charme juste en regardant sa photo sur Facebook! Allume, maudit! C’est sûr que cette fille s’appelle Igor et qu’il veut te laver jusqu’au dernier sou!»
J’ai déjà fait un reportage sur un sexagénaire qui s’était fait frauder de la sorte pour l’émission Les francs-tireurs.
Le p’tit monsieur vivait seul dans un shack au milieu de nulle part, et il avait «fait venir» au Québec une jolie fille de 25 ans qu’il avait aperçue dans un catalogue de jeunes Asiatiques «intéressées à se marier à des Occidentaux».
La belle en question était débarquée avec son «cousin».
Qu’est-ce qui s’est passé, selon vous, lorsque sa dulcinée a eu enfin sa bague au doigt et sa citoyenneté canadienne?
• Écoutez aussi cet épisode balado tiré de l'émission de Richard Martineau, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :
Eh oui.
Elle s’est sauvée avec son «cousin».
Et le bonhomme a eu le cœur brisé.
Je l’écoutais et je me disais: «Taboère, c’était écrit en lettres géantes dans le ciel. Il pensait vraiment que la fille était en amour avec lui? S’est-il déjà regardé dans le miroir?»
Mais on sous-estime la misère engendrée par la solitude.
L’horrible, l’affreuse misère.
LA SOLITUDE, UN CANCER
Quand t’es seul, t’es vulnérable.
Tu ne rêves que d’une chose: être spécial pour une personne.
Le cinéaste Bernard Émond a déjà tourné un merveilleux documentaire sur un ancien planteur de quilles qui vivait seul et ramassait du vieux bois dans les ruelles.
Le titre? Ceux qui ont le pas léger meurent sans laisser de trace.
L’un des plus beaux titres au monde, selon moi.
Le portrait d’un homme qui ne comptait pour personne. Le genre d’hommes (et de femmes) qui vivent et meurent dans l’indifférence générale.
Ne seraient-ils jamais nés que cela n’aurait fait aucune différence.
Le genre d’individus qui ne font pas de bruit, qui vivent dans des demi-sous-sols ou des maisons de chambres et dont on découvre le cadavre par accident, trois mois après leur décès.
Que font ces gens-là? Ils regardent la télévision.
Et ils voient des gens qui tripent, qui s’amusent, qui ont du fun. En couple, entre amis, en gang.
Et ils n’ont qu’un rêve, un seul: pas gagner des millions à la loterie, non.
Juste que quelqu’un s’intéresse à eux.
Ne pas fondre dans la tapisserie, pour une minute.
Et un jour, quelqu’un leur écrit sur Facebook.
En les appelant par leur prénom.
DES FLEURS FANÉES
Facile de juger ces personnes.
Mais les êtres humains sont comme des plantes: s’ils ne reçoivent pas d’amour, ils se dessèchent.
C’est fou ce qu’on pourrait faire pour un sourire.