Pénurie d'Ozempic: les Américains voulant perdre du poids se tournent vers des alternatives

Agence France Presse
Comme beaucoup d'Américains souhaitant perdre du poids, Marissa Montanino s'est sentie obligée d'essayer l'Ozempic, traitement très en vogue aux États-Unis et vu comme révolutionnaire pour lutter contre l'obésité.
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«Je faisais du sport parfois trois fois par jour», raconte à l'AFP l'esthéticienne de 36 ans. «Je mangeais vraiment, vraiment sain... et rien ne changeait».
«J'avais déjà entendu parler d'Ozempic et puis j'ai commencé à voir d'autres gens en prendre, comme des célébrités, qui d'un coup mincissaient très rapidement», poursuit-elle.
Mais Mme Montanino craignait le risque de troubles gastro-intestinaux qui peut accompagner cet antidiabétique injectable du laboratoire danois Novo Nordisk, autorisé depuis 2017 aux États-Unis.
«J'avais peur, j'étais très anxieuse», explique-t-elle. «Je suis terrifiée à l'idée d'avoir des nausées».
Lorsqu'elle finit par franchir le pas, son médecin ne lui prescrit pas de l'Ozempic mais une préparation pharmaceutique personnalisée qui comprend la même molécule active que dans les injections brevetées de Novo Nordisk: le semaglutide, qui envoie au cerveau un signal de satiété.
Les préparations sont utilisées depuis longtemps aux États-Unis lorsqu'un patient présente une allergie à un composé d'un médicament.
Plus de 40% de la population américaine souffre d'obésité, signe d'une crise majeure de santé publique et d'un marché gigantesque pour ces nouvelles variantes de l'Ozempic, compte tenu de leur efficacité.
«Le problème principal est qu'il est désormais difficile de se procurer les traitements», souligne auprès de l'AFP le chercheur et médecin Samuel Klein de l'Université Washington de St. Louis. "Il n'y a pas assez de médicaments fabriqués».
L'Ozempic a en effet récemment été en rupture de stocks, après avoir fait fureur sur les réseaux sociaux pour ses propriétés amaigrissantes.
L'agence américaine des médicaments (FDA) a ainsi classé le semaglutide et la tirzepatide - molécule utilisée par les médicaments du groupe américain Eli Lilly contre le diabète et l'obésité - comme étant actuellement en «pénurie».
Copies
Cette désignation lève certaines restrictions, ce qui permet à des entreprises de faire des préparations qui sont «essentiellement des copies de médicaments autorisés», selon la FDA.
Beaucoup d'Américains se tournent donc vers ces options, parfois moins chères, mais des experts et les autorités mettent en garde contre de potentiels risques associés.
Andrea Coviello, médecin spécialiste de l'obésité, dit à l'AFP s'inquiéter pour ses patients qui commandent ce type de préparations, souvent sur internet.
Si certains ont perdu du poids, «on ne sait pas exactement ce qu'ils reçoivent», insiste la professeure à l'université de Caroline du Nord.
Marissa Montanino, qui mesure 1,53 m, détaille être passée de 71,2 kg à 58,9 kg en moins de six mois grâce à ses injections hebdomadaires. Elle vise 56,7 kg.
Parmi les gens avec lesquels elle échange par message et qui prennent aussi des traitements pour maigrir, «tout le monde est très content» et seule une personne prend un médicament de marque, Wegovy, aussi produit par le danois Novo Nordisk.
«Bien dans ma peau»
Les autorités américaines ont alerté fin octobre sur le fait que «les préparations (pharmaceutiques) posent un risque accru pour les patients par rapport aux médicaments autorisés par la FDA», parce qu'ils «ne subissent pas avant la mise sur le marché une évaluation en matière de sécurité, d'efficacité ou de qualité».
La FDA a «reçu des rapports d'événements indésirables après l'utilisation de semaglutide dans des préparations», déclare-t-elle sur son site, sans donner plus de détails.
Une simple recherche en ligne montre que plusieurs entreprises proposent des préparations amincissantes livrées par la poste, avec des prix beaucoup plus bas que les médicaments de marque, mais pas forcément moins chers pour ceux qui ont une couverture santé qui prend en charge les médicaments autorisés par la FDA.
Marissa Montanino a déboursé 300 dollars pour trois mois de traitement mais avec l'augmentation progressive du dosage, cela pourrait se transformer en 300 dollars par mois.
Les laboratoires Novo Nordisk et Eli Lilly, qui gagnent déjà des milliards de dollars grâce à leurs médicaments, ont tout intérêt à ce que ces molécules ne soient plus considérées comme «en pénurie» et renforcent leur capacité de production.
Les deux entreprises ont aussi déposé plusieurs plaintes contre les laboratoires effectuant des préparations similaires à leurs produits.
Malgré l'incertitude, Mme Montanino envisage de prendre ce traitement «à vie», si possible.
Elle a fêté sa perte de poids et celle de son mari, qui a fondu de 22 kg, en reprenant des photos de mariage.
«Je me sens bien dans ma peau. Je suis très contente de la manière dont me vont mes vêtements. Je déteste dire ça... Mais, ça me fait me sentir mieux».
La nouvelle génération des médicaments contre l'obésité
Wegovy, Mounjaro, Ozempic... Ces médicaments affolent le secteur pharmaceutique et nourrissent les espoirs de millions de malades dans le monde: ils soignent le diabète, font maigrir et peuvent être utilisés pour traiter l'obésité. Quels sont-ils, que traitent-ils, qui les fabrique?
La classe des analogues GLP-1
Ces médicaments imitent une hormone secrétée par les intestins GLP-1 (abréviation de glugaco-like peptide 1) qui stimule la sécrétion d'insuline et réfrène l'appétit en procurant une sensation de satiété.
Des personnes utilisent ces médicaments pour gérer leur diabète de type 2, le plus répandu, et/ou perdre du poids.
Leur administration se fait généralement par injection hebdomadaire mais des groupes pharmaceutiques tels que Novo Nordisk, Eli Lilly et Pfizer cherchent à mettre au point des comprimés à avaler chaque jour.
Ces traitements peuvent avoir des effets secondaires tels que des nausées, vomissements, troubles gastro-intestinaux.
Wegovy et Ozempic chez Novo Nordisk
Chez le danois Novo Nordisk, numéro un mondial du diabète, la molécule semaglutide est utilisée dans le médicament Wegovy, contre l'obésité, et dans le médicament Ozempic, contre le diabète de type 2.
Wegovy est autorisé aux États-Unis depuis 2021. Il est commercialisé au Danemark, en Norvège, au Royaume-Uni et depuis peu en Suisse. Le laboratoire veut demander sa certification en France en 2024.
L'Ozempic est autorisé depuis 2017 aux États-Unis. Il a récemment été en rupture de stocks, après avoir fait fureur sur les réseaux sociaux pour ses propriétés amaigrissantes.
Rien qu'aux États-Unis, Wegovy et Ozempic devraient générer des ventes respectivement de 8,1 milliards de dollars (7,4 Mds EUR) et de 2,1 Mds USD (1,9 Mds EUR) d'ici à 2031, selon un rapport de GlobalData publié en mars.
Mounjaro et Zepbound chez Eli Lilly
La molécule d'Eli Lilly, la tirzepatide, est commercialisée sous le nom de Mounjaro pour les personnes souffrant de diabète de type 2, depuis le feu vert des autorités sanitaires américaines en 2022. Elle est aussi parfois prescrite hors des recommandations officielles dans le seul but de perdre du poids.
Mais depuis le 8 novembre, cette molécule a été également approuvée pour traiter l'obésité, sous le nom de Zepbound aux États-Unis.
Le Zepbound s'adresse aux personnes obèses, et à celles en surpoids souffrant de comorbidités (diabète de type 2, haut taux de cholestérol, hypertension).
Le prix a été fixé par Eli Lilly à 1 060 dollars (972 EUR) par mois.