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L'article provient de TVA Sports
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Patinage artistique: les Jeux impossibles

Vanessa James et Eric Radford ont réussi à se hisser parmi les meilleurs au monde en quelques mois seulement

Eric Radford a réalisé un beau porté avec Vanessa James, ce vendredi, lors du programme court des couples.
Eric Radford a réalisé un beau porté avec Vanessa James, ce vendredi, lors du programme court des couples. Photo AFP
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Photo portrait de François-David Rouleau

François-David Rouleau

2022-02-18T12:50:46Z
2022-02-19T05:18:41Z
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Ces Jeux d’Eric Radford et de sa nouvelle partenaire, Vanessa James, représentent ceux de l’impossible devenu possible. Dans un alignement parfait des astres malgré toutes les embûches surmontées sur leur route vers Pékin, ils démontrent aujourd’hui qu’ils sont faits l’un pour l’autre. 

Leur union sur la glace après la populaire émission anglophone Battle of the Blades en 2020 n’est pas anodine. 

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Radford était alors à la retraite après avoir remporté trois médailles olympiques à Sotchi et à Pyeongchang avec Meagan Duhamel. L’artiste sur lames avait fait une croix sur les compétitions internationales. Sa compagne sportive avait alors donné naissance à une fille. 

James venait de vivre un cauchemar en étant forcée de prendre sa retraite prématurément. Son partenaire français Morgan Ciprès avait été accusé de harcèlement sexuel auprès d’une fille âgée de 13 ans au moment des faits survenus en Floride, en 2017, avant les Jeux en Corée du Sud. La patineuse n’avait appris les faits qu’au moment des accusations. 

Toujours la flamme

Toujours est-il que James, qui est née en Ontario, qui a grandi aux États-Unis et qui possède les citoyennetés canadienne, britannique et française, n’avait pas mis une croix définitive sur le patinage artistique. Une rencontre avec Radford après la production télévisuelle fut l’étincelle.

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Sous la férule de l’entraîneuse québécoise Julie Marcotte, les deux athlètes ont patiné ensemble, et la magie a opéré dès la première seconde. 

Radford a formulé ses désirs en voyant la lueur des Jeux de Pékin à l’horizon. Il ne voulait surtout pas louper cette occasion unique de pouvoir s’exprimer comme il l’avait toujours souhaité.

Il ne suffisait que d’une petite idée, très folle, pour raviver la flamme olympique avec cette étincelle. 

« On a une chimie, un amour, une force et une attraction invisible, explique celui qui réside à Montréal. Quand on saute sur la glace ensemble, une source d’énergie s’allume. »

Essais concluants

Envoûtée, James a quitté l’aréna de Sainte-Julie en disant réfléchir à ses projets. De retour quelques semaines plus tard, au début de janvier 2021, ils ont mené des essais concluants. 

En avril, les deux athlètes ont décidé de plonger tête première dans l’aventure pékinoise. Ils avaient 11 mois pour s’y préparer. La mission était quasi impossible, même pour ces patineurs d’exception. 

« Habituellement, on prend quatre années complètes pour préparer un couple aux Olympiques, explique Marcotte en entrevue avec Le Journal. Là, on avait un marathon à parcourir avec un chrono d’un sprint de 100 mètres. » 

Les obstacles

Le couple n’était pas au bout de ses peines, car il devait remplir toute la paperasse administrative pour effectuer un retour en règle. Il devait avertir Patinage Canada et le Comité olympique canadien. James devait être libérée par la Fédération française de patinage et son Comité olympique. Et le Comité international olympique (CIO) devait approuver le tout. 

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Difficile ou impossible, disions-nous ? 

« On pensait que ça traînerait durant plus de six mois, fait savoir l’entraîneuse. Nous avons reçu tous les documents en quatre semaines. » 

Personne n’a souhaité embêter James dans ce rêve. La Fédération française ne pouvait l’unir à un patineur de son calibre et estimait qu’elle avait souffert injustement des gestes de son ex-partenaire. En la libérant, elle lui laissait la possibilité de décider du moment de sa retraite, dans le contexte qu’elle désirait. 

La difficile mission d’assembler un splendide programme olympique pouvait donc s’enclencher. Marcotte devait les amener à atteindre les nouvelles exigences de compétition pour qu’ils puissent rivaliser contre les Russes et les Chinois sur la plus grande scène mondiale. 

Travail et chance

« Dans notre histoire, tout est tombé en place. Nous y sommes, rappelle Radford en bordure de la patinoire du Palais omnisports de la capitale à Pékin. Ce n’est pas une opportunité qu’on nous a offerte. On a travaillé fort pour être ici et on s’estime chanceux que tout ce qui était hors de notre contrôle soit tombé de notre côté. »

« C’est un énorme défi, ajoute James. On a découvert un nouvel angle du patinage. C’était notre destinée. Les étoiles se sont alignées et nous devons apprécier notre aventure. »

Une aventure impossible devenue bel et bien une réalité. 

Pour une dernière fois     

Le couple canadien participe à ses ultimes Jeux

Dans le calme et le silence de la patinoire du Palais omnisports de la capitale, au bout de 11 mois de très dur labeur la menant aux Jeux de Pékin, Vanessa James estime qu’elle patine pour la dernière fois aux Olympiques.

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« Jusqu’à ce qu’on revienne une autre fois », s’exclame-t-elle avec énergie en brisant le calme en conclusion de cette généreuse entrevue avec Le Journal

La patineuse a bien fait rire tout son entourage. Mais à 34 ans, elle ne prévoit pas se présenter en Italie en 2026, pas plus que son complice, Eric Radford, 37 ans. Ces Jeux sont le chant du cygne dans ce programme libre du patinage artistique en couple, samedi. 

La paire canadienne a vécu une année olympique rocambolesque. En effectuant ce retour improbable, elle n’a disposé que du quart du temps de préparation. 

Avec leur entraîneuse Julie Marcotte, James et Radford ont donc modulé leurs attentes même s’ils désirent livrer la meilleure performance finale. 

« On souhaite montrer au monde tout le travail accompli dans cette courte préparation. Il faut partager notre plaisir que nous ressentons à patiner ensemble, explique le Montréalais d’adoption avec cœur. C’est tellement difficile de le faire en compétition. Je veux savourer ce grand moment et je sens qu’on peut vraiment bien faire. » 

« Savourer le moment »

Vanessa James et Eric Radford ont pris le 12e rang du programme court ce vendredi, et le couple souhaite se reprendre pour son dernier tour de piste aux Olympiques, samedi.
Vanessa James et Eric Radford ont pris le 12e rang du programme court ce vendredi, et le couple souhaite se reprendre pour son dernier tour de piste aux Olympiques, samedi. Photo AFP

Déjà, le duo avait pris le quatrième échelon du programme libre au concours par équipe au troisième jour de ces Jeux. Ce vendredi, il a terminé au 12e rang du programme court en couple. Il en sera à son dernier tour de piste samedi matin.

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« Il faut livrer notre plus belle performance et savourer ce moment, car c’est définitivement le dernier », rappelle James. 

Radford et elle auront traversé des moments aussi difficiles qu’enivrants tout au long de cette aventure. 

Jamais n’ont-ils fixé d’objectifs quantitatifs. Pas question de médailles ou de podium dans leurs discussions. 

« Dès le premier jour d’entraînement, ils avaient fixé des objectifs uniques et personnels. Eric, après tous ses exploits et ses médailles, et Vanessa, avec son histoire, ont revu leurs motivations. Ils ont fixé des objectifs selon leur temps de préparation, explique Marcotte, subjuguée par leur volonté et leur réussite d’arriver à Pékin. 

« Par chance, ce sont des patineurs d’exception, rappelle celle qui s’est consacrée à 100 % à leur projet. Leur mission est de livrer leur meilleure performance. Ils sont si phénoménaux et authentiques qu’ils rendent le tout encore plus extra. »

Forme olympienne

Pour arriver en Chine, le couple a assemblé un programme dans lequel il peut espérer envoûter les juges afin de rivaliser avec les Russes et les Chinois. À la recherche de la perfection, ils ont fait un gigantesque boulot. 

Ils se sont remis dans une forme physique olympienne. Ils ont surmonté les défis lancés par la pandémie, mis à exécution leurs routines dans diverses compétitions et même combattu le satané virus après les Fêtes. 

Fière de l’exploit, Marcotte affirme sans hésiter qu’elle n’avait jamais vu pareille symbiose dans sa carrière.

Faits l’un pour l’autre  

Cette facilité à s’unir en un temps record prouve que Vanessa James et Eric Radford étaient tout simplement faits l’un pour l’autre. 

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L’amitié, le plein partenariat, les habiletés et les techniques ont aidé à rapidement solidifier leur union sur la glace. 

« On l’a perfectionnée dans des moments pas nécessairement très évidents et en composant avec la pression, signale James. Dès nos premières séances sur la glace, on sentait que tout tombait en place, car on avait un caractère semblable. On avait une connexion instantanée. »

Selon elle, les qualités de cette nouvelle relation les ont aidés à traverser les moments difficiles. Car, évidemment, ils ont été nombreux compte tenu du peu de temps de préparation à leur disposition. Surtout en temps de pandémie. 

Leur passion commune, leur éthique de travail et leur tempérament ont adouci ces moments. Ils ont perfectionné leur union sur la glace et livré des prestations sous pression en compétition après des années d’absence.

Union différente

Dans cette nouvelle quête olympique, Radford souhaitait pouvoir exprimer sa créativité sans retenue sur la patinoire. Ce qu’il ne pouvait exposer dans son partenariat avec Meagan Duhamel, avec qui il a tout de même remporté trois médailles olympiques. Il a toujours voulu être un artiste sur la glace. 

« Ce n’était pas notre histoire et notre style. Nos forces étaient différentes, se souvient le grand patineur. 

« Je me sens différent maintenant, poursuit-il avec profonde gratitude. Depuis mon premier jour avec Vanessa, je sens que je peux m’exprimer. » 

Elle est toujours là

James a quant à elle trouvé un partenaire avec qui elle est capable de montrer à la face du monde qu’elle n’était pas disparue.

« Je m’exprime aussi différemment qu’auparavant. Je sens la passion et le désir de la compétition. Il n’y a aucune limite. Notre histoire est inspirante. C’est un grand défi, mais nous avons vraiment du plaisir. »

Le plaisir est souvent l’étincelle des meilleures performances.

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