Où s’en va le Canada?
Denise Bombardier
Le droit de manifester n’existe qu’en démocratie. Dans tous les pays de dictature et de tyrannie, ceux qui osent afficher leur dissidence le font à leurs risques et périls.
L’occupation par des manifestants de la capitale fédérale est donc légitime.
Mais l’organisation Unity Canada, qui en a pris l’initiative et qui est composée d’anti-démocrates, de complotistes et d’une droite extrémiste et religieuse, n’a rien à envier à celle des États-Unis. Des millions d’Américains n’attendent que le retour de Donald Trump au pouvoir et cela a de quoi perturber tous les citoyens.
La vision politique de nombre de ceux qui ont traversé le Canada pour se rendre à Ottawa découle de ce qui se passe actuellement aux États-Unis. Les racistes y sont légion et ils adhèrent à toutes les théories hystériques de l’époque, le complotisme au premier chef.
Les manifestants qui ont vu s’agiter des drapeaux nazis au côté des drapeaux canadiens et même québécois sur lesquels on avait écrit les insanités auraient dû quitter les lieux et retourner dans leurs régions.
Profanation
La profanation de plusieurs monuments de la capitale et surtout du monument aux morts a démontré la volonté des manifestants de s’attaquer aux symboles nationaux. Cela aurait dû convaincre les manifestants plus modérés de quitter ce rassemblement antivax et anti-mesures sanitaires à l’odeur politique faisandée.
Qu’on me permette d’écrire à nouveau que la présence d’enfants sur les lieux de tels rassemblements qui risquent de dégénérer est dérangeante, voire choquante.
À Ottawa, des parents scandant des slogans grossiers, vulgaires et agressifs étaient très nombreux. Des enfants accompagnaient leurs parents, tout heureux de brandir des pancartes sur lesquelles était écrit « F..k Trudeau ».
Faut-il rappeler que ce type d’activité politique où règnent l’excitation, la rage et la colère n’est pas la meilleure façon d’initier les enfants à la politique ? Pour les plus petits en poussette, ces rassemblements comportent des risques d’affron-tements avec la police. Et que dire des parents fiers ou inconscients qui traînent leur progéniture dans les rues de tous les débordements possibles ?
Américanisation
L’américanisation vient, à travers cette initiative des camionneurs devant le parlement, de progresser vers une droitisation spectaculaire du Canada. D’ailleurs, les drapeaux américains étaient plus que bienvenus à Ottawa.
Les politiciens, amadoueurs de citoyens antivax, devraient faire preuve de plus de jugement. La prudence devrait les guider. À l’évidence, le ministre de la Santé du Canada, Jean-Yves Duclos, qui marque sa bienveillance envers ces militants, hésite à les blâmer.
Le premier ministre Legault en a surpris plusieurs il y a quelques jours en disant qu’il voulait tendre la main aux antivax. Soyons clair, l’on aurait préféré qu’il laisse ses mains dans ses poches, compte tenu des conséquences sur notre système de santé sous-équipé en lits d’hôpitaux à cause de l’hospitalisation des militants atteints de la COVID-19.
Tous ceux qui rêvent de renverser le gouvernement à Québec et à Ottawa comprennent que les dirigeants qu’ils méprisent se refusent à envisager d’utiliser la répression contre eux. C’est ainsi que la démocratie se montre plus fragile qu’on ne le croit.