Roundup: où le glyphosate est-il interdit dans le monde?
Andrea Lubeck
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a classifié en 2015 le glyphosate, le pesticide le plus utilisé dans le monde, comme un cancérigène probable. Depuis, de nombreux gouvernements tentent d’en encadrer l’utilisation, voire de l’interdire. Lesquels y sont parvenus? Tour d’horizon.
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Allemagne
L’Allemagne a adopté un projet de loi en février 2021 interdisant dès 2024 l’utilisation de glyphosate, malgré les contestations de la part des agriculteurs. Munich affirme vouloir réduire l’épandage de pesticides afin d’enrayer le déclin des colonies d’insectes et d’abeilles.
Mexique
Une première sur le continent américain: en décembre dernier, le Mexique a émis un décret, se donnant jusqu’à 2024 pour interdire de manière progressive l’utilisation du glyphosate. À compter du 31 janvier 2024, le pesticide sera complètement interdit sur le territoire mexicain. D’ici là, les organismes gouvernementaux doivent «s’abstenir d’acquérir ou d’utiliser le glyphosate», et l’industrie agroalimentaire mexicaine doit trouver des solutions durables.
Vietnam
Le Vietnam a interdit l’importation de pesticides contenant du glyphosate après qu’un jugement d’une cour américaine a tranché qu’il cause le cancer. Hanoï a également affirmé qu’il retirera, «dans un avenir rapproché», le glyphosate de sa liste des herbicides utilisables.
Et au Québec?
Plus près de nous, Laval a récemment interdit l’utilisation du glyphosate, vendu sur les tablettes sous le nom de Roundup, une première au Québec.
Après avoir annoncé son intention d’en bannir l’utilisation en 2019, la mairesse de Montréal Valérie Plante a finalement annoncé qu’un règlement sera présenté à la prochaine séance du conseil municipal, qui se déroulera le 23 août prochain.
Selon Mme Plante, les encadrements prévus dans le règlement en feront «l’un des plus avant-gardistes au monde».
États-Unis
Si les États-Unis n’ont pas interdit l’utilisation du glyphosate sur leur territoire, c’est plutôt Bayer, compagnie-mère de Monsanto qui fabrique le Roundup, qui a préféré retirer le fameux herbicide du marché pour s’éviter les poursuites – et les éventuels paiements d’indemnités aux victimes présumées, rapporte Radio-Canada.
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Ils ont fait marche arrière
Un certain nombre d’États ont annoncé leur intention de bannir le glyphosate, mais sont ensuite revenus sur leur décision. C’est le cas notamment de la Thaïlande qui, dans la foulée des poursuites contre Bayer, la société mère du fabricant du glyphosate Monsanto, a annoncé vouloir interdire ce pesticide sur son territoire. Un an plus tard, en 2020, le pays a fait marche arrière.
De son côté, l’Autriche devait être le premier pays européen à bannir le glyphosate en 2020, après que le Parlement a promulgué un projet de loi en 2019. Mais «une faute de procédure» a fini par infirmer le vote.
Au Canada, si le bannissement du glyphosate n’a jamais été sur la table, le gouvernement fédéral avait annoncé vouloir augmenter les limites légales permises de résidus de glyphosate dans certaines cultures, dont les légumineuses. Santé Canada proposait de doubler, voire tripler dans certains cas, les seuils pour les haricots, les pois et le blé, entre autres.
Ottawa a finalement reculé sur sa décision devant le tollé que les diverses consultations ont créé. La décision est ainsi gelée jusqu’au printemps prochain, le temps de mener davantage d’études.
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Pourquoi est-il aussi peu interdit?
Le glyphosate est un herbicide, c’est-à-dire qu’il sert à réduire la propagation des mauvaises herbes «qui entrent en compétition avec les cultures», indique le professeur en science de l’agriculture à l’Université Laval Guillaume Grégoire.
«Si les mauvaises herbes finissent par prendre le dessus sur les cultures, ça va en réduire le rendement.»
Malgré sa classification comme cancérigène probable, le glyphosate, un produit de Monsanto, une société détenue par Bayer, représente plutôt un moindre mal, affirme le spécialiste. «En réalité, si les agriculteurs ne peuvent plus utiliser le glyphosate, ils épandront d’autres herbicides encore plus toxiques.»
Cela pourrait d'ailleurs expliquer en partie le fait qu’un nombre restreint d’États dans le monde en aient interdit l’utilisation, la vente ou l’importation, ajoute-t-il.
Peu utilisé dans les villes
Plutôt utilisé pour les grandes cultures, on n’en trouve pas en grande quantité dans les milieux urbains, comme Laval ou Montréal. Les données révèlent que moins de 1% du glyphosate utilisé au Québec est épandu dans les villes. Si bannir son utilisation est un pas dans la bonne direction, dans les faits, cette interdiction n’aura donc pas un énorme impact, précise Guillaume Grégoire.
La vente libre de ce produit est d'ailleurs toujours autorisée au Canada, ajoute-t-il.
«Ce serait extrêmement difficile d’appliquer un tel règlement [qui interdit son utilisation à Laval]. Ça envoie un message, ce n’est pas inutile. Mais il ne faut pas oublier que tous les pesticides sont homologués par Santé Canada sur la base de tests pour déterminer leur sécurité, et c’est la même chose ailleurs dans le monde. On ne peut pas faire n’importe quoi.»
- Avec l’AFP