Ottawa veut accueillir 500 000 immigrants par année dès 2025

Raphaël Pirro
Le gouvernement fédéral compte rehausser ses cibles annuelles d’immigration économique et souhaite accueillir 500 000 nouveaux résidents permanents dès 2025, un chiffre qui représenterait un record historique.
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Le ministre de l’Immigration Sean Fraser a dévoilé les grandes lignes de son plan lors d’une conférence de presse dans une usine de North York, en Ontario, l’idée étant de faire valoir que l’immigration est «essentielle» à la croissance économique du pays.
La cible de cette année est établie à 431 000 nouveaux résidents permanents. Le plan triennal prévoit d’importantes augmentations dès l’année prochaine. En 2023, la cible passera à 465 000, puis à 285 000 en 2024, avant d’atteindre 500 000 en 2025.
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«Si vous remontez à 50 ans passés, vous verriez que le Canada avait sept travailleurs pour une personne retraitée. Aujourd’hui, ce chiffre est plus près de trois. D’ici 2035, sur notre trajectoire actuelle, ce chiffre pourrait être de deux», a expliqué Sean Fraser.
Ce ratio aura comme effet d’accentuer les problèmes de pénurie de main-d’œuvre, au point où l’on se demandera «comment financer les écoles et le système de santé», a-t-il prononcé.
M. Fraser entend «travailler avec les provinces» pour trouver la meilleure manière de reconnaître les diplômes et les compétences des immigrants sélectionnés et de les intégrer dans les secteurs où les besoins sont les plus pressants.
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Québec campe sur sa position
Malgré ces promesses de discuter entre paliers de gouvernement, l’annonce du ministre Fraser ne semble pas avoir changé grand-chose dans les revendications de Québec.
La nouvelle ministre caquiste de l’immigration, Christine Fréchette, a déclaré sur Twitter que le gouvernement Legault souhaite «réaffirmer que c’est au Québec de déterminer ses cibles d’immigration permanente», actuellement fixées à 50 000 par année.
«À 50 000 [immigrants] par an, le Québec accueille - toutes proportions gardées - plus d’immigrants qu’aux États-Unis ou qu’en France. Notre position demeure la même: on a besoin de plus de pouvoirs en immigration si on veut protéger le français», a déclaré la ministre Fréchette, avant d’ajouter qu’elle «poursuivrait» ses discussions avec M. Fraser.
Le Québec est la seule province qui a le droit de fixer ses seuils en matière d’immigration économique. L’Ontario souhaiterait imiter le Québec à ce chapitre, mais les discussions piétinent.
Ottawa garde le pouvoir d’accueil des réfugiés et des dossiers de réunification familiale.
Le poids du Québec en question
Une distribution proportionnelle d’immigrants par province porterait le Québec à accueillir 100 000 personnes par année, soit le double de sa cible actuelle.
«Si on ne suit pas cette tendance-là, le poids politique du Québec va se mettre à diminuer comme on le voit depuis les années 70», a déclaré Alain Therrien, leader parlementaire du Bloc québécois.
Il a réitéré que le Bloc souhaite fixer un pourcentage fixe du Québec aux Communes, ce qui permettrait à la province d’éviter la perte de pouvoir politique tout en lui permettant de maintenir la vitalité du français, selon M. Therrien.
Une motion en ce sens avait déjà été rejetée par une majorité aux Communes.
Pour le conservateur Pierre Paul-Hus, la cible annoncée par Sean Fraser «correspond aux attentes du parti, «mais on se demande comment on peut avoir des nouvelles cibles – avoir de l’ambition pour des nouveaux immigrants alors qu’il y a 2,6 millions de dossiers qui sont en arriéré actuellement au Canada».
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Le Conseil du patronat se réjouit
Le Conseil du patronat du Québec (CPQ), qui représente la voix du milieu des affaires, affirme qu’«avec ses nouvelles cibles, le gouvernement fédéral reconnaît qu'on doit faire une plus grande place à l'immigration dans les prochaines années dans le contexte de rareté de main-d'œuvre».
«Alors que toutes les autres provinces vont en profiter, Québec doit davantage considérer cette avenue pour s’attaquer à la pénurie de main-d’œuvre. Une révision des seuils du côté de Québec signifierait aussi qu’on peut ralentir la baisse de notre poids démographique dans le Canada», estime Denis Hamel, vice-président aux Politiques de développement de la main-d’œuvre de l’organisation.
Ce dernier juge que le fédéral peut toutefois «améliorer» le système déjà en place en réduisant les délais de traitement des dossiers ainsi qu’en améliorant l’accueil des immigrants francophones, dont la cible de 4,4 % est loin d’être atteinte.