TV Hebdo revisite les moments marquants de 1999-2000
Au tournant du millénaire
Steve Martin
Malgré la peur du bogue de l’an 2000, la Terre n’a pas arrêté de tourner le 1er janvier tandis que, progressivement, du pays du Soleil levant au Far West, résonnaient les 12 coups de minuit.
À LA UNE
Fortier, Tag et les frères Hébert
Au-delà du symbole de renouveau que peut représenter le passage à un autre millénaire, l’arrivée de l’an 2000 marque un âge prospère pour la fiction à la télé québécoise. Avant que le couperet tombe sur le financement de nos séries — en particulier après l’arrivée du Parti conservateur au pouvoir, en 2006 —, la production est riche, et les auteurs vedettes ne chôment pas.
En février 2000, Fabienne Larouche nous présente une psychologue clinicienne du nom d’Anne Fortier. Maladroite, secrète et d’une intelligence supérieure, cette dernière met ses talents à la disposition du Service Anti-Sociopathes (S.A.S.). Ce rôle propulse du coup Sophie Lorain dans le club sélect des têtes d’affiche de notre showbiz.
Pour leur part, les séries Tag et 2 frères nous entraînent dans un monde résolument urbain et souvent cruel: celui des ruelles, de la violence et de la délinquance. Dans la première série, signée Joanne Arseneau et Luc Dionne, le personnage principal, Tag (Luis Oliva, à peine sorti des bancs d’école), est un jeune chef de bande dont la vie bascule après qu’il a tenté le destin une fois de trop. Quant à la deuxième production, scénarisée par le prolifique tandem formé d’Anne Boyer et Michel d’Astous, un autre adolescent (Benoît Langlais) prend ce qu’on pourrait qualifier de mauvais chemin, et son frère (Daniel Thomas), un étudiant en journalisme, tente de lever le voile sur la vie parallèle que mène le benjamin de la famille Hébert.
De Chartrand au Rocket
Si 2 frères donne la chance à Élise Guilbault de faire à nouveau valoir son talent et de mousser sa cote d’amour auprès du public, Luc Picard, fraîchement sorti de la captivante saga mafieuse Omertà, connaît lui aussi une période fructueuse. Après avoir prêté ses traits au tragique Noum Guité dans L’ombre de l’épervier, le spécialiste des productions biographiques — rappelons qu’il a aussi incarné à l’écran le gourou Moïse Thériault et l’homme d’affaires Raymond Malenfant — nous propose en 2000 sa vision d’un personnage plus grand que nature, le leader syndical Michel Chartrand, dans Chartrand et Simonne.
Une autre figure mythique voit également sa vie portée à l’écran lorsque Roy Dupuis enfile le chandail numéro 9 des Canadiens dans le cadre d’une minisérie consacrée au légendaire Maurice Richard.
Malgré toutes ces vies parsemées d’embûches, le ciel n’est pas toujours gris dans notre télé, qui continue de laisser de la place à des mariages (Ent’Cadieux), à des naissances (4 et demi...) et à des émissions au ton un peu plus léger. En effet, à cette époque où l’aventure Un gars, une fille arrive à mi-parcours, Guy et Sylvie sont là pour nous rappeler que, quand on s’aime un peu, c’est bien plus facile de passer à travers tous les petits (et grands) tracas du quotidien.
Ça fait jaser
Un piment indigeste
Encore aujourd’hui, on se demande si les humoristes ne vont pas trop loin quand ils volent au ras des pâquerettes afin de provoquer quelques rires en ciblant l’apparence, l’intelligence ou la sexualité d’un individu. Au tournant du millénaire, le jeu Piment fort, animé par Normand Brathwaite, frôle dangereusement la mince ligne qui sépare la liberté d’expression de l’acharnement diffamatoire — en commentant à répétition les mœurs sexuelles d’une athlète, par exemple, ou en questionnant l’intelligence d’une chanteuse.
En l’an 2000, la marmite explose lorsque Daniel Pinard dénonce les propos — qu’il juge homophobes — des participants de l’émission, qui s’attardent un peu trop souvent à son goût aux mêmes têtes de Turc. Il faudra quelques années et quelques échanges par médias interposés avant que Normand Brathwaite et l’animateur du rendez-vous gourmand Les pieds dans les plats recollent les morceaux. Heureusement, ils ont depuis fumé le proverbial calumet de la paix.
Dans l’air du temps
L’amour gai à l’écran
Sujet traditionnellement tabou à la télé, les amours entre personnes du même sexe sont de plus en plus présentes à l’écran. On ne peut pas dire qu’on en soit à une représentation équitable, mais peu à peu, nos séries commencent à se décoincer. Au cours de cette période, deux histoires d’amour entre femmes font la une de TV Hebdo — chose inimaginable à peine 20 ans plus tôt —, celle de Sophie et Cathy (Linda Malo et Joëlle Morin) dans Virginie, et celle de Sam et Stella (Karine Lemieux et Caroline Néron) dans Diva.
Du côté des messieurs, l’année suivante sera particulièrement marquante avec le début des séries La vie, la vie à Radio-Canada et Six pieds sous terre (Six Feet Under) à HBO.
Tapis rouges et galas
Le Gala de l’ADISQ
Puisque la fièvre de La fureur continue de mettre de l’ambiance dans les chaumières une fois par semaine, il est tout à fait au goût du jour d’avoir Véronique Cloutier aux commandes de la soirée de remise des Félix.
Bruno Pelletier et Isabelle Boulay sont sacrés interprètes de l’année. De son côté, Garou fait figure de petit nouveau: le chanteur sherbrookois décroche la statuette remise à la découverte de l’année après avoir été propulsé par le spectacle Notre-Dame de Paris. La chanson Le temps des cathédrales vaut d’ailleurs à la production le prix de la meilleure chanson, coiffant à l’arrivée Calvaire, de La Chicane, devenue depuis l’hymne de ceux qui en arrachent. Renée Martel reçoit pour sa part le prix du meilleur album country, et Dubmatique fait de même du côté du rap. Après avoir lancé son album hybride Les fourmis, partiellement enregistré en spectacle, Jean Leloup remporte les honneurs de l’auteur-compositeur, de l’album rock de l’année et du clip de l’année (pour La vie est laide).
Dehors novembre vaut aux Colocs le titre de groupe de l’année à l’automne 1999, quelques mois à peine avant le triste suicide du leader de la formation, le (très) regretté André «Dédé» Fortin.
Flash actualité
La malédiction du clan Kennedy
Le scandale des prête-noms continue d’ébranler les fondations de l’entreprise montréalaise Cinar, et le grand Mohamed Ali est nommé Athlète du siècle par la BBC et le magazine Sports Illustrated. Entre-temps, la plus illustre famille politique américaine traverse un nouveau drame.
Le soir du 16 juillet 1999, John F. Kennedy Jr., surnommé John-John, son épouse, Carolyn, ainsi que Lauren Bessette, la sœur de cette dernière, trouvent la mort lorsque l’avion que pilote le journaliste, avocat et fils du 35e président des États-Unis s’écrase dans l’océan Atlantique. L’Amérique pleure de nouveau un des enfants chéris d’un clan qui a vécu sa part de tragédies au fil des années et des générations.
Télé-Zapette
- Parfois, la fin vient un peu trop vite. C’est le cas notamment pour La fin du monde est à 7 heures, qui demeure, plus que toute autre production de l’époque, un polaroid d’une époque un peu folle. Heureusement, Marc Labrèche, Jean-René Dufort, Bruno Blanchette et compagnie trouveront de nouvelles niches pour s’amuser au cours des années suivantes.
- Le Mouton noir de la télé a un nouveau berger: le commentateur vedette Jean-Luc Mongrain se joint à l’équipe du Grand journal.
- Après le succès des Filles de Caleb, l’écrivaine Arlette Cousture nous propose une incursion dans l’univers d’un groupe de romanichels de notre époque avec la série Gypsies, qui met en vedette Emmanuel Bilodeau, Benoît Brière, Fanny Mallette, Linda Roy, Robert Toupin et Markita Boies.
- Bruno Pelletier vit un des grands moments de sa carrière lorsqu’il interprète à la perfection la chanson Le temps des cathédrales, tirée du spectacle Notre-Dame-de-Paris, devant un parterre rempli de vedettes réunies à Monaco pour les World Music Awards et qu’il reçoit une ovation debout. Présents ce soir-là? Elle MacPherson, Ricky Martin, Mariah Carey, Christina Aguilera, les Backstreet Boys ainsi que Michael et Janet Jackson. Un peu de stress avec ça?
- Victime d’une crise cardiaque, le comédien Jean-Louis Millette nous quitte en septembre 1999. Il incarnait Manu Morency dans le téléroman Bouscotte, signé Victor-Lévy Beaulieu.
- Aux États-Unis, le tsunami de la téléréalité fait ses premières vagues: les émissions Survivor et Big Brother prennent d’assaut le petit écran.
- Toujours chez nos voisins du Sud, John Carpenter devient le premier gagnant d’un gros lot d’un million de dollars à l’émission Who Wants to Be a Millionaire?.
- Tandis qu’Urgences (E.R.), Ally McBeal et X-Files continuent de cartonner, de nouvelles productions qui laisseront leur marque dans les années à suivre font leurs débuts. On pense à À la Maison-Blanche (The West Wing), qui nous invite dans les coulisses du pouvoir durant le règne (fictif) du président Bartlet (Martin Sheen), et à La loi et l’ordre: Crimes sexuels (Law & Order: Special Victims Unit), toujours à l’antenne plus de deux décennies plus tard.
- Côté comédies, c’est le début de Malcolm (Malcolm in the Middle), qui met notamment en vedette un Bryan Cranston pré-Breaking Bad: Le chimiste en père de famille dysfonctionnelle un brin disjoncté.
- Le 15 janvier 2000, l’animateur David Letterman subit un quintuple pontage dans un hôpital new-yorkais. Malgré le sérieux de l’opération, il sera de retour au Late Show de CBS un peu plus d’un mois plus tard, le 21 février.
- Le 8 avril, l’émission Saturday Night Live présente un des sketchs les plus regardés à ce jour, le classique More Cowbell, qui met en vedette un Christopher Walken pince-sans-rire et un Will Ferrell déchaîné. Miraculeusement, les deux acteurs parviennent à ne pas décrocher durant ce moment loufoque devenu une pièce d’anthologie.