TV Hebdo revisite les moments marquants de 1988
Champagne, ballons et confettis
Steve Martin
Malgré la crise qui a secoué le monde de la finance à la suite du lundi noir d’octobre 1987, l’humeur semble à la célébration plutôt qu’à la morosité. Déni d’une réalité économique qui s’annonce difficile pour les années à venir ou signe d’une industrie culturelle en santé? Difficile à dire. Sans doute un peu des deux.
À LA UNE
Galas en vrac
En 1988, si on se fie au portrait tracé par les différentes unes de TV Hebdo, les réseaux s’arrachent les gros noms et tentent de créer des événements télé — émissions spéciales ou galas — qui, à l’instar du Bye Bye, feront le plein de téléspectateurs une fois par an.
C’est notamment ainsi que Jean-Pierre Coallier succède à Marguerite Blais et au regretté Gaston L’Heureux à la barre du Gala Artis, diffusé en juin, en direct de l’aréna Maurice-Richard. Comme la célébration n’a pas encore fusionné avec le Gala MetroStar, dont la troisième édition est présentée en novembre, les téléspectateurs ont droit à deux cérémonies pour le prix d’une. Au cours de cette seconde soirée, Michel Louvain, animateur de l’émission de variétés De bonne humeur, remporte pour la deuxième fois le titre de personnalité masculine de l’année, tout comme Ginette Reno du côté des femmes.
Le public du Gala des prix Gémeaux a lui aussi droit à une «double portion». La raison? Les organisateurs désirent présenter l’événement après la rentrée d’automne plutôt qu’à l’hiver. Normand Brathwaite anime donc les deuxième et troisième éditions de l’événement, le 7 février et le 18 décembre. Considérant le court laps de temps entre les deux galas, il n’est pas étonnant de voir quelques doublons chez les gagnants. Ainsi, Des dames de cœur remporte à deux reprises le prix de la meilleure série dramatique, et la bande de Rock et Belles Oreilles réalise le doublé du côté des séries humoristiques. Du côté des interprètes (Premier rôle/Série dramatique ou comédie), Angèle Coutu (L’or du temps) succède en décembre à Andrée Boucher (Des dames de cœur), et Gilbert Sicotte, l’interprète du volage Jean-Paul Belleau, est récompensé après la victoire hivernale d’un grand monsieur, Gérard Poirier (Le parc des Braves).
Et aux Oscars...
Le grand moment de fierté pour le Québec survient cependant le 11 avril, lorsque Frédéric Back remporte l’Oscar du meilleur film d’animation pour son œuvre inoubliable L’homme qui plantait des arbres, dont les acteurs Philippe Noiret et Christopher Plummer assurent la narration. Avec humilité, le cinéaste reçoit sa statuette des mains de l’acteur Tom Selleck (qui a un certain Mickey Mouse comme coprésentateur) devant un parterre rempli de vedettes. Parmi celles-ci, Cher remporte l’Oscar de la meilleure actrice pour son rôle dans Moonstruck, et Michael Douglas fait de même du côté des hommes grâce à son interprétation du cupide Gordon Gekko dans Wall Street. Quant au trophée du meilleur film, il revient au Dernier empereur, de Bernardo Bertolucci.
Ça fait jaser
Bye-bye cow-boy, bonjour Mitsou!
Dans le showbiz, certains artistes gagnent la faveur du public à force de temps et de patience alors que d’autres débarquent sur nos écrans et ont l’effet d’une bombe. Après que Madonna a pavé la voie à de nouvelles vedettes de la pop assumant leur sexualité, une toute jeune Mitsou, âgée d’à peine 18 ans, fait tourner les têtes et parvient dès son premier essai à obtenir l’attention du public.
Il faut dire que la mélodie de son succès Bye-bye mon cowboy est accrocheuse, et le clip, au goût du jour. Les années peace and love sont bien loin et, comme nous l’a si bien rappelé une certaine Cindy Lauper quelques années plus tôt, les filles veulent elles aussi avoir du plaisir — une philosophie qu’incarne très bien la petite-fille de Gratien Gélinas.
Flash Actualité
Controverses et tremblement de terre
En 1988, la Cour suprême du Canada rend la décision R. c. Morgentaler, qui permet la décriminalisation de l’avortement. Cette victoire pour la liberté des femmes est loin de plaire aux membres de certains cercles conservateurs.
Un autre personnage controversé, l’écrivain britannique Salman Rushdie, publie son roman Les versets sataniques, qui lui vaudra bien des menaces de mort.
À l’été, le grand Félix Leclerc nous quitte, mais laisse derrière lui nombre de chansons qui font aujourd’hui partie de notre patrimoine.
Pour une partie du Québec, l’année s’achève par ailleurs sur une note spectaculaire, voire terrifiante. Le 25 novembre, à 18 h 46, un tremblement de terre d’une magnitude de 6,0 sur l’échelle de Richter secoue le Saguenay–Lac-Saint-Jean et les régions avoisinantes. Les effets du séisme, dont l’épicentre se situe à 36 km de Chicoutimi, se font sentir de Halifax à Toronto et même jusqu’à Washington. Et cette fois, il ne s’agit pas d’une de ces fameuses exagérations dont les Saguenéens ont le secret.
Tendance
Les rois de la pub
Les humoristes sont les nouveaux rois de la pub au Québec. On se souvient que, à une certaine époque, une publicité de Loto-Québec qui mettait en scène Michel Courtemanche se balançant sur un lustre avait valu à ses concepteurs un prix prestigieux à Cannes. En 1988, ce sont plutôt Daniel Lemire (Listerine), André-Philippe Gagnon (General Motors) et, surtout, Claude Meunier (Pepsi) qui nous aident à renouer avec les «pauses commerciales» et nous convainquent de passer à la caisse pour récompenser leurs efforts. Allez, hop... Cascade!
La série de l’heure
Lance et compte 2: le retour du Chat et l’arrivée d’une séductrice
Après le succès phénoménal de Lance et compte, il fallait bien s’attendre à ce que Pierre Lambert (Carl Marotte) chausse de nouveau ses patins, le temps de nouvelles intrigues se déroulant non seulement sur la patinoire, mais aussi — surtout — en dehors, parfois même jusque dans la chambre à coucher des intrépides hockeyeurs. Cette fois, le Chat se joint à l’équipe du Canada à l’occasion d’une Coupe du monde qui mène nos porte-couleurs à Fribourg, à Paris et à Moscou. Le «vieux» Marc Gagnon (Marc Messier) est pour sa part passé de l’autre côté du banc et dirige le National.
Cette deuxième cuvée à saveur internationale met également en scène Sergei Koulikov (Andrzej Zagora), le meilleur joueur de l’équipe soviétique, qui veut déserter son pays tandis que, dans la réalité, l’URSS et le mur de Berlin sont sur le point de s’effondrer. Comme quoi la fiction se fait parfois l’écho de la vraie vie... Plusieurs adolescents de l’époque se souviendront par ailleurs avec un certain émoi de la séduisante traductrice (et accessoirement délatrice) Natascha Michkin, incarnée par l’actrice d’origine polonaise Alexandra Lorska.
Voilà du bonbon pour la bande de RBO qui, en parallèle sur un autre réseau, propose sa version alternative de la série signée Réjean Tremblay, Snappe pis bourdonne. Go, go, go!
De Calgary à Séoul
L’olympisme canadien à l’heure du scandale Ben Johnson
Le 13 février, tous les regards sont tournés vers Calgary tandis que le Canada accueille pour la première fois les Jeux d’hiver. Aucun de nos représentants ne décroche l’or. Notre modeste récolte compte cinq médailles, dont deux d’argent remportées par les patineurs Brian Orser et Elizabeth Manley.
Le Canada fait bonne figure à titre de pays hôte, mais les choses se gâtent à l’été lorsque sa réputation est entachée par l’affaire Ben Johnson. Victorieux au 100 m le 24 septembre avec un nouveau record du monde (9,79 secondes), le sprinter est disqualifié après qu’on eut trouvé du stanozolol dans son organisme. Il a depuis clamé avoir été victime d’un complot, mais demeure à ce jour associé à ce scandale.
À Séoul, le Canada remporte par ailleurs 10 médailles, dont 3 d’or, décrochées par le boxeur Lennox Lewis ainsi que les nageuses synchronisées Carolyn Waldo et Michelle Cameron.
Télé-Zapette
- Les plaques tectoniques bougent du côté de l’information: après 28 ans à la barre du Téléjournal, Bernard Derome est poussé vers la sortie par Radio-Canada. Quant à Pierre Nadeau, qu’on croyait indissociable de la société d’État, il trouve une nouvelle antenne à TVA au moment où Sophie Thibault fait ses débuts à la télé.
- Janette Bertrand fait un cadeau inestimable à Ginette Reno: un rôle dans un épisode de sa série de dramatiques Avec un grand A.
- Les âmes romantiques ont trouvé une nouvelle histoire d’amour impossible à se mettre sous la dent: l’adaptation moderne et urbaine du conte La Belle et la Bête, qui met en vedette Linda Hamilton et Ron Perlman. Des années plus tard, ce dernier incarnera — sans maquillage, cette fois — le leader de la bande de motards de Sons of Anarchy. Vous le replacez, maintenant?
- Dans L’héritage, un personnage pivot de la saga familiale — le tortueux patriarche de la famille, Xavier Galarneau, incarné avec intensité par le grand Gilles Pelletier — rend l’âme au terme d’une scène épique.
- Si les choses prennent une tournure dramatique à Trois-Pistoles, ça ne va pas mieux dans Dallas: les télé-spectateurs qui suivent la saison présentée au Québec doivent dire adieu à Bobby (Patrick Duffy). Est-ce vraiment la fin pour l’héritier Ewing? Mystère et boule de gomme — ou, plutôt, mystère et baril de pétrole.
- Pour un groupe d’humoristes canadiens, c’est le début d’une grande aventure. Les Kids in the Hall enregistrent le pilote de ce qui deviendra une émission culte diffusée à l’antenne de HBO et de la CBC.
- Côté scandales, la réputation du télévangéliste Jimmy Swaggart est mise à mal à la suite d’une sulfureuse affaire de mœurs impliquant des prostituées. Le preacher doit mettre fin à son émission, le temps de demander pardon à Dieu... et à son épouse, peut-on présumer.
- Qui a dit que la publicité n’avait pas d’impact? Grâce au succès d’une série de pubs, les California Raisins permettent à la chanson I Heard It Through the Grapevine, de Marvin Gaye, de faire un retour dans le Top 100 du magazine Billboard.
- Moment important dans la carrière de Céline Dion: elle remporte — au nom de la Suisse — le concours Eurovision, présenté en Irlande, avec Ne partez pas sans moi. Comme nous l’apprendrons des années plus tard, l’événement marque également un tournant dans la relation de la chanteuse avec son impresario, René Angelil.
- Aux États-Unis, Magnum P.I. tire sa révérence, et la série à saveur nostalgique The Wonder Years fait ses débuts après la présentation du XXIIe Super Bowl, le 31 janvier. L’équipe gagnante? Les Redskins de Washington.
- Les sitcoms Roseanne (18 octobre) et Murphy Brown (14 novembre) font également leurs débuts, et le Discovery Channel présente pour la première fois sa traditionnelle Shark Week.
- Nés en 1988: Rihanna (20 février), Haley Joel Osment (10 avril), Michael Cera (7 juin), Alicia Vikander (3 octobre), Melissa Benoist (4 octobre) et Emma Stone (6 novembre).