«On est dans le néant»: les délais de branchement d’Hydro-Québec font rager de nouveaux propriétaires
David Descôteaux
Alors que la saison du déménagement approche, des propriétaires de nouveaux immeubles s’inquiètent de devoir payer de leurs poches des génératrices ou des motels à leurs locataires parce qu’Hydro-Québec tarde à brancher leurs immeubles.
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India Venne est une entrepreneure dans l’immobilier. Elle se fait construire en ce moment un immeuble de sept logements dans la municipalité de Lanoraie, dans Lanaudière. Son immeuble sera livré le 1er juin 2023. À cette date, cinq locataires doivent emménager, et deux autres entreront le 1er juillet.
Il s’agit d’appartements de 1300 pieds carrés, insonorisés, avec grande fenestration, comptoirs en quartz, système de caméras de surveillance et garage.
Le problème: l’immeuble n’a pas d’électricité, et risque de ne pas en avoir avant quelques mois. «Nous avons fait une demande de raccordement à Hydro-Québec en janvier. Cela fait maintenant quatre mois et personne n’a encore analysé notre dossier. C’est stressant», raconte la jeune femme de 26 ans.
India a pourtant d’autres immeubles sur la même rue, construits en 2019 et en 2020, et n’a jamais vécu une telle situation. «Pour nos autres immeubles, nous n’avions jamais rencontré de tels délais, on parlait d’une à deux semaines d’attentes. Mais là, on va peut-être devoir louer des génératrices, acheter de l’essence et dépenser des milliers de dollars pendant des mois si le branchement se fait attendre», dit-elle.
Réponse d’Hydro
Chez Hydro-Québec, on répond que «puisque le branchement nécessite des modifications au réseau, des travaux d’ingénierie sont nécessaires. Tant que l’ingénierie n’est pas terminée, nous ne pouvons pas donner d’échéancier à la cliente.»
L’immeuble d’India nécessite une analyse d’ingénierie. Hydro doit changer un transformateur. Pour ces cas, qu’Hydro-Québec désigne comme n’étant pas «simples», la demande – et les délais – ont explosé depuis la pandémie, et se situent généralement entre 12 et 18 mois.
«Le problème, c’est que tu ne peux pas appeler un an d’avance Hydro-Québec pour faire ton branchement. Il faut que ta chambre électrique soit prête pour accueillir le raccordement», explique India Venne, qui dit ne pas être la seule propriétaire d’immeubles à vivre ces désagréments.
«Si au moins on nous donnait un échéancier. Est-ce qu’ils vont venir dans un mois, trois mois, dix mois? On ne sait pas, on est dans le néant. Moi j’ai des familles et des télétravailleurs qui vont avoir besoin d’internet, alors là je dois me préparer un plan B...», dit-elle.
- Écoutez la chronique économique avec Sylvain Larocque, journaliste économique au Journal de Montréal et au Journal de Québec au micro de Richard Martineau via QUB radio :
Absorber les coûts
«Les gens tiennent pour acquis Hydro-Québec», fait remarquer Mélanie Bergeron, courtier immobilier chez Proprio Direct. «On se dit qu’Hydro-Québec c’est facile, c’est simple... mais non. Ça peut être simple pour les changements d’adresse et les transferts de propriété, mais quand il est question des nouveaux branchements, on a eu plusieurs exemples dans les médias où ça prend vraiment beaucoup de temps», dit-elle.
Dans le cas d’India, si le branchement tarde ce sera difficile pour elle d’absorber les coûts. «Il y a une limite à monter les loyers. Les propriétaires peuvent se rattraper un peu, mais ils devront absorber ces dépenses», dit-elle.
«On est en pénurie de logements, et nous, on tente de développer dans un contexte difficile avec les taux d’intérêt, le prix des matériaux et le manque de main-d’œuvre. C’est la moindre des choses qu’on puisse fournir l’électricité à nos locataires lors de leur déménagement, il me semble», conclut India Venne.