On a testé le passeport vaccinal en allant au restaurant et voici ce qui s’est passé
Caroline G. Murphy et Philippe Melbourne Dufour
Ça y est.
Depuis le 1er septembre 2021, les personnes souhaitant faire une activité non essentielle à l'intérieur des frontières du Québec doivent présenter une preuve de vaccination.
Faites pas les surpris (comme pas mal de gens qu’on a vus), ça fait des semaines qu’on en parle.
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Toujours à l'affût des grands changements sociétaux, l’équipe du Sac a décidé d’aller tester son application VaxiCode dans un restaurant de la Belle Province. Mais plutôt que d’aller dans un établissement culinaire à Montréal ou à Québec, on a choisi de visiter un casse-croûte très populaire, établi à l’intérieur d’une station-service, à 150 mètres de la «ligne» qui sépare le Québec du Nouveau-Brunswick.
Audacieux.
Bon, c’était surtout parce que c'est là que les auteurs de ces lignes se trouvaient au moment où l’idée d’aller tester le passeport vaccinal a été approuvée en meeting, mais aussi parce qu’on trouvait ça exotique de déjeuner dans une station-service.
De plus, on ajoutait un niveau de difficulté à notre sortie, car au Nouveau-Brunswick (d’où arrivent normalement plein de clients du resto), les mesures sanitaires n'existent à peu près plus. Même le port du masque n’est plus obligatoire. Beau bordel à venir quand les Néo-Brunswickois pas de passeport allaient tenter de venir manger deux œufs-bacon, n’est-ce pas?
Oui.
Petit brouhaha
Nous sommes arrivés au resto un peu avant 11h, heure locale. La salle à manger était complètement déserte.
Devant nous, seul à l'accueil, un homme expliquait en anglais aux serveuses du restaurant qu’il était vacciné, mais qu’il n'avait pas de preuve, étant donné qu’il venait du Nouveau-Brunswick (on ne comprend pas trop cette excuse-là parce qu’eux aussi se font donner un papier avec une preuve de vaccin, mais bon). Il a fini par partir sans manger après s’être fait expliquer «No vaccine, no eat».
- Petite note pour les habitants des autres provinces: une preuve vaccinale écrite avec une carte d'identité avec photo convient pour entrer dans les resto du Québec!
Ça commençait sur les chapeaux de roues, ce déjeuner-là.
C’était enfin à notre tour de faire scanner nos applications par une dame tenant un iPad. Pour Philippe, ça s’est bien passé, mais pour Caroline, ça ne marchait pas.
L’employée a dû faire appel à sa collègue, manifestement celle de la gang qui avait reçu la formation sur la tablette, car en quelques secondes à peine, le scannage du code QR a fonctionné. Avec du recul, on pense que le problème, c’était la luminosité du téléphone de Caroline, qui est toujours basse, ce qui empêche de bien lire un code QR. Fatigante.
Ensuite, on a dû fournir quelques informations, comme notre province de résidence et notre numéro de téléphone. Aussi simple que ça. Par contre, personne n’a étampé notre téléphone-passeport, ce qui nous a rendus tristes.
Le cordon qui sépare le vulgaire corridor d’entrée de la somptueuse salle à manger pour gens adéquatement protégés s’est déroulé devant nous. À nous les patates déjeuner et la tranquillité.
C’était sans compter l'arrivée de deux femmes qui parlaient ben fort.
«ARE YOU OPEN?» ont-elles crié à la serveuse alors qu’elle était en train de nous guider à notre table, ce qui nous laisse croire qu’il ne s’agissait pas de personnes très observatrices.
Une autre employée (la pro du iPad) est alors venue leur expliquer qu’elles ne pourraient pas être servies si elles n’avaient pas de preuve de vaccination. «WHAT YOU’RE DOING IS ILLEGAL», a lancé l'une des deux madames qui parlaient fort en se virant de bord pour prendre la porte rapidement.
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Ouf.
Après le petit brouhaha, nous nous sommes assis à notre table. Le restaurant était toujours vide, et nous venions de voir trois personnes partir sans manger. Ça augurait mal. On était déjà prêts à donner 25% de pourboire parce que coudonc, ce n’est pas de la faute des serveuses, cette pandémie-là.
Heureusement, telle la position de Horacio Arruda sur le masque en temps de pandémie, tout a changé très rapidement.
Une vague d’espoir
En peu de temps, cinq ou six groupes venant de plusieurs provinces différentes (on vous l’avait dit que c’était un spot populaire) se sont pointés, preuve de vaccination à la main.
Pendant qu'on recevait nos oeufs et qu'on les dégustait, seulement un autre couple a choisi de revirer de bord en se faisant demander une preuve vaccinale. «Let’s forget it», a lancé le monsieur en quittant le restaurant d'un air de personne au-dessus de ça, une pandémie.
Au moment de manger notre dernière bouchée de bines, le resto s’était rempli de clients. Même des Ontariens semblaient contents d’être là. «On n'a pas ça chez nous encore le passeport, mais c’est bien», a-t-on entendu à la table d'à côté.
Ci-dessus, Caroline, heureuse d'être adéquatement protégée pour manger son déjeuner «Le long parcours».
«Pis, avez-vous de la broue dans le toupet?» Avons-nous demandé à Ginette, qui nous faisait payer notre facture. «Oui, ça va prendre quelques jours d’adaptation. Mais on n'a pas le choix de le demander à tout le monde. On veut être habitués. Si un inspecteur vient au restaurant, on va être prêts.»
Nous avons souri à Ginette, qui devra sûrement faire face à quelques autres clients malcommodes, malheureusement.
Au moment de partir, quelques groupes attendaient pour avoir des tables. Ils avaient tous leurs papiers.
Tout le monde avait l’air de bonne humeur. Après tout, est-ce vraiment une expérience de brunch si on n’attend pas à l’entrée?
Et donc?
Selon ce que nous avons constaté (en étudiant un seul lieu évidemment; on n’allait quand même pas manger quatre brunchs non plus), tout semble s’être bien déroulé, sauf pour quelques petits accrochages avec des clients non québécois. Mais tsé, comme nous l'a confié un client, «Ils savaient qu’ils ne pourraient pas rentrer. Tout le monde en parle de l’autre côté de la frontière que ça prendrait une preuve de vaccin pour aller au resto au Québec. Ils ont juste essayé pareil. Il y a des restos à cinq minutes d’ici, ils peuvent y aller.»
Faque c'est ça.
C'était bon. Ça goûtait la paix pis le bacon.