On a testé le dépistage au privé et au public... et c'est deux mondes bien différents
Anne-Sophie Poiré, Gabriel Ouimet, Julien Lamoureux et Élizabeth Ménard
- Trois de nos journalistes se sont fait tester pour la COVID-19 aujourd'hui, l'un dans une clinique privée, les deux autres au public.
- Constat: il est très compliqué de se faire dépister au public aujourd'hui puisque plusieurs cliniques avaient atteint le maximum de leur capacité dès la matinée.
- La clinique privée que nous avons choisie continuait d'accepter des clients à notre arrivée sur l'heure du midi.
Files d’attente interminables, cliniques de dépistage au maximum de leur capacité dès la matinée, distribution de tests rapides: il fallait s’armer de patience pour se faire dépister aujourd’hui dans le grand Montréal alors que les cas de COVID-19 ont atteint un record et que l’offre ne suit plus la demande. Trois de nos journalistes qui avaient des raisons valables de se faire tester ont documenté leur expérience. L’un est allé au privé, où on continuait d’accepter des clients sur l’heure du midi, les deux autres ont vécu une expérience chaotique au public, où ils ont dû faire la file dès 7 heures du matin.
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Journaliste: Anne-Sophie Poiré
Endroit: Centre de dépistage Louis-Blériot, Mascouche
Service public
Type de test souhaité: PCR
Raison: Contact avec un cas confirmé.
Temps d’attente total: Près de 6 heures en file ou 28 heures si on compte à partir du moment où je me suis rendue à l'Hôtel-Dieu, hier.
Heure du test: 18h20
Résultat: À venir.
J’ai appris hier qu’une amie avec qui j’ai soupé ce week-end avait contracté la COVID-19. Je me suis aussitôt dirigée vers l’Hôtel-Dieu, l’une des cliniques sans rendez-vous de Montréal.
Après une heure d’attente, on m’a dit de revenir demain. «On est complet pour aujourd’hui», m’a indiqué une employée vers 13h.
Je suis donc rentrée à la maison, bredouille. J’ai contacté quelques personnes dans mon entourage qui avaient réussi à se faire tester.
«J’ai attendu 4 heures dehors à Chauveau. J’étais congelé», prévient un ami.
«Je me suis levée à 5h du matin pour avoir une place au sans rendez-vous au centre de dépistage de Villeray et Petite-Patrie», m’informe une autre.
Voulant éviter de faire la queue dans le froid – et me faire virer de bord – comme la veille, je me suis rendue à 7h du matin à la clinique de dépistage à l’auto de Mascouche, qui ouvrait à 8h.
Si Montréal est saturée, la situation sera peut-être différente à 35 kilomètres de la maison.
J’avais tout faux.
Après avoir patienté deux heures dans un attroupement de citoyens impatients, où certains dépassaient des voitures déjà en file en faisant aller le son de leur klaxon, une employée — visiblement excédée — m’annonce que je devrai revenir à 15h.
«Des gens sont arrivés à 3h30 ce matin pour réussir à se faire tester à 9h», ont lancé tour à tour deux employés du CISSS de Lanaudière qui remettaient des coupons de préenregistrement.
15 h: retour au bout de la file, mais avec un rendez-vous cette fois. Quoi que...
Après plus de 24 heures à tenter d’obtenir un test PCR, j'ai finalement pu faire le test vers 18h20. J'attends maintenant les résultats.
Journaliste: Julien Lamoureux
Endroit: Clinique de dépistage au volant GoTestRapide de Saint-Laurent, à Montréal
Service privé
Heure du test: 14h24
Type de test souhaité : PCR
Raison : Nez congestionné, toux occasionnelle
Temps d’attente total: 1h54
Résultat: À venir
Ayant de légers symptômes et pour les besoins de ce reportage, je me suis rendu dans une clinique de dépistage privée pour y passer un test PCR.
J'ai trouvé une clinique qui offre des tests au volant, directement par la vitre de la voiture. Il faut réserver en ligne, payer, puis se rendre dans une des cliniques sans rendez-vous.
Coût total: 175$ plus taxes. On offre aussi de venir tester les gens directement chez eux pour 265$. Le marketing du site vise surtout les voyageurs qui doivent quitter le pays avec un résultat négatif.
En route, je croise la clinique publique près du métro Crémazie. La file se rend jusqu’au coin de la rue et tourne sur la rue transversale. Je n’en vois pas le bout. Heureusement, il ne fait pas trop froid aujourd’hui, me dis-je en m’éloignant, dans le confort du véhicule qui me servira de salle d’attente.
Une fois arrivé sur les lieux, je constate que les cliniques privées sont elles aussi bien achalandées.
Au bout de la rangée de voitures dont le moteur tourne sans arrêt pendant près de deux heures, j’arrête le véhicule sous une grande tente. À l’inscription, on ne me demande pas la raison de ma visite.
Une infirmière s’approche de ma fenêtre, confirme mon identité et insère l’écouvillon rapidement dans chacune de mes narines. En 15 secondes, c’est terminé.
«J’aurai mon résultat par courriel?
– Oui, bonne journée!»
En tout et partout, je suis parti de chez moi pendant moins de trois heures.
Contrairement à celles et ceux qui se rendent dans les cliniques publiques, je n’ai jamais douté du fait que je pourrais me faire tester aujourd'hui. Et j’ai pu tuer le temps à écouter des balados sans me soucier du masque et de la distanciation sociale.
On me promet que, d’ici 24 heures, je saurai si mon nez congestionné est vraiment juste dû à un rhume.
Journaliste: Gabriel Ouimet
Endroit: CLSC de la visitation, Montréal
Service public
Heure du test: 10h45
Type de test souhaité: PCR, mais on me donnera finalement un test rapide à faire à la maison.
Raison: Mal de gorge, mal de tête, nez qui coule et fatigue.
Temps d’attente total: 2h30
Résultat: négatif en 15 minutes
Présentant des symptômes, je suis arrivé sur place à 7h20, alors que la clinique ouvrait officiellement à 8h, dans l’espoir de pouvoir me faire tester en clinique à l’aide d’un test PCR. Je ne suis visiblement pas le seul: une quinzaine de personnes étaient déjà en ligne à mon arrivée. À peine 15 minutes plus tard, il m’était impossible de voir le bout de la file derrière moi, puisque des dizaines de personnes s’y sont ajoutées. Le flot de nouveaux arrivés n’a d’ailleurs jamais cessé.
À 8h, heure à laquelle la clinique devait ouvrir, la rumeur veut que l’heure d’ouverture inscrite sur le site soit erronée: l’établissement ouvrirait plutôt à 10h. Découragés et en colère, certains décident de partir. Presque une heure plus tard, soit vers 08h50, des employés de l’établissement sortent et commencent le triage dans la file.
«Pourquoi venez-vous vous faire tester aujourd’hui?» demandent-ils à chacun.
Dépendant de la réponse, deux scénarios se profilent:
- Ceux qui ont des symptômes, comme moi, se font donner une trousse contenant deux tests rapides, à faire dans un intervalle de 24 heures. Si un seul des résultats est positif, nous devons revenir pour confirmer le diagnostic avec un test PCR en clinique. Si les résultats sont négatifs, malgré les symptômes, l’employée sur place me souhaite de «passer de joyeuses Fêtes avec mes proches», puisque le test est «fiable».
- Les gens qui ne présentent pas de symptômes, mais qui ont été en contact avec quelqu’un de positif se voient remettre un billet afin de revenir vers 10h30. Ils passeront un test PCR. Idem pour ceux qui ont eu un résultat positif à un test rapide.
Mon résultat s’avère négatif. Je dois faire un deuxième test demain.