Injustice: «Nous ne sommes pas tous égaux devant les changements climatiques»
Anne-Sophie Poiré
Une femme multiplie les crises d’asthme dues à la mauvaise qualité de l’air de son quartier; une famille immigrée est forcée d’habiter dans un îlot de chaleur à cause du coût de la vie; les membres d’une réserve autochtone récoltent une pêche insuffisante parce que le lac n’a pas assez gelé: la crise climatique creuse les inégalités sociales déjà existantes allant jusqu’à créer de nouvelles injustices.
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«Nous ne sommes pas tous égaux devant les changements climatiques», lance d’emblée la présidente de l’Association québécoise des médecins pour l’environnement (AQME), Claudel Pétrin-Desrosiers.
Au Québec, et partout sur la planète, les populations vulnérables sont les premières bouleversées par la crise.
«Les Premières Nations, les femmes, les jeunes, les personnes racisées, les plus démunies ou celles en situation de handicap, ce sont les personnes marginalisées qui sont démesurément touchées par les changements climatiques», détaille l’analyste des politiques et des campagnes à Oxfam-Québec, Catherine Caron.
Les plus démunis, les plus affectés
Ce que ces groupes ont en commun? Ils sont plus susceptibles de vivre dans de faibles conditions socioéconomiques.
«Ceux qui sont désavantagés au niveau financier ont moins de moyens pour s’adapter à la crise contrairement aux plus fortunés», précise la responsable de campagnes d'Amnistie internationale Canada francophone, Colette Lelièvre.
Une personne qui habite un 3 1⁄2 mal aéré d’un quartier sans arbre à côté d’une autoroute, par exemple, ne subira pas la canicule de la même façon qu’une autre vivant dans une grande maison climatisée à l’ombre d’un terrain boisé.
Même chose pour les Premières Nations, dont la pratique d’activités traditionnelles comme la chasse et la pêche est menacée en raison de la modification trop rapide du climat.
Moins de GES, plus de conséquences
Les personnes déjà démunies subissent plus durement les impacts des phénomènes météorologiques extrêmes.
Pourtant, elles n’ont que très peu contribué à la crise climatique actuelle. Parce que moins on consomme, moins on émet de gaz à effet de serre (GES).
«C’est surtout ça l’idée de l’injustice climatique», résume la Dre Pétrin-Desrosiers.
Au Canada, entre 1990 et 2015, les 10% les plus riches de la population étaient à eux seuls responsables du quart des émissions de CO2 cumulées, selon un rapport d’Oxfam publié en septembre 2020.
C’est presque autant que les 50% les plus pauvres de la population du pays, qui n’ont émis que 28% des GES sur cette même période.
«Ce qui est important de mentionner quand on parle de justice climatique, c’est que ce ne sont pas les émissions de GES de tout le monde qui ont explosé dans les dernières années», ajoute Catherine Caron d’Oxfam-Québec.
Faire sa juste part
La solution à l’injustice climatique ne doit pas passer par la charité, mais plutôt par la responsabilité, s’accordent les experts consultés par le 24 heures.
«Tout le monde doit diminuer ses émissions de GES, mais les plus gros pollueurs, que ce soient les pays riches ou les entreprises, doivent faire leur juste part puisque ce sont eux les responsables de la crise climatique actuelle», rappelle Mme Caron.
Et la transition écologique doit être juste et inclusive, souligne la directrice de la Fondation David-Suzuki au Québec, Sabaa Khan.
«La solution à la crise n’est pas que tout le monde s’achète des véhicules électriques. Il faut investir dans le transport en commun» illustre-t-elle.
«On doit penser à ces personnes qui n’ont jamais été incluses dans les décisions, mais qui écopent le plus du développement économique», poursuit Mme Khan.