«Stupéfaite», une ex-ministre libérale ne mâche pas ses mots au sujet du gouvernement Trudeau
Élizabeth Ménard
L’ex-ministre de l’Environnement de Justin Trudeau, Catherine McKenna, estime qu’il faut réformer le régime qui permet à des entreprises privées d’avoir accès aux plus hautes instances gouvernementales derrière des portes closes.
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«Stupéfaite» des chiffres compilés par 24 heures et le Bureau d’enquête sur le nombre de rencontres entre les lobbyistes de l’industrie fossile et le gouvernement, Catherine McKenna dénonce vivement le système en place.
«Je ne sais pas pourquoi nous permettons que de grandes entreprises privées qui, dans ce cas-ci, causent la crise climatique aient un accès privilégié au gouvernement et des rencontres durant lesquelles on ne sait pas ce qui se dit», lance-t-elle.
Mme McKenna, qui a été aux premières loges du lobbying intensif de l’industrie lorsqu’elle était ministre de l’Environnement, de 2015 à 2021, est sans équivoque: «Ces lobbyistes se battent contre l’action climatique. Ils se battent contre chaque politique. Ils veulent qu’elles soient repoussées, affaiblies ou bien demandent à recevoir des subventions de la part des contribuables.»
Aujourd’hui à la tête d’une firme d’experts-conseils en développement durable, l’ancienne ministre donne en exemple le crédit d’impôt à l’investissement pour le captage, l’utilisation et le stockage du carbone, qui a récemment été modifié pour s’appliquer aux projets des entreprises qui veulent forer plus de pétrole.
«Ça n’aurait jamais dû arriver. Mais, clairement, les lobbyistes pétrogaziers ont poussé pour ça», croit Mme McKenna, qui est également présidente d’un comité d’experts de l’ONU sur la carboneutralité.
L’influence de l’industrie sur les politiques publiques a été largement documentée par de nombreuses enquêtes journalistiques. En juin, le média indépendant The Narwhal a révélé qu’un employé de la pétrolière Suncor avait collaboré à la rédaction de la Stratégie de gestion du carbone du Canada et que le gouvernement avait tenté de le cacher.
Le bien commun
La sénatrice indépendante Rosa Galvez estime elle aussi qu’il faut revoir la Loi sur le lobbying. «C’est seulement un inventaire de rencontres où il ne figure aucun détail», déplore-t-elle.
Catherine McKenna insiste sur le fait que l’industrie des combustibles fossiles n’a pas le bien commun à cœur, au contraire des groupes environnementaux, mais travaille plutôt pour ses propres intérêts.
«Nous donnons un accès privilégié à des entreprises qui font des profits historiques, qui n’investissent pas ces profits dans la transition et les solutions propres, ils les retournent à leurs actionnaires qui ne sont majoritairement pas canadiens, et après ils demandent qu’on subventionne la pollution qu’ils ont causée, pendant que les Canadiens doivent payer plus cher pour le pétrole et le gaz pour se chauffer.»