Notre voyage au pays de Richard Séguin (à Pointe-aux-Trembles)
Caroline G. Murphy
Formule E, Festival Juste pour rire, Zoofest; Montréal est en effervescence, du haut de ses 375 ans. Le centre-ville bourdonne d’activités. Nous nous sommes éloignés un peu du tumulte, filant sous les cheminées de l’est de la ville, direction Pointe-aux-Trembles, pour entendre la légende locale: Richard Séguin.
Dans le quartier où il a jadis promis de ne jamais vieillir (c'est raté mais ça lui va à merveille) et de ne jamais mourir (à date, ça va), le troubadour donnait un spectacle gratuit, sous des arbres si majestueux qu'ils faisaient presque de l'ombre à la splendeur de sa chevelure. Mais pas vraiment.
Ici, à Pointe-O, tout est Richard Séguin. C'est Séguinland. Dans le coin, Richard est autant une attraction que Metallica à Québec.
«Vous venez voir Richard Séguin?», demande le Pointe-aux-Trembleux à la caisse du snack à hot dog/crèmerie/dépanneur-où-y-a-plus-de-bière-désolé auquel on s’arrête quelques minutes avant le show.
L'homme s’enligne pour faire des affaires d'or, à grands coups de crèmes molles et de steamés cuits dans son arrière-boutique, sur un poêle comme celui qu’on a chez nous.
On a demandé où était le spectacle exactement, mais les indications ne nous ont pas été vraiment utiles: suffisait de suivre la foule armée de chaises pliantes.
Sous un soleil de fin de journée, le parc Marcel-Léger s’est transformé en camping de bord d’autoroute en plein Noël du campeur.
Pas moyen de se trouver une place debout sans importuner un résident de l’est venu avec sa chaise pliante. Écouter un spectacle extérieur debout? Hey, on n'est pas à Osheaga icitte! Un Pointe-aux-trembliers nous signifie d’ailleurs qu’on a un beau spot de disponible devant les bacs à recyclage, là où on ne cachera personne. Merci.
7h00 tapant, la fierté des Pointus s’amène sur scène en même temps que la magie. Sur sa courroie de guitare en cuir: assez de franges pour habiller une famille country pendant un an. Sur sa tête: des cheveux à mettre en colère Guy Lafleur.
Richard enfile les classiques et les récents succès au grand plaisir des Trembleux qui iront à un certain moment jusqu’à esquisser un mouvement de tête en communion. Le party est pogné. Un fan particulièrement enthousiaste a même traîné son tambourin.
Et ça, on va se le dire: c'est non. Si Richard avait voulu avoir des percussions, il aurait engagé un percussionniste. Merci.
Quand le barde du bout de l'île entonne les premières paroles de «Sous les cheminées», une chanson dédiée à son Pointe-Aux-Trembles natal, «un quartier qui n’a pas été souvent chanté», la foule s’éveille et tape sur tous les temps. Mais pas autant que pendant «Journée d’Amérique», la seule pièce qui a réussi à faire lever (littéralement) la foule tremblo-pointaise.
Alternant entre chansons poétiques, hymnes revendicateurs et succès radio remaniés pour son orchestre sans batterie (mis à part le tambourin du gars du public), Richard Séguin a offert aux chaises pliantes assemblées une heure trente expliquant pourquoi le Québec l'aime depuis presque 50 ans.
Si Bob Dylan avait une belle voix, Richard Séguin serait le Bob Dylan du Québec. Comme ce n'est pas le cas, on va dire que c'est le Bruce Springsteen du bout de l'île. Et on le remercie.
Laissez-nous conclure ce texte comme Richard a conclu son tour de chant: les bras dans les airs, le doigt pointé vers les cieux, la guitare en bandoulière, en criant «POINTE-AUX-TREMBLES!»
Merci.
- Avec la délicieuse collaboration de Mathieu «Double vie» Charlebois