Notre bureau d'enquête fait bouger les choses
La Caisse de dépôt a congédié quatre personnes à la suite de nos reportages sur des pratiques douteuses
Jean-Louis Fortin, Sarah-Maude Lefebvre et Jean-François Cloutier
Les révélations de notre Bureau d’enquête ont fait la manchette tout au long de l’année 2019. Nos reportages ont notamment forcé un grand ménage à la Caisse de dépôt, qui a revu le code d’éthique d’une de ses filiales et congédié des cadres soupçonnés de « manquements sérieux et inacceptables ». C’est aussi notre travail qui a amené le greffier de la Ville de Terrebonne à quitter son emploi et la Commission municipale du Québec à ouvrir une enquête sur le maire de Saint-Jérôme.
Le grand ménage à la Caisse de dépôt
« Malheureusement, Le Journal de Montréal a fait un excellent travail. »Ces mots sont ceux de Michael Sabia, PDG de la Caisse de dépôt et placement du Québec, qui annonçait un grand ménage dans son organisation à la suite des reportages de notre Bureau d’enquête.
Au début de l’année, nous révélions les liens troublants d’une vice-présidente de la Caisse de dépôt, Martine Gaudreault, et de son conjoint Alain Cormier, un prêteur privé longtemps lié au clan mafieux Rizutto.
Mme Gaudreault brassait aussi plusieurs affaires avec Alain Cormier.
C’était le début d’une série de reportages sur de hauts cadres d’une filiale immobilière de la Caisse, Otéra Capital.
Notre Bureau d’enquête a notamment révélé qu’un économiste, Edmondo Marandola, aurait fait miroiter des fonds de la Caisse en échange d’un prêt privé.
Un partenaire d’affaires du grand patron d’Otéra, Alfonso Graceffa, aurait aussi reçu un financement de 44 millions $ même si le code d’éthique stipulait que M. Graceffa devait éviter tout conflit d’intérêts, réel ou perçu.
Nos reportages ont forcé la Caisse à commander une enquête indépendante qui a coûté 5 M$. Quatre personnes ont ensuite perdu leur emploi, dont le grand patron Graceffa, qui poursuit aujourd’hui la Caisse.
En novembre dernier, au moment d’annoncer qu’il quitterait son poste, Michael Sabia a parlé de cet épisode comme le moment le plus difficile de son passage à la Caisse.
Le greffier de Terrebonne démissionne
En février dernier, le greffier et directeur des services juridiques de Terrebonne a quitté son emploi après que nous eûmes appris à son employeur qu’il avait recommandé l’octroi de plus de 1,3 million $ de contrats publics sur neuf ans à la firme d’avocats pour laquelle travaillait sa femme.
Le greffier, M. Denis Bouffard, affirmait avoir avisé des supérieurs de son lien marital, mais la Ville n’avait retrouvé aucune trace écrite à cet effet dans ses dossiers.
En novembre dernier, le Tribunal administratif du travail a ordonné la réintégration de M. Bouffard à son poste, lui qui alléguait avoir été forcé de démissionner par son supérieur.
La Ville, qui ne souhaitait pas rembaucher le greffier en raison du « bris évident du lien de confiance », a convenu de lui verser la somme de 142 140 $, en échange de quoi Denis Bouffard a accepté de demeurer à la retraite.
Bonjour la police
Si la ministre de la Sécurité publique Geneviève Guilbault a annoncé une grande réflexion sur les enquêtes policières au Québec, c’est en grande partie à la suite de nos révélations sur le travail de l’Unité permanente anticorruption (UPAC).
En mai dernier, notre Bureau d’enquête a révélé que le projet Contour de l’UPAC, sur l’implication de la mafia dans les contrats publics de Montréal, avait avorté malgré des preuves vidéo.
Tout au long de l’année, nous avons également levé le voile sur les dérapages allégués d’enquêtes à l’UPAC. Ceux-ci expliqueraient pourquoi l’ex-patron de cette organisation, Robert Lafrenière, a quitté son poste par surprise à la fin 2018.
L’enquête sur la façon dont travaillait l’UPAC à l’ère Lafrenière, aujourd’hui menée par le Bureau des enquêtes indépendantes, a aussi entraîné la suspension du patron de la Sûreté du Québec, Martin Prud’homme, selon nos informations.
Ce dernier est soupçonné d’avoir commis une infraction criminelle, mais n’a été formellement accusé de rien à ce jour.
Le maire de Saint-Jérôme sous enquête
En mai dernier, notre Bureau d’enquête dévoilait que le maire de Saint-Jérôme, dans les Laurentides, a été enregistré à son insu, en octobre 2017, en train d’offrir un « emploi prestigieux » à un conseiller municipal dont il voulait se débarrasser, Mario Fauteux.
Un autre conseiller, André Marion, allègue avoir connu le même sort.
Nous avons également révélé que le maire Stéphane Maher était visé par deux constats d’infraction du Directeur général des élections en lien avec cette affaire.
À la suite de notre reportage, la Commission municipale du Québec a elle aussi démarré une enquête sur les agissements de M. Maher.
Ce dernier a plaidé non coupable aux accusations de manœuvres électorales frauduleuses qui pèsent contre lui.
Il a aussi déposé une requête pour mettre fin aux procédures, alléguant que son procès a déjà été fait dans les journaux. Cette requête sera tranchée en janvier prochain. S’il est reconnu coupable, le maire Maher pourrait perdre son poste ou écoper d’une suspension.